Carré 35

Carré 35

Un film d’Eric Caravaca

France – 2017 – 1 h 07

Pourquoi la mort nous fait-elle toujours aussi peur ? Et quel est le degré de notre souffrance lorsqu’il s’agit de la mort d’un enfant ?

Pourquoi avons-nous tant de peine à parler du handicap, et pourquoi avons-nous tant de difficultés à regarder en face les personnes handicapées ?

La mort, le handicap, sont au coeur du documentaire d’Eric Caravaca, au travers de l’histoire douloureuse d’une famille, de sa famille.

Pourquoi Christine, soeur d’Eric morte tout enfant, semble-t-elle avoir été volontairement oubliée, la petite fille qu’elle était n’étant plus maintenant qu’un « fantôme »…. Et cette enfant, comment est-elle véritablement morte ? Et était-elle tout à fait normale ?

Ce sont ces questions qui hantent l’esprit d’Eric, et vont lui donner le désir irrésistible de découvrir la vérité sur cette soeur dont tout souvenir semble avoir été effacé. Peut-être qu’une visite au carré 35 du cimetière français de Casablanca, aiderait à faire avancer cette recherche, et à découvrir la vérité.

Eric Caravaca est un très brillant comédien, vu récemment dans l’Amant d’un jour, Ce qui nous lie, L’Ami, François d’Assise et ses Frères. Il est le réalisateur d’un unique film, Le Passager, sorti en 2006, où la question du deuil et des souvenirs traumatisants qu’il peut réveiller, étaient déjà au centre de l’histoire.

Avec Carré 35, Eric Caravaca propose un documentaire d’un tout petit peu plus d’une heure, qui va à l’essentiel, au travers d’une narration au cordeau, mêlant interviews, images d’archives, images de films 8 mm tournés dans le cadre familial.

Ce documentaire admirable nous dit, à propos d’un cas particulier, des choses universelles sur la mort, le handicap, la vérité et le mensonge, les souvenirs vivants ou occultés. Ces souvenirs aident-ils à vivre, ou lorsqu’on les invite à remonter et à revisiter celles et ceux chez qui ils étaient enfouis, sont-ils la cause de nouvelles souffrances peut-être bien inutiles. Pourquoi ne pas définitivement « tourner la page », comme le dit la maman de Christine et d’Eric à un moment du film.

Une séquence magnifique met en scène le père de Christine qui ne se souvient plus, ou pour le moins très mal, de sa propre enfant, de l’âge et des circonstances de sa mort. Et l’on ressent fortement que dans l’évanouissement des souvenirs, il y a comme une volonté assumée d’oubli, mais on y voit aussi les effets de l’âge et de la maladie.

Très habilement, et sans ostentation, Eric Caravaca rappelle par de magnifiques et bouleversantes images d’archives, que le drame vécu par sa famille, était contemporain de celui que vivaient le Maroc et l’Algérie, pays traumatisés par des guerres que certains ne voulaient considérer que comme des « évènements ». Et pour beaucoup, l’obligation de fuir loin de sa terre, mais aussi pour certains, l’occasion de laisser derrière eux, le souvenir d’évènements personnels vraiment trop douloureux, l’occasion de l’oubli.

Avec Carré 35, Eric Caravaca, comédien inspiré, nous offre, en tant que réalisateur, un superbe documentaire, riche en questionnements sur les grands sujets qui sont toujours au coeur de la vie de chacune et de chacun de nous.

Pierre QUELIN.

 

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