de Xavier Beauvois
France, 2h00, 2010.
Festival de Cannes 2010, Grand prix du jury, prix de l’Education nationale et prix du Jury œcuménique.
Sortie en France le 8 septembre 2010.
avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Philippe Laudenbach, Olivier Rabourdin, Abdelhafid Metalsi.
Partir ou mourir : à travers l’évocation du drame des moines de Tibéhirine, un très beau film qui questionne la fidélité, la liberté et l’engagement.
Une des premières images du film montre une corde tendue entre deux murs, corde à linge sans doute, sous laquelle passe un homme pour se rendre à son travail. C’est une corde faite de plusieurs morceaux, quelque chose de bricolé, d’ancien, de misérable mais qui sert encore. Tendue entre deux maisons au dessus d’une ruelle en escalier, elle suppose une entente entre les voisins. Elle évoque aussi, forcément, des images plus sombres et de tout ce qu’on faire avec une corde. Ainsi il y a dans le film Des Hommes et des dieux, de très nombreuses scènes où des images calmes et anodines, montrant la routine d’une vie consacrée à l’humilité, laissent apparaître le doute, la peur et le drame. Discrètement, à travers un petit détail, un geste, un rai de lumière ou la brève hésitation d’une voix, qui fait résonance dans l’imaginaire des spectateurs.
Grâce à un montage rigoureux, le film déroule l’histoire de ce drame d’une façon qui semble rigoureusement chronologique. Pourtant, à travers le rituel très précis de la vie au monastère dans lequel, au fil des tâches et prières de la journée, on s’immerge lentement, le drame devient omniprésent et on est presque surpris de la violence avec laquelle il bouscule soudain l’harmonie ressentie. Harmonie des moines entre eux, harmonie du monastère avec les villageois, avec la nature splendide qui les entoure, harmonie de ceux qui ont trouvé leur place dans ce monde et le sens de leur vie.
Quand le terrorisme – dont l’Algérie fut victime dans les années 1990 – vient cogner aux portes du monastère, la peur et le doute font irruption dans tout le village, dans le cœur même de la vocation des moines. Xavier Beauvois, et les acteurs, Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin, nous font partager leur angoisse et leurs indécisions. Que fait-on quand on sait qu’on va mourir ?
Des Hommes et des dieux parle de ces hommes qui donnent leur vie à Dieu, de ces hommes qui respectent les autres dans leur différence au nom de principes religieux, qu’ils soient paysans ou moines, musulmans ou chrétiens, européens ou africains. Mais à travers le destin héroïque de ses personnages, le film évoque avec justesse la liberté de rester digne face au danger, la fidélité à ses engagements. Certes, c’est un film qui parle de la foi et c’est un réalisateur agnostique qui explique avec une lucidité étonnante ce qu’est l’incarnation pour les catholiques. Mais c’est aussi le très beau portrait d’hommes libres, de personnages atypiques dans nos sociétés surmédiatisées qui, s’opposant à leur propre peur et à la lâcheté ordinaire de chaque individu, arrivent à dépasser leur égoïsme pour redonner de la dignité à toute une humanité. Nous avec.
Au Festival de Cannes 2010, Des Hommes et des dieux a obtenu le grand prix du jury, le prix de l’Education nationale et le prix du Jury œcuménique. Les membres du Jury œcuménique ont attribué leur prix avec cette note d’intention : « D’une grande beauté plastique, servi par une interprétation collective remarquable et rythmé par l’alternance des travaux et de la liturgie, ce film dépeint le sacrifice des moines de Tibéhirine (Algérie 1996), choisissant de poursuivre leur œuvre de paix malgré la violence déchaînée. La profonde humanité des moines, leur respect pour l’Islam et leur générosité pour leurs voisins villageois motivent notre choix. »
Magali Van Reeth
Signis
Pour voir le Testament du Père de Chergé
