Un film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir – France – 2019 – 1 h 51
Pour beaucoup de spectateurs, moi-même en tout premier, la vision de ce film constitue ou constituera probablement, une véritable plongée en terre inconnue. Il faut s’attendre à être surpris, bousculé, mis mal à l’aise….
Cette terra incognita ne se situe pas aux antipodes de notre pays, mais chez nous, en Seine-Saint-Denis (Le trop fameux 93…), avec une histoire qui se déroule dans un collège, tout au long d’une année scolaire.
Cette histoire s’intéresse plus particulièrement à la vie d’une classe de troisième, caractérisée par un complet métissage des élèves, typique de ce que l’on appelle les quartiers dans beaucoup de villes en France, et autour de Paris en particulier. Classe, assez curieusement, très majoritairement masculine.
Le fil rouge de la narration est représenté par le personnage de Samia, la toute nouvelle CPE, la Conseillère Principale d’Education (De mon temps, on disait Surveillante Générale), venue en région parisienne à sa demande, depuis sa lointaine Ardèche. Conseillère qui va rapidement s’intéresser plus particulièrement à un élève difficile et indiscipliné, Yanis, et c’est le deuxième fil rouge du film.
Le collège, c’est tout un monde où se croisent, se rencontrent ou s’ignorent, directrice, professeurs, surveillants, collégiens, mais aussi parfois les parents (rarement en couple), quand le comportement de certains élèves le nécessite.
Parlons, pour commencer des défauts du film. Le principal tient au fait que scénaristes et réalisateurs avancent le plus souvent avec leurs gros sabots, donnant à leurs personnages des allures de caricatures, plus que de véritables personnes de la vraie vie. Ce parti-pris contribue à faire de ce film une comédie, mais on a le droit de ne pas apprécier l’humour qui la soutient.
L’autre défaut, pour moi assez grave, c’est l’insistance sur la grossièreté et la vulgarité permanentes du langage des lycéens, même s’il faut bien admettre que cela ne fait que traduire la réalité du parler de certains jeunes. En Seine-Saint-Denis comme partout ailleurs.
Pour finir avec les défauts, on peut souligner le peu d’inventivité de la mise en scène, qui ne semble pas avoir été le souci premier des réalisateurs.
Ceci étant, il serait injuste de ne pas souligner de réelles qualités du film. Elles tiennent à ce qui nous est montré et dit des relations qui, tout au long d’une année scolaire, se nouent entre collégiens, professeurs, surveillants, parents. Et compte tenu du nombre d’élèves difficiles (c’est un euphémisme), la CPE semble passer un temps fou à recevoir des élèves pour les rappeler à l’ordre, les inviter à respecter le règlement, la discipline, les bonnes manières, et très souvent, les sanctionner.
Assez réussi, le fil rouge constitué par les relations plus étroites que Samia tisse avec Yanis, modèle de l’élève à problèmes, mais chez qui elle entrevoit cependant des talents et des potentiels qui pourraient en faire un jeune plein d’avenir.
Très intéressant aussi, les portraits des professeurs qui, selon leur caractère, leur tempérament, peut-être leur idéologie, réagissent très différemment face aux comportements de certains élèves. En particulier, joli portrait de Thierry, professeur en souffrance, très bien joué par Antoine Reinartz, que l’on peut voir aussi actuellement dans Roubaix, une lumière, le film d’Arnaud Despléchin.
Le principal atout du film, c’est la présence de la jeune comédienne Zita Hanrot, dans le rôle de la Conseillère Principale d’Education, le personnage le moins caricatural de tout le film. Zita Hanrot, que l’on a particulièrement aimé découvrir dans Fatima, le film de Philippe Faucon de 2015, s’approprie son rôle avec beaucoup de conviction et de naturel, apportant au film la chaleur humaine qui lui fait souvent défaut par ailleurs. Une comédienne décidément à suivre.
Tous les acteurs, professionnels ou non, sont assez convaincants, même s’il n’est pas toujours facile de porter un rôle par trop caricatural.
En somme, un film qui ne brille pas par sa légèreté (loin des qualités de Patients, le précédent très bon film de Grand Corps Malade et de Mehdi Idir), mais qui au travers de son côté documentaire, parvient à nous faire réfléchir en nous disant des choses intéressantes, et même très importantes sur une certaine école actuelle, sur les immenses problèmes dont elle souffre, et sur les difficultés à les résoudre.
La Vie scolaire n’est donc pas seulement une comédie plus ou moins réussie.
Pierre Quelin.