d’Iciar Bollain
Espagne/Mexique/France, 1h43, 2010.
Sortie en France le 5 janvier 2011.
avec Gael Garcia Bernal, Luis Tosar, Carlos Adurivi.
A travers la reconstitution de l’arrivée des colons en Amérique du sud, les comportements des occidentaux sont mis à mal par la réalité économique actuelle. Une rude leçon de mondialisation.
Pour réduire les frais de tournage d’un film, une équipe espagnole s’installe en Bolivie. Il s’agit de poser un regard différent sur les premiers temps de la colonisation. Les acteurs principaux sont des occidentaux et on recrute les figurants et machinistes sur place. Les Indiens boliviens remplacant à peu de frais ceux des Caraïbes, on peut faire de belles scènes de batailles et mouvements de foule. Le soir, autour d’une bonne table dans un hôtel confortable, les acteurs défendent avec passion leurs personnages, des prêtres rebelles affrontant courageusement les autorités religieuses et royales du 16ème siècle.
Mais en ce mois d’avril 2000, la ville de Cochabamba est le siège d’une révolte très violente des populations indiennes, majoritaires dans cette région, contre la privatisation de la distribution de l’eau. Cette guerre de l’eau, gagnée par les plus pauvres contre les multinationales, donne son titre au film. « Ils nous prendront tout, même l’eau de la pluie, même la sueur qui coule de notre front », crie un homme en colère.
Même la pluie montre avec un brin d’humour, comment nos contemporains refont trop hâtivement l’Histoire. Imbibés des discours humanitaires du 21ème siècle, le metteur en scène et son équipe sont en admiration devant ceux qui se sont opposés aux violences de la colonisation, sans toutefois en percevoir toutes les facettes. Mais la réalisatrice Icàar Bollaàn montre également comment, au mépris justement de cette Histoire passée, ils agissent avec un égoïsme cynique et des réflexes de colonisateurs dès lors qu’ils se sentent en danger
Le scénario est signé de Paul Laverty, qui travaille avec Ken Loach depuis de nombreuses années. On reconnaît aisément la trame sociale où se mêlent des relents de tragédie dès lors qu’il faut choisir son camp et agir avec justesse. Le contexte de la colonisation au 16ème siècle confrontée à la mondialisation actuelle se prête bien à l’exercice. En tant que spectateur, c’est toujours amusant de regarder les autres se prendre les pieds dans le tapis sur des questions éthiques en pays étranger. Confortablement assis dans un fauteuil, on voit bien combien il est difficile d’aider l’autre sans l’enfoncer un peu plus, combien on est de toute façon coupable dès lors qu’on est témoin, combien les relations nord/sud sont délicates
A travers des situations très banales et ordinaires, Même la pluie souligne combien il est difficile de respecter vraiment l’autre. Heureusement, le film d’Icàar Bollaàn se termine sur quelques gestes, humbles, justes et généreux, qui permettent d’espérer une meilleure humanité.
Magali Van Reeth
Signis