L’écoute récente d’un enregistrement de la musique d’Arvo Pärt me pousse à écrire quelques mots sur ce compositeur exceptionnel, dont la musique a fait le tour du monde.
Arvo Pärt
Arvo Pärt est né en 1935 à Paide, en Estonie. Il se situe en marge de la plupart des courants de son époque. Pendant longtemps, il a utilisé la technique sérielle, et sa première symphonie (1964), qui a été enregistrée, en témoigne. Rien ne laissait supposer un avenir tout à fait autre.
En effet, à la fin des années soixante, Arvo Pärt se réoriente totalement. La découverte du chant grégorien, fut un choc décisif. Elle lui révèle l’importance primordiale, originelle et de nature quasi cosmique du son et des combinaisons mélodiques les plus simples, plus riches, selon lui, qu’une polyphonie complexe.
Il se tourne alors vers les formes de l’Ars nova, de Guillaume de Machaut, et les premiers polyphonistes franco-flamands. Il rejette la technique sérielle pour des raisons éthiques et esthétiques, qui, selon lui, enferme la musique dans des situations conflictuelles sans résolution, alors que son rôle devrait être d’apporter une réconciliation intérieure, de ramener vers l’unité perdue.
Lorsqu’on parcourt le catalogue des oeuvres d’Arvo Pärt, on est surpris par la multiplicité des titres religieux: Credo, Missa syllabica, Passio, Te Deum, Stabat Mater, Magnificat, Miserere, Berliner Messe, etc. Mais pour Arvo Pärt, la musique est une opération plus cosmique que religieuse, et il aime citer Saint Jean: « Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va ».
Il me semble que la principale caractéristique d’Arvo Pärt est de se présenter comme « un prédicateur du silence ». Sa musique est la combinaison de quelques notes qui doivent révéler une évidence unifiante, une pacification du temps, une rencontre du silence vers lequel toute son oeuvre tend comme vers une sanctification ultime.
Son oeuvre Fratres (1977) a eu un tel succès que le compositeur en a élaboré huit versions différentes. D’abord écrite pour orchestre, elle fut transcrite pour violon et piano, puis pour quatre, huit, ou douze violoncelles, pour quatuor, pour ensemble de chambre, etc. C’est sans doute l’oeuvre la plus jouée d’Arvo Pärt.
Cette simplicité que recherche Arvo Pärt se traduisit en 1976 par une pièce de piano, Für Alina, qui ne dure que deux minutes, et ne compte que quelques dizaines de notes.
De telles oeuvres posent un problème d’interprétation auquel la plupart des musiciens ne sont pas préparés: « Où est la musique ? », demandent-ils en voyant la partition. Il leur faut une concentration et une conviction particulières pour donner vie à ces quelques notes éparses dont le calme déroulement suggère la spirale indifférente de l’éternité après tant de musiques consacrées à la fuite agitée du temps.
Découvrez ce compositeur et sa musique qui nous réconcilie avec le monde, en écoutant un CD Onyx 4201, avec la formidable violoniste Viktoria Mullova; et l’Estonian National Symphony Orchestra dirigé par Paavo Järvi.
Pierre Moutarde, Délégué épiscopal « Arts, Culture et Foi ».
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Viktoria Mullova
Paavo Järvi
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