Peindre les marges, faire le portrait de ceux qui ne comptent pas. C’est Caravage au tournant du 17ème siècle et le scandale que l’on sait.
Robert Guinan (1934-2016) immortalise les habitants des quartiers pauvres du Chicago des années 60-80. Il croque sur le vif ceux qu’ils croisent à la façon de Toulouse-Lautrec et montre leur solitude harassée comme Hopper. Les portraits posés arrivent plus tard, mais toujours le secret des personnes.
Un métro au petit matin ou très tard le soir, horaires décalés comme les vies « en marge du rêve américain », exilés des centres de richesse, réfugiés où l’on peut. Un bar, l’alcool ou la prostitution. Visages estompés comme pour en protéger la dignité et l’intimité à moins que déjà la mort ne projette son ombre, Memento mori. La musique des fêtes ou le blues des jazz-clubs comme autrefois le gospel des esclaves.
La fiction picturale crie les souffrances et transfigure la lassitude d’être. On entend l’invitation de François d’aller aux périphéries. Caravage engage à vivre la foi par la non idéalisation de ses modèles ; la fraternité de Guinan, complice et sans complaisance, avec les siens est communicative. Ordinaire et profane, blessée aussi, la vie plus grande.