Actes Sud, Arles 2021
C’est un court récit qui se lit comme un roman dans une langue simple et travaillée à la fois. Mais attention, danger. Un texte peut en cacher un autre, et c’est le cas. C’est un texte de sociologie, de sociologie de l’immigration et des banlieues. Certaines pages se lisent comme un documentaire, informé, renseigné, des événements qui… ont suivi la mort de Nahel ! Le jeune homme issu de l’immigration, comme l’on dit, né en France, français, a été tué à bout portant par un agent de police le 27 juin 2023. Comme si, avant même les événements de juin dernier, l’on savait que rien n’avait changé depuis vingt, quarante ans.
De la fin des années 80 à 2010 environ, une fillette de parents marocains grandit en France. Elle découvre ce qu’elle ne sait pas encore nommer – le racisme -, non seulement à travers les insultes et vexations, mais surtout les injustices. Elle prend conscience que ce qui n’est que normal quand on l’a toujours vécu s’appelle injustice. Elle apprend à renverser la logique de pensée que la société où elle vit impose à tous, y compris à ceux qui en sont les victimes.
En fin de secondaire – c’est la seconde partie du texte – l’adolescente commence à se forger une conscience politique ce qui la conduit à engager des études supérieures en sociologie. La littérature pour l’autrice comme pour beaucoup depuis 70 ans notamment devient une arme, une manière d’agir. Sont évoqués les événements de 2005 suite à la mort de deux ados, Zyed Benna et Bouna Traoré, et la force des mères, qui élèvent leurs garçons, contrairement à ce dont tous sont convaincus.
L’écriture est calme, paisible même. L’amour de la fillette devenue jeune adulte pour ses parents qui crève chaque page, pourtant, n’empêche pas la violence volcanique que l’agencement des événements et pensées parvient à faire entendre. Il n’y a pas les méchants contre les gentils ‑ aucun adulte responsable ne peut croire que le pays de Candy existe ! Il y a une sociologie postcoloniale qui en raconte au moins autant sur ce que vivent les migrants ‑ comme ils existent ‑ que sur l’inhospitalité banale et suffisante de ceux qui se pensent chez eux, parce qu’ils ne sont ni musulmans, ni basanés, ni pauvres, parfois pas nés en France, à la différence de tant de français, qu’ils ne parviennent pas à considérer comme tels, mythe délétère d’une France blanche et chrétienne, quand bien même tellement peu croient en Dieu.
Présentation des ressorts sociologiques du texte par l’autrice ou un entretien récent.