Dieu et ses images, une histoire de l’Eternel dans l’art, de François Bœspflug, tout en étant assurément un livre d’art avec des photos de très grande qualité –il n’est jamais facile de photographier une mosaïque d’abside plongée dans l’obscurité- se veut également un ouvrage « qui ambitionne de servir de manuel ».
C’est pour ce la que les 534 pages, supérieures au format A4, sont divisées en 12 chapitres*, eux-mêmes subdivisés en plusieurs paragraphes didactiquement organisés. L’image est toujours en présence du texte correspondant. Théologie, histoire et œuvres plastiques s’interpénètrent. Chaque chapitre « commence par un plan et un résumé, et se termine, et se termine par une bibliographie ».
Ouvrage « scolaire », mais aussi scientifique comme le montre les multiples notes qui permettent de s’assurer de toutes les citations littéraires et de repérer les implantations géographiques des « images » : peintures, mosaïques, sculptures photographiées. A la vue de toutes ces notes, du glossaire, des quatre index, des bibliographies, du sommaire, de la table des matières, impressionné, le lecture risque de ressentir une grande frayeur. Il risque de conclure que cet ouvrage n’est pas fait pour lui. Il se tromperait. En effet, les chapitres sont courts et bien délimités. Rien n’impose de les enchaînés les uns aux autres. Néanmoins l’ouvrage ne peut en aucun cas se lire durant les aller et retour du metro, de son domicile à son travail. Il lui faut une bonne table, large et solide pour pouvoir délicatement tourner les pages sans y déposer son index humidifié. Un livre précieux que l’on vénère, j’imagine ; comme jadis on prenait le lourd ouvrage enluminé d’avant l’imprimerie. Personnellement, quand il y a plus de 25 ans je fus invité par des étudiants d’histoire de l’art et de jeunes guides conférenciers à donner des cours d’iconographie chrétienne que nous intitulions « art et bible », j’ai, reprenant les quelques notions acquises à l’université grégorienne à Rome, découvert combien il était intéressant de revoir toute sa théologie à partir des images qui, commandes d’Eglise, ou expressions de piété monastique, concrétisent la réception de la Révélation. Evêques, prêtres, théologiens, religieux expriment dans leur réflexion, traités savants ou homélies populaires, leur compréhension du Dieu trinitaire. Comment un artisan- artiste va-t-il traduire ce qui est entendu. Et moi, le regardant-visiteur, baignant dans une culture tout autre, comment vais-je saisir le sens de la forme que j’ai sous les yeux. L’étude de l’image (on devrait dire iconologie plus qu’iconographie) invite à remonter jusqu’à la source de l’Inspiration. Voici le chemin à suivre : 1 – l’œuvre ; 2 – le créateur ; 3 – le discours entendu dans une histoire précise ; 4 – la méditation du receveur, héraut de la Parole ; 5 – Dieu qui parle à l’humanité, la révélation biblique, extra biblique, mystique. L’étude de l’image comme nous la présente François Bœspflug nous initie donc dans le détail, pour que nous puissions remonter jusqu’à la source de l’Inspiration. C’est la démarche présentée par Dominique Ponnau lors d’un célèbre colloque, « le sens de la forme », destiné à inviter les enseignants de l’Education National à traiter du fait religieux pour comprendre les éléments culturels occidentaux. Grâce à ce livre nous sommes pédagogiquement accompagnés pour passer de la « chose vue » à la réalité, ou l’idée, qui en est à la source. J’éprouve effectivement beaucoup de plaisir à regarder les belles reproductions, à les textes qui les accompagnent et je vous invite à vous plonger dans ce bonheur. Pourtant je terminerai avec un souhait qui résulte d’une insatisfaction. Un livre si lourd et si coûteux peut-il véritablement être un outil d’étude ? Je souhaite que très rapidement une édition bon marché, moins lourde, même si la qualité des photos en souffre, voit le jour. Un livre de poche sur lequel je puisse écrire, mettre dans mon sac, prendre avec moi lorsque je visite un monument. Liste des chapitres 1 – Le poids du décalogue, Israël ancien, judaïsme postbiblique et islam. 2 – L’héritage juif du premier christianisme, 1er et IIe siècle 3 – Dieu dans l’art paléochrétien, IVe – VIe siècle. 4 – La victoire de l’Icône et la raison d’Eglise, VIIe – VIIIe siècle. 5 – La foi visionnaire, Dieu dans l’art chrétien d’Orient, IXe –XIIe siècle. 6 – Majesté et liberté, Dieu dans l’art d’Occident du IXe au XIIe siècle. 7 – Trinité européenne, XIIIe – XIVe siècle. 8 – Dieu pathétique et familier, les audaces du XVe siècle. 9 – La figure de Dieu en question, 1560 – 1680. 10 – Un sujet en déclin, du siècle des Lumières aux années 1860. 11 – Eclipe du Père, triomphe du crucifié, le « grand XXe siècle », 1860 – 2000. 12 – Inculturation et mondialisation, le Dieu chrétien hors d’Europe, XVIe – XXIe siècle.