de François Ozon
France, 2012, 1h45
Sélection officielle Festival de San Sebastian 2012, Concha de oro (meilleur film)
Sortie en France le 10 octobre 2012.
avec Fabrice Luchini, Kristin Scott Thomas, Ernst Umhauer.
Brillant et complexe, le nouveau film de François Ozon nous emmène très loin dans les rouages de la fiction et du cinéma. Un vrai régal pour ceux qui aiment se laisser déstabiliser.
La plupart des films de François Ozon ont, comme figures centrales, des personnages ayant des difficultés à séparer la réalité des fruits de leur imagination, leur ressenti intime de celui des autres. Sous le sable, Swimming Pool, Angel, Ricky ont amené le réalisateur à explorer différentes facettes de ce thème. Avec ce nouveau film il réussit, avec talent, à nous donner les clés de la fiction tout en ouvrant les portes qui permettent de la vivre avec une intense palpitation.
Dans la maison commence à la rentrée des classes, dans un lycée en apparence banal. Les profs reprennent du service et découvrent sans illusion les nouveaux élèves. Le prof de littérature, c’est Fabrice Luchini, alors on savoure par avance les tirades sur la belle langue et les grands auteurs. Mais dès les premières images, quelques signes viennent semer le doute chez le spectateur qui, presque malgré lui, pense déjà à la façon dont toute l’histoire va se dérouler
François Ozon installe le doute en nous et, dans les scènes les plus ordinaires, on se surprend à frissonner. Sans doute à cause de la narration récitée, qui surprend et berce à la fois, et donne une autre interprétation des images projetées sur l’écran. Il en découle comme un agréable malaise. Sans doute parce qu’on a déjà vu beaucoup de films et que le potentiel des drames qui s’ouvrent à nous est immense. La tension monte, entre les salles claires du lycée et l’atmosphère chaleureuse de la maison : on ne sait jamais à l’avance quelle porte va être ouverte et dans quel genre le film va s’installer ! Dans le roman qui se construit sous nos yeux, se mêlent l’imaginaire romanesque, les techniques littéraires et le réel, mais juste le réel auquel le réalisateur veut nous faire croire. C’est un délice pour le spectateur.
Au-delà de cette prenante expérience de cinéma, où François Ozon décortique la fiction pour mieux nous la faire ressentir, il y a toute l’ambigà¼ité de l’admiration entre un prof et son élève, toute la perversité d’une relation où l’émulation mutuelle renverse les limites de chacun. Il y a la violence du désir. Désir de s’immiscer dans la vie des autres, d’y prendre la meilleure part, désir de devenir l’autre, à sa place. Le tout joliment emballé dans un film très fluide et bien desservi par ses acteurs. Aux côtés de Luchini (qui n’en fait pas trop), Kristin Scott Thomas joue sa femme, parfaite pour revenir vers la réalité. Et dans le rôle du jeune élève, Claude, Ernst Umhauer est impressionnant. Entre jeunesse et maturité, il dégage une calme perversité, encore une ambigà¼ité de plus.
Dans la maison est un film très original. C’est la création de la fiction sous nos yeux ébahis, avec toutes les étapes obligées : le ravissement, la stupeur, l’émotion de se savoir touché, la tension qui monte et nous fait frissonner, les fausses pistes, nos souvenirs et nos espérances, la part de rêve et d’introspection, les rebondissements puis la chute et le dénouement. Un grand plaisir de cinéma et un film envoutant !
Au Festival de San Sebastian 2012, François Ozon a reçu la plus haute récompense, la Concha de Oro (meilleur film) pour Dans la maison.
Magali Van Reeth
Signis