Une année étrangère de Brigitte GIRAUD

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ème livre de cette écrivaine, née en Algérie en 1963, et habitant Lyon, par ailleurs conseillère littéraire de la Fête du livre de Bron.
Roman d’apprentissage, écrit à  la 1ère personne. A l’âge de 17 ans, et pour fuir une ambiance familiale irrespirable, Laura part comme jeune fille au pair dans une famille du Nord de l’Allemagne, près du mur de séparation avec l’Est (avant 1989 donc).
Déstabilisation de se trouver dans une famille désordonnée, voire désorganisée, avec une fillette difficile à  apprivoiser et un adolescent ; les parents, M et Mme Bergen, fument beaucoup, partent tard le matin au travail. La jeune Française ne sait pas trop ce que l’on attend d’elle, se rend compte qu’elle maîtrise mal la langue allemande.
Il faut endurer l’exil, l’étrangeté de la famille d’accueil, le climat rigoureux, l’isolement dans la campagne, l’absence de contacts avec des jeunes de son âge.
Ce qui l’aide à  tenir : la correspondance avec son frère Simon, les visites à  la médiathèque, la lecture de La montage magique de Thomas Mann et celle, terrifiante, de Mein Kampf.

Petit à  petit apparaissent des zones d’ombre : le souvenir traumatisant de l’accident mortel de son jeune frère, la rencontre avec le grand-père paternel des enfants Bergen, qui a eu des liens privilégiés avec la France Son frère Simon s’éloigne d’elle, sa mère au téléphone joue la comédie de la femme forte et heureuse Puis se révèle la maladie grave de Mme Bergen, et son hospitalisation qui transforme son statut dans cette famille Je vous laisse découvrir
Beau roman sensible donc, écrit avec simplicité et finesse.

Geneviève VIDAL

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Miss Bala

de Gerardo Naranjo

Mexique, 2011, 1h53

Festival de Cannes 2011, sélection Un Certain Regard.

Sortie en France le 2 mai 2012.

avec Stephanie Sigman, Noe Hernandez.

A travers le parcours tragique d’une jeune femme aux mains des trafiquants de drogue, le constat déprimant mais lucide de la mainmise des criminels sur l’état mexicain. Du cinéma puissant et rigoureux.

Pour le spectateur, Miss Bala peut être une expérience déprimante par la situation qu’il met en scène. Ce malaise n’est, bien sûr, rien à  côté de ce que vivent de trop nombreux Mexicains chaque jour. Le film nous donne pourtant deux bonnes raisons d’espérer. D’abord, il est heureux que le film existe et que certains artistes au Mexique aient eu le courage de dénoncer cet état de fait. Ensuite, la qualité artistique du film est telle qu’on reste soufflé par la maîtrise de la caméra, de la mise en scène et du jeu des acteurs.Miss_Bala_3-750x498.jpg

Parmi les producteurs de Miss Bala, on trouve les acteurs Gael Garcia Bernal et Diego Luna. Avec le réalisateur Gerardo Naranjo, ils dénoncent la situation catastrophique qui s’est peu à  peu installée au Mexique depuis une dizaine d’années. Le marché de la drogue est devenu si productif que les chefs de clan peuvent se permettre de tenir tout le pays et les forces de police par des pots de vin faramineux et un état de terreur quasi permanent sur la population. Parce que le gouvernement en place n’est plus capable de mener une politique sociale cohérente, ni d’assurer la justice, les assassinats de ceux qui tentent de résister, qu’ils soient élus locaux, militaires ou citoyens ordinaires, femmes ou enfants, sont quotidiens.Miss_Bala_1-750x498.jpg

Miss Bala, c’est Laura, une vingtaine d’années, une famille modeste, à  l’abri des tourments politiques. Avec sa copine, elles décident de participer au concours de miss. En se rendant sur place, elle assiste à  une fusillade et se retrouve, terrorisée, aux mains des trafiquants de drogue. Tremblante de peur, incapable de réagir, elle devient peu à  peu une marionnette aux mains de ceux qui n’ont aucune compassion pour elle.

Si la violence physique (fusillades, viol, tortures, assassinats) est plutôt brève et montrée sans insistance, le film suit la longue descente aux enfers de Laura. Comment une jeune femme « bien » peut se retrouver à  faire des choses épouvantables. La souffrance de Laura est palpable, son regard effrayé, sa respiration saccadée et le tremblement de ses jambes traversent le film comme une longue plainte. Avec elle, on ressent parfaitement ce que c’est de ne pas savoir comment agir, d’avoir à  choisir entre la peur et le dégoût, le ventre noué et la gorge serrée parce qu’il n’y a plus personne à  qui se confier. L’actrice Stephanie Sigman, dont la silhouette souple évoque ces rameaux frêles qu’on ne rompt pas facilement, donne au film une grâce particulière et on reste longtemps hanté par le terrible renoncement que son personnage doit accepter.Miss_Bala_2-750x498.jpg

Ce qui est féroce et déprimant, ce n’est pas le film mais bien la réalité qu’il montre : un pays corrompu qui sacrifie ses enfants au nom de la cupidité, brouillant l’idée même du bien et du mal pour toute une génération.

Magali Van Reeth

Signis

« On ne sait pas » à  l’Espace Culturel St Marc

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Faire avec soi-même. Faire avec l’autre. Faire avec peu.

Un défi. Un enjeu.
Les 4, 5 et 6 mai à  l’espace culturel Saint Marc par le Théâtre du Poisson Lune

Au cœur de ce forum, une pièce de théâtre: “On ne sait pas”, une adaptation du roman L’Enfant Bleu de Henry Bauchau ; une pièce qui étonne, qui dérange les a priori.

Le thème :

Bazardifié par le démon de paris, Orion fait la rencontre de Véronique, sa psycho-prof-un-peu-docteur, comme il dit.Elle discerne chez lui une imagination puissante, et l’oriente vers le dessin, mais les chemins de la création et de la vie quotidiennes sont semés d’incertitudes et d’échecs. L’ordre des choses vacille, bousculant l’a priori. S’étonner, se chercher, s’exaspérer, se comprendre. l’amitié tissée par le temps leur permettra peut-être d’accepter leurs précieuses singularités.
Un face à  face intime et bouleversant où l’on s’autorise à  refuser l’étiquette, pour exister.

Inspiré du roman : l’enfant Bleu

En 2004 Henry Bauchau publie son sixième roman « L’enfant bleu », l’histoire d’un adolescent psychotique pris en charge par une thérapeute qui va l’orienter vers le dessin et la sculpture. Au fil des années l’oeuvre- l’oeuvre intérieure et artistique- apparaît et s’affirme. Le délire, la confusion, les surprenants effets de l’art en actes, la patience des déliants qui partagent les efforts du « peuple du désastre », « les pas-normaux », tels sont les thèmes de ce livre. L’auteur y a versé beaucoup de son expérience d’analyste (notamment avec Lionel D. qui lui a inspiré le personnage d’Orion) pour atteindre, au-delà  du vécu, la vie du roman.

Pourquoi ce forum ?

C’est après une soixantaine de représentations, régulièrement suivies de discussions passionnées que j’ai été profondément touchée par la fatigue, la désespérance de professionnels, de parents, confrontés à  une grande solitude pour les uns, au manque de moyens pour les autres Et, dans le même temps, dans la même société, dans les mêmes corps de métier, je rencontrais et découvrais des réalisations magnifiques. Je pense à  Claude Chalaguier, auteur, metteur-en-scène et parrain de cet événement, à  Henri Saigre, co-fondateur du Mouvement d’Art-Thérapeute, et bien d’autres encore. Alors que manquait-il aux uns que possédaient les autres? De la créativité, des relations constructives, de l’espérance.

Voilà  pourquoi ce forum.
Pour nous rencontrer, créer des liens, nous ressourcer.
Pour oser croire au possible, oser croire en ses capacités, oser croire que la différence est une richesse et qu’avec ce que l’on est, grâce à  l’autre et même avec peu, nous pouvonsFaire; et Etre, des éducants-soignants-créateurs.

Céline Barbarin
Comédienne – Metteur en scène – [->http://celinebarbarin.wordpress.com/]

LOCATIONS : 06 75 70 44 26 ou

Fnac – Carrefour – Géant – Magasins U – Intermarché

Éloge de la haine

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Né près d’Alep en 1964 Khaled Khalifa était un jeune homme dans les années 80 quand la Syrie connut déjà  révoltes et répression. En nous donnant les clés, dans son roman « Éloge de la haine », de cette période sanglante, il nous aide à  comprendre la violence qui bouleverse ce pays aujourd’hui. À lire absolument !

On peut saluer la performance de cet écrivain, un homme qui raconte à  travers une narratrice utilisant la première personne. Nous suivons cette adolescente qui devient une jeune femme durant les années 80 au cours desquelles se déroulent des massacres abominables sur fond de guerre en Afghanistan. Les deux guerres s’imbriquent d’ailleurs fortement à  travers les personnages.

Placée chez des tantes célibataires, dans la maison familiale d’Alep, la narratrice nous livre à  travers une mosaïque de récits, l’histoire de cette grande famille bourgeoise sur le déclin. L’amertume et la bigoterie des femmes qui l’entourent la conduisent à  la haine. Haine du corps mais surtout haine des autres communautés. Ainsi deux blocs s’affrontent : celui des musulmans radicaux, auquel la narratrice appartient, c’est « notre Organisation », et celui du pouvoir en place, qu’elle appelle le Parti, lequel conduit la répression à  travers les brigades de la mort.
« A la fin de l’été j’étais déjà  habitée, enivrée par la haine. J’avais la sensation qu’elle me sauvait, en m’offrant le sentiment de supériorité dont j’avais besoin. Je lisais les papiers qu’on nous distribuait à  chaque réunion, j’en apprenais des passages par cœur, surtout les fatwas qui dénonçaient l’hérésie des autres communautés. »

C’est en prison que l’héroïne abandonnera la haine en même temps que son lourd vêtement noir et son voile intégral. Dévêtue de force, après des séances de torture, elle rencontre des femmes, celles des autres communautés détestées et pourtant si semblables à  elle. Elle connaît enfin l’amitié dont le manque la faisait souffrir, terriblement.
Khaled Khalifa est d’abord écrivain : il ne se limite pas au récit des événements, il nous emmène dans cette grande maison alepine fascinante par ses odeurs, ses recoins, ses chambres au décor suranné,son atmosphère de confinement mais aussi de repos des guerriers. Les femmes de la maison attendent, s’engagent, soignent, se marient, partent, reviennent Les hommes eux, commerçants ou guerriers, ne font que passer, le temps d’un repas, d’une nuit.
Et au cœur de la maison il y a le vieil aveugle, l’unique homme à  vivre avec les femmes, serviteur et confident qui compose avec passion des parfums et des poèmes. Rejeté dans son enfance à  cause de son infirmité, le vieil aveugle voit la vérité au-delà  de la réalité : le seul à  échapper à  la destruction par la haine.
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Viva Riva !

de Djo Tunda Wa Munga

RDC/Belgique/France, 2010, 1h38

Sélection officielle aux festivals de Berlin et Toronto 2011.

Sortie en France le 18 avril 2012.

interdit aux moins de 12 ans.

avec Patsha Bay, Manie Malone, Hoji Fortuna.

Un polar congolais qui permet d’entrer de plein fouet dans la fournaise de Kinshasa, en compagnie de personnages redoutables. Un vrai talent de cinéaste, une dose d’humour et un réquisitoire implacable contre la corruption.

Ces dernières années, très peu de films ont été tournés dans le continent africain, hormis le Maghreb, et ils sont encore plus rares à  sortir dans les salles européennes. Aussi, l’arrivée de Viva Riva! dans les salles françaises est une excellente nouvelle ! vivariva2.jpg

Djo Tunda Wa Munga est un réalisateur congolais formé en Belgique qui s’est beaucoup démené pour tourner dans son pays, avec des acteurs essentiellement locaux, et en langue lingala. Viva Riva ! est un film noir, noir par les acteurs, noir par l’ambiance, noir par le constat qu’il dresse de la société congolaise.

Riva est un jeune homme qui vient de passer quelques années en Angola et qui revient en RDC après avoir dérobé un chargement d’essence à  son patron. Grâce à  la pénurie de carburant qui paralyse Kinshasa, il espère faire fortune en revendant les barils, et commence à  faire la fête avec les copains d’autrefois. L’ouverture du film est saisissante, une caméra fluide balaye la mégapole, glissant à  peine sur les clichés habituels – trains bondés, tas d’ordures, misère à  tous les carrefours et grosses voitures européennes – pour donner une véritable épaisseur à  la ville et ses habitants, dont les odeurs, les bruits et l’âcreté deviennent palpables et transportent immédiatement le spectateur dans un autre univers.

Si l’intrigue est assez simple, avec des rebondissements classiques (rivalité autour d’une femme), les personnages sont savoureux et l’humour désamorce toute leçon de morale. César, le patron angolais, impeccablement vêtu de blanc, fait preuve d’un mépris pour les Congolais digne des pires heures de la colonisation. Le pouvoir militaire est incarné par une « commandante », terrifiée à  l’idée de tuer quelqu’un. Le copain d’enfance lâche sa famille pour la promesse d’une virée nocturne, le prêtre de la mission est un redoutable financier et la belle que les hommes convoitent est la fille d’un prof d’histoire.vivariva3.jpg

Parfois le réalisateur étire le film par quelques scènes de sexe et de bagarres un peu appuyées mais le portrait qu’il dresse de la corruption de son pays est sans appel. Le dollar est roi et pourri toutes relations, y compris au sein de la famille traditionnelle et il est souvent difficile de trouver des personnes de confiance. La fin du film voit tous les personnages – ou presque – rouler dans la poussière et le magot revient à  la seule personne encore innocente dans ce grand chaos qu’est le quotidien des habitants de Kinshasa.

Attention, ce film est interdit aux moins de 12 ans.

Magali Van Reeth

Signis

La robe dans tous ses états à  Confluences Polycarpe

Robe de fête, robe de deuil, robe de fillette, la robe symbolise la féminité et prend tout son sens pour celle qui s’en revêt . La robe que j’ai peinte n’est pas anodine. Ses couleurs et ses formes vont au-delà  de la séduction dont elle est accusée habituellement ; qu’il s’agisse des robes des épouses de Barbe-Bleue, de la robe de la mariée ou de la robe de l ‘enfant, la robe incarne un moment de vie qui révèle l’intime de celle qui en couvre son corps.

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Exposition de Michelle BONNETAIN à  découvrir

• du jeudi 12 avril au samedi 5 juin 2012

vernissage le samedi 14 avril à  11h30

ouverture les jeudi, vendredi et samedi de 15h à  18h
Confluences Polycarpe
25 rue René Leynaud Lyon 2ème

I Wish nos voeux secrets

de Kore Eda Hirokazu

Japon, 2011, 2h08

Sortie en France le 11 avril 2012.
Prix Signis au festival de San Sebastian 2011.

avec Koki Maeda, Ohshiro Maeda.

A travers le drame de deux frères au milieu de la séparation de leurs parents, une leçon lumineuse et douce, sur la quête d’un miracle qui pourrait changer nos destinées.

Au Japon, les drames sont souvent des catastrophes et dans les yeux d’un enfant d’aujourd’hui, la pire d’entre elles n’est pas un volcan en irruption, un tsunami ou une explosion atomique mais la séparation de ses parents. Deux jeunes frères se voient ainsi confiés l’un à  la garde de la mère, l’autre restant avec son père. Ils ont à  peine une dizaine d’années, sont très différents l’un de l’autre et souffrent des conséquences de cette séparation. Mais de façon différente. Koichi, l’aîné, est un garçon un peu triste, raisonnable et réservé. Ryunosuke est joyeux, malin et fantasque. A tous les deux, ils vont essayer de forcer le destin, dans une joyeuse escapade.iwish2.jpg

Il est dommage que le titre français est laissé de côté le « miracle » du titre japonais original Il y a bien longtemps que la France laïque adore les miracles et celui du dernier film de Kore Eda Hirokazu n’a rien de subversif. Deux jeunes frères séparés par le divorce de leurs parents tentent l’impossible pour réunir à  nouveau la famille. A ce souhait très contemporain que partagent tant d’enfants, il faut un miracle très actuel. Les médias abusant du vocable religieux lorsqu’ils parlent de la technologie moderne, le miracle imaginé par les enfants aura lieu lorsque deux trains à  grandes vitesse se croiseront. C’est l’énergie ainsi déployée qui permet à  l’impossible d’advenir, au miracle souhaité de s’accomplir.

Ancré dans un quotidien très japonais où on goûte des gâteaux de riz, où on se déchausse au seuil de l’appartement et où les enfants portent des uniformes pour aller à  l’école, I Wish nos vœux secrets résonne en chacun de nous, enfants ou adultes, dans notre quête effrénée du bonheur. Dans le voyage farfelu entrepris par Ryunosuke, Koichi et leurs copains, qui ne fonctionne qu’avec la grâce du cinéma, et où chacun attend quelque chose de différent, le miracle devient ce cheminement. Pour le réalisateur : « ils ont pris conscience qu’ils font partie de ce monde, eux aussi. C’est à  peu près à  ce moment-là  qu’ils apprennent aussi qu’il ne suffit pas d’aimer quelqu’un pour que cette personne vous aime en retour. Et si vous pouvez penser que cela fait partie de la vie, eh bien vous pouvez grandir en tant que personne. Les émotions qui côtoient le désespoir peuvent aider tout un chacun à  grandir. Personnellement, je pense que c’est cela, le miracle de la vie. » iwish4.jpg

Kore-Eda Hirokazu filme les enfants avec une délicatesse respectueuse, laissant apparaître les imperfections propres à  leur âge, leur insouciance naturelle et la gravité de leur implication. Le choix des acteurs est remarquable et tous forment une vraie bande autour des deux frères, complices, inquiets et joyeux à  la fois. Placé sous le signe de la catastrophe, le film est lumineux de bout en bout, avec une scène de pur bonheur au milieu d’un jardin de cosmos, où la fragilité des fleurs éphémères et colorées fait un écho poignant à  ces enfances si vite passées, si facilement brisées.

De par sa durée et son traitement, où les ellipses sont nombreuses et où beaucoup de questions restent en suspens, I Wish nos vœux secrets qui a pour personnages principaux un groupe d’enfants, n’est cependant pas un film destinés aux enfants. Au festival du film de San Sébastien (Espagne), ce film de Kore Eda Hirokazu a reçu le prix Signis et le prix du jury.

Concours jeunes créateurs 2012

Concours jeunes créateurs 2012 pour les 16-30 ans autour du poème de Jean Debruynne intitulé « Le temps de vivre »

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Le prix Jean Debruynne a pour but de faire émerger de nouveaux talents et leurs créations. Ce prix est organisé par l’association « En blanc dans le texte » qui récompense et promeut des œuvres dont la qualité et l’esprit sont proches de ceux de Jean Debruynne, poète, auteur, artiste, homme de foi, prêtre de la Mission de France.

Si ce prix vous inspire vous pouvez envoyer vos textes et chansons à  :

[->http://www.ebdt.fr]

Inscriptions et envoi avant le 30 avril 2012

SOURCE D’INSPIRATION: « LE TEMPS DE VIVRE »

Est-ce parce qu’il est trop rempli

Que le temps de vivre est en folie ?

Est-ce parce qu’il est trop plein à  craquer

D’agitation, de précipitation,

D’occasions manquées,

D’événements, d’énervements, de bavardages,

De bruits et de remue-ménage ?

Est-ce parce qu’il est trop rempli,

Que le temps de vivre nous paraît si vide ?

N’est-ce pas plutôt un bon prétexte pour nous cacher la peur,

Un bon alibi pour nous cacher le face-à -face,

Eviter d’avoir à  nous croiser nous-mêmes,

Fuir devant son ombre,

Eviter d’avoir avec soi un rendez-vous

N’est-ce pas plutôt parce qu’il est vide

Que le temps de vivre est si rempli ?

Jean Debruynne

Pieuvre de Valérie Canat de Chizy

La « pieuvre » a retenu dans le noir, le silence de la mer, celle que la surdité a isolée du monde dès l’enfance. Dans un récit sobre et poignant, Valérie Canat de Chizy décrit en de courts chapitres la solitude douloureuse que lui a réservée ce monstre : « La pieuvre me hante. Elle occupe tout l’espace, me plaque contre ses tentacules, m’immobilise. »

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Dans cette bulle qui est prison, « les yeux s’écarquillent, agrandissent l’effroi des mots tus ». L’autre, si proche soit-il, est souvent vu comme un agresseur, un « prédateur potentiel ». Mais il arrive que cet espace apparemment hostile dévoile un endroit où se réfugier, hors de toute atteinte néfaste. C’est « l’antre du poème », qui laisse entrevoir la lumière, un lieu où le désir d’aller vers le monde grandit et fait grandir, où il est possible de « bâtir une passerelle entre le dedans et le dehors », où trouver un apaisement.
Les passerelles sont de plus en plus nombreuses, comme le révèlent les livres de poésie déjà  publiés par Valérie Canat de Chizy, qui avoue : « Parfois mon ciel s’illumine et déverse une pluie d’étoiles ».


Un témoignage d’une grande force, dérangeant, intense.

Marie-Ange Sebasti

Low Life

de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval

France, 2011, 2h04

Sélection officielle aux festivals de Locarno et Toronto 2011.

Sortie en France le 4 avril 2012.

Entre utopie poétique et désenchantement politique, le portrait d’une jeunesse urbaine qui cherche à  construire d’autres façons de vivre ensemble, sur les vestiges d’une société ancienne.

De part sa forme et son sujet, ce film austère et poétique peut déranger certains spectateurs. C’est bien l’intention des réalisateurs, Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval. Regrettant les prises de positions politiques de leur pays face à  la question de l’immigration et de la libre circulation des individus, ils proposent une réponse radicale. Qui est aussi un manifeste pour redonner toute sa force à  l’art et à  la culture, sans lesquels l’Homme ne peut envisager un avenir.LOWLIFE3.jpg

Filmé dans une ville qui ne montre que ses escaliers, ses berges et ses tunnels, des lieux en marge et à  l’ombre du clinquant de l’urbanité habituelle, un groupe de jeunes gens tente d’inventer une nouvelle façon de vivre. Il y a Carmen et son appareil photo, Charles et son cynisme, Hussain le sans-papier afghan, Julio et son trop lourd sommeil. Mêlant la magie noire et les interpellations de la police, les histoires d’amour et la mélancolie de la modernité, Low Life tente de cerner les utopies d’une jeunesse désenchantée.

La forme même du film reflète à  la fois le chaos de cette société et la complexité de l’engagement de ceux qui la veulent. Dans une atmosphère évoquant la poésie de Gérard de Nerval, certains personnages semblent hantés par une indicible souffrance. Grâce à  un remarquable travail sur la lumière, le clair-obscur baigne la première partie du film et, à  la manière des maîtres flamands de la peinture classique, place une source de clarté dans les ténèbres de la ville. L’art pour éveiller notre conscience et nous inciter à  participer à  la destinée du monde dans lequel nous vivons.LOWLIFE4.jpg

Comme une plainte chuchotée dans la nuit, le film peut évoquer le désespoir. Mais pour Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, le personnage de Charles s’inscrit dans la continuité d’un autre Charles, celui du film de Robert Bresson, Le Diable probablement (1977). Malgré l’atmosphère sourde et les événements tragiques qui se succèdent dans Low Life, Charles reste aux côtés de celle qui n’a plus voulu de son amour, pour la protéger et l’aider. Fidélité à  une alliance rompue ou désir de l’autre à  travers son engagement, c’est un avenir à  construire.

Magali Van Reeth

Signis