Les moines de Tibherine et que parlent les pierres…

Pièce de théâtre de Jean-Jacques-Abel Greneau et Lecture par l’auteur de cette pièce « Les moines de Tibherine et que parlent les pierres… Lundi 30 janvier 2012 à  19 h 30 Espace 44 – Théâtre, 44, rue Burdeau – Lyon 1°

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Ils ne sont plus là . Où sont-ils ?
Ils ne sont plus au monastère.
Ils avaient de quoi faire pourtant, et tous les jours, et demain, et encore, au soleil couchant et au vent dominant. On les voyait, les entendait.
D’autres les ont vus. Les souffrants, les enfants, les porteurs de couteaux, et surtout, oui,
les ânes les ont vus. Mais aujourd’hui, eux aussi se taisent.
On ne peut pas faire confiance aux ânes.

Renseignements pratiques :

Réservations 04 78 39 71 contact@espace44.com

Entrée libre

mise en espace : katy grandi

Colloque Chrétiens et pic de pétrole, novembre 2011

Une tentative de résumé conclusif.

A chaque avancée de ce colloque, Objection de croissance et christianisme, convergences et divergences, j’ai ressenti l’importance d’un christianisme comme style. Nous nous rappelons le titre de l’ouvrage de Christoph Théobald : le christianisme comme style, édition du Cerf.
Plus que d’affirmer des vérités évidentes, s’il en est, nous cheminons et adaptons notre comportement, notre art de vivre, nos modes de vie à  la réalité du message évangélique perçue dans une contexte écologique, économique, politique déterminé.

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Le groupe chrétiens et pic de pétrole dans sa recherche de compréhension des diverses formes de crise ne se limite pas à  une reconnaissance de l’importance des équilibres écologiques. Prenant de la hauteur par rapport à  l’écologie, il considère et analyse les visées

  libérales : économie, politique ; les axes du libéralisme qui s’expriment dans la vie publique

  libertaires : philosophie, psychologie ; les axes du libertarianisme qui s’expriment dans la vie privée

 
Reconnaître les limites
En tous ces domaines, il convient de reconnaître l’existence incontournable des limites propres à  la terre et propres à  l’homme. Tout est limité ! Et affirmer que la force humaine est apte à  dépasser, ou surmonter toute limite est une grave illusion. « Un homme, ça s’empêche » (A. Camus).
La reconnaissance des inévitables (et salutaires) limites ne s’expérimente pas seulement au plan individuel. Il y a aussi une dimension, sociale (sociétale), universelle ; soit, politique.

Rechercher le plus d’objectivité possible

La quête de chrétiens et pic de pétrole se veut universitaire dans le sens où elle souhaite atteindre le plus d’objectivité possible. Il n’y a pas le désir de faire compliqué, mais la volonté de s’enraciner dans une réflexion qui donne des bases solides, objectives, scientifiques. En ce lieu, le débat est inévitable car les avis des scientifiques divergent.

Viser un engagement à  long terme
Nous constatons qu’il ne suffit pas de s’indigner. L’indignation peut provoquer la révolte. Celle-ci ne dure qu’un temps ! Plus que des révoltés, il faut des engagés. En terme politique nous dirions que l’objectif de l’action réfléchie est la révolution. En terme chrétien, il convient d’employer le mot de « conversion » (metanoia), changer de chemin en un retournement radical.

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Ethique de proposition
Etre révolté peut engager dans une attitude de résistance. Et il n’est déjà  pas mal de résister. Pourtant, tout au long des débats, une attitude plus positive s’est dégagée. Au lieu d’être seulement contre, ce qui est parfois indispensable -résister !- est apparue une attitude de proposition. Disons le ainsi : alors que nous résistons à  des modes de vie néfastes, nous prenons les moyens de vivre autrement tant au niveau individuel qu’au niveau social, politique. L’annonce de 1986 : pour de nouveaux modes de vie, fut, implicitement, plusieurs fois évoqués au cours des ces journées.

Morale du don gratuit
La conclusion de ce regard vers un monde autre réside dans le refus de toute forme d’égoïsme (objet de la conversion). Il a été exprimé avec les mots de don gratuit de soi (gratitude). Je ressens cela comme un rappel de l’appel de tous à  la sainteté, à  la sobriété, à  la vie simple selon l’Evangile. Les psaumes en parlent avec le mot anawim.

BASA 2011 : un livre d’or riche…

La 8ème Biennale d’Art Sacré Actuel (BASA) a fermé ses porte le 17 décembre dernier… Un bilan positif d’autant que cette dernière était relayée dans 3 autres lieux et ce pour la première fois…

Il semble important de faire l’écho du livre d’or des visiteurs…

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LIVRE D’OR de la BIENNALE

Pour cette BASA 2011, le livre d’or était une installation de Daniel interpellant l’Eglise à  propos des « Sans Papiers ». Beaucoup de visiteurs y ont laissé leurs impressions :
L’Esprit créateur souffle même pour ce livre d’or suspendu avec tant d’humour et de zèle.

Tous les mots suspendus sont très admiratifs sauf un :

Je trouve cette exposition particulièrement laide dans l’ensemble et en plus ça n’a rien d’art sacré !
L’espace Saint Polycarpe a été pour beaucoup une belle découverte :
Moment magique dans un lieu magique !
Un labyrinthe, des couleurs, de l’inattendu, c’est très bien !
On trouve des appréciations de caractère général comme :
C’est vraiment magnifique !
Une beauté inestimable.
Expo intéressante, éclectique et régénératrice.
Exposition d’un très bon niveau avec des œuvres bien mises en valeur.
Beaux reflets de l’Ecriture contextualisée dans notre temps.
L’art sacré n’a pas d’âge !
Elles sont nombreuses les portes vers l’infini !
Nous avons eu beaucoup de plaisir, les toiles sont très différentes et certaines nous touchent particulièrement.
Justement, certains visiteurs (amis ?) ont ciblé leurs œuvres ou artistes favoris :
En contemplant l’œuvre de Michèle Radix on se laisse envahir par l’espérance et le Semeur d’Emmanuelle Grand donne à  penser.
L’œuvre de Bruno Gratas réveille en moi l’actualité et la permanence de Jésus-Christ.
Bravo pour les compositions florales !
Le thème du souffle a beaucoup retenu l’attention, y compris avec humour :
A couper le souffle !
Une expo qui surprend, décoiffe comme le souffle.
J’ai été inspirée et même « soufflée » !
Très grande idée que ce thème du souffle ! la représentation en est multiple, on sent une grande liberté d’expression et une ouverture d’esprit.
Vie, souffle, transcendance, l’art nous emmène toujours ailleurs.
Que toutes ces œuvres aident l’Eglise et nous tous à  retrouver le souffle créateur originel !
Un bel élan dans toutes ces œuvres, souffle de vie, souffle d’amour.
On sort avec un autre souffle qui nous pousse vers un ailleurs.
Le souffle intense, une évidence !
La variété de la représentation du souffle est étonnante et très intéressante, allant de la douceur à  la violence
Le souffle est un vrai moteur.
Il faut du souffle (=courage) pour organiser une expo comme celle-ci dans une église car par les temps qui courent, des esprits primitifs voudraient couper le beau et l’expression humaine du sacré.
Le thème et les œuvres ont même amené certains visiteurs à  la prière, telle cette dame Madeleine qui nous a demandé d’écrire pour elle :
Exposition qui emplit de sérénité, de calme et reflète la quête du visage de Dieu que l’on cherche toujours et que l’on ne peut atteindre, enfermer ; souffle qui met en mouvement vers une autre vie
Ou encore :
Le souffle de l’Esprit, nous l’avons redemandé en ce lieu où nos enfants ont été baptisés.
Merci pour cette expérience de prière que vous m’avez fait vivre.
Ce souffle du beau issu de l’homme, va jusqu’au ciel, au-dessus de tout et certainement au cœur de Dieu.
Plusieurs remercient les artistes, les organisateurs, la paroisse
Merci aux artistes pour ces réalisations pleines de sens, et à  ce guide passionné d’art.
Merci pour ce moment où le temps s’est arrêté et où le souffle nous habite.
Merci encore pour cette 8ème Biennale où les artistes arrivent, avec des couleurs, formes et matières à  exprimer l’invisible.
Jean BERNARD

Regard d’artiste contemporain sur l’effacement de la personne

Conférence suivie d’un débat par Marc CHAUVEAU, dominicain, historien de l’art
Mardi 17 janvier 2012 à  19 h 30 à  l’Agora Tête d’Or..

Dans une société où la représentation de l’homme est omniprésente, l’artiste jean-Marc CERINO s’attache à  repérer des groupes sociaux ou des hommes qui subissent le poids de l’exclusion et qui peu à  peu, s’effacent du champ de la représentation sociale et deviennent des invisibles…

Participation aux frais : 5 € gratuit pour les étudiants…

Aller plus loin : [->www.agoratetedor.com]
ou 04 78 52 22 54

La Colline aux coquelicots

de Goro Miyazaki

Japon, 2011, 1h31

Sortie en France le 11 janvier 2012.

film d’animation, tout public à  partir de 10 ans.

Avec un très beau graphisme, une histoire d’adolescence un brin mélancolique mais où les raisons d’espérer sont nombreuses.

Il n’est sans doute pas facile de faire des films d’animation quand on est le fils du célèbre réalisateur japonais Hayao Miyazaki. Ou peut être que si Toujours est-il que ce second long métrage de Goro Miyazaki est une belle réussite, beaucoup plus convaincante que son premier, Les Contes de Terremer, sorti en 2008. La Colline aux coquelicots se démarque clairement de l’univers du père et il vaut mieux le savoir avant d’y inviter de trop jeunes enfants : ils risquent de s’ennuyer ferme dans cette histoire où il n’y a ni monstre fantastique, ni aventure ! coque4.jpg

C’est avant tout un film d’ambiance et il nous plonge délicieusement dans une époque révolue mais pas si lointaine, le Japon à  la veille des Jeux olympiques de 1964. Les personnages principaux sont deux lycéens de Yokohama, Umi, la jeune fille, et Shun, le garçon. Au sortir des traumatismes de la deuxième guerre mondiale, le pays est en plein bouleversement et la contestation politique est présente dans les établissements scolaires. C’est donc sur fond de révolte et de désir d’indépendance qu’Umi et Shun vont se rencontrer.coque2.jpg

Avec le graphisme propre au studio Ghibli, le réalisateur nous amène au plus près du quotidien des personnages. Les rites de la cuisine, du vieux réchaud à  gaz à  la boîte à  riz carrée, l’aménagement intérieur des maisons, avec ses cloisons de papier, les rues en pente où on conduit à  gauche, les étals de marché au crépuscule, tous les détails annexes au déroulement de l’histoire sont autant enchantement que dépaysement ! Ils ancrent Umi et Shun dans une réalité palpable et lorsqu’ils croquent dans un beignet, on salive avec eux. On tremble aussi dans cette fin d’adolescence où il faut à  la fois gérer les émois amoureux et les grandes questions existentielles qui secouent leur entourage. Que faut-il garder de la culture ancienne ? Qui sont nos pères ? Quelle place pour les femmes dans cette nouvelle société ?coque5.jpg

Comme dans beaucoup de films d’animation japonais, on peut regretter les grands yeux ronds de tous les personnages mais on est vite sous le charme des plans plus larges, la mer où les paquebots croisent les petits bateaux de pêcheurs, la ville accrochée aux pentes qui semble aussi scintiller et le raffinement de la végétation. Comme dans beaucoup de films japonais, la catastrophe n’est jamais loin et le bonheur est toujours teinté de mélancolie. La Colline aux coquelicots est un film où il y a beaucoup à  voir et à  contempler, où le charme opère avec une grâce tranquille et où les personnages se construisent, comme dans la vraie vie, entre la douleur de la perte et la force de l’espérance.

Magali Van Reeth

Signis

Elles sont passées par ici, elle repassera par là …! »

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Elle
: Mireille Buron , pour ce « one-woman -show » original,en église.
Elles, les femmes, toutes les femmes en solidarité, surtout celles dont les maris portent des chemises, car l’image des mille tâches éclatées des femmes, est ici le repassage sur l’autel de l’église, transformée en table à  repasser. Il faut le faire, sans mauvais jeu de mot et çà  marche : elle est pleine à  craquer : du jamais vuou presque .
Repasser amène à  penser, libère l’imagination au gré des chaussettes, culottes, tee-shirts(la vraie vie) ,et à  s’interroger sur le sens du service, et la conclusion arrive en finale ,La Bonne Nouvelle : « Sans la charité(l’amour),je ne suis rien ! » ,oui ,mais comme le disait Sarah Bernhardt, oui, mais quand même ! ,et d’interroger avec humour ,colère(feinte ?) les textes de la Bible(de l’Evangile surtout ) :

-« Laissez venir à  moi les petits enfants ! », le paradis , comme une immense garderie, le Christ en a-t-il l’expérience ?

 « Cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira ! »,Ah ,bonest-ce vraiment ainsi que les choses se passent ?

 Marthe et Marie, bien sûr,

Etcet pendant une heure trente ,en complicité avec la salle dans l’Eglise du Viateur à  Oullins, les interrogations d’un nouveau Job, moins grave, plus dans le quotidien, plus féministe qui questionne sur le rôle des femmes dans L’Eglise, avec humour toujours ,et les jets de vapeur qui s’échappent du fer à  repasser sortent comme des « bulles » de bande dessinée. Un pari réussi avec la complicité pour la mise en scène de Vincent Buron, son mari (Compagnie A.C.St.J ).

Le rôle de la mère, de l’épouse, de cette femme orchestre, n’est-il pas justement, d’aplanir, de défroisser, de faire disparaitre les plis de l’âme

Elle repassera par là , le 6 mars , dans l’église ND Saint Alban 67 rue Laënnec,69008, à  20h,

(réservations au :0478453058).

Allez -y ,cela ne doit pas faire un pli.
Hugues Rousset

Trio Soulaà¿res aux Echappées Belles

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Vendredi 20 janvier à  20 h 30, au studio « Les Echappées Belles »
Le Trio Soulaà¿reès se produit…

Le Trio Soulaà¿rès s’est formé il y a environ 6 ans. Il est issu de la rencontre de 3 musiciens venus de trois univers musicaux radicalement différents.

« L’amour, la peur du noir, la passion, les ruptures, le besoin de l’autre sont autant de chemins que nous empruntons chaque jour et que nous aimons chanter. »

Ce quatuor aux influences riches et diverses nous transporte vers des paysages nocturnes et lointains, vers des contrées imaginaires aux parfums méditerranéens. Leurs mélodies sont nourries de traditions argentines, irlandaises, andalouses et parfois teintées d’accents folk.

Formation :

Séverine Soulaà¿rès : Chant, guitares, bodhran, mandoline

Christophe Jacques : Guitares, mandoline, chant

Paul-Valère Marchand : Violoncelle

Myriam Essayan : Percussions

Une Vie meilleure

de Cédric Kahn

France, 2010, 1h50

Sortie en France le 4 janvier 2012.

avec Guillaume Canet, Leila Bekhti.

Un garçon charmant et plein d’énergie, une nouvelle histoire d’amour mais les occasions de trébucher sont nombreuses : un thriller social et affectif haletant !

A quoi sait-on, dès les premières images du film, que ça ne va pas être facile pour le personnage principal ? Que le mauvais sort, la malchance et les catastrophes vont lui tomber dessus « comme la misère sur le pauvre monde » ? C’est tout l’art d’une mise en scène réussie qui, dès le premier plan du film, instille de l’angoisse au cœur du spectateur dans une scène pourtant anodine où un homme demande du travail dans un restaurant chic. vie4.jpg

Une Vie meilleure, c’est l’histoire d’un type bien, Yann, un garçon charmant même, quoique un peu impulsif. Il est plein d’énergie, veut changer de vie, et changer la vie, mais on comprend vite qu’il n’est pas né les poches pleines. Son enthousiasme, si séduisant pour la jolie Nadia, va lui faire enchaîner les maladresses et ses rêves de vie meilleure vont tourner au cauchemar.

Très vite, Cédric Kahn fait monter la pression. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas fait autant corps avec un personnage de fiction, partagé ses angoisses et ses frayeurs. A travers les galères de Nadia et Yann où, comme dans la vraie vie, la spirale d’échecs s’accélère proportionnellement au montant du crédit. Mieux, le réalisateur joue avec les clichés des films de déchéance et, plusieurs fois mais souvent à  tort, on imagine la scène suivante, le geste de trop, l’instant fatal où il n’y aura plus de retour possible. On en vient même à  le souhaiter pour que cesse cette tensionvie3.jpg

Pour libérer le spectateur de l’intensité de ce film au rythme dense et rapide, des moments plus étirés concernent la relation entre Yann et le jeune garçon, Slimane, dont il a bien malgré lui la charge. Instants de complicité où se partagent la tendresse et la douleur, et qui montrent le bonheur d’être ensemble, même dans un environnement déchiqueté. En quelques scènes très réussies sous leur apparente simplicité, un lien affectif se construit entre un homme qui n’a pas d’enfant et un enfant qui n’a pas de père. Comme autour des baskets volées, véritable exercice de philosophie pratique où la morale et la survie s’opposent. La scène condense avec une fulgurance remarquable toute la dimension politique du film : comment vivre décemment lorsqu’on ne possède pas ce qui est considéré comme indispensable au bonheur dans la société occidentale actuelle ?

La construction de cette relation, où se créée un nouveau lien père/fils, donne un tout autre écho au film. Sans cela, Une Vie meilleure ne serait peut être qu’une autre descente dans les enfers du capitalisme. Plus subtilement, Cedric Kahn construit du lien affectif à  mesure que le personnage se perd dans les gouffres financiers. Bien que très réaliste, cette spirale de l’échec ne finit pas dans un mur. Autant le dire tout de suite à  ceux qui hésiteraient, ce film d’actions et de tensions se termine avec une pointe d’espérance. vie2-2.jpg

La mise en scène brillante et le jeu de l’acteur principal, Guillaume Canet, permettent d’entrer pleinement dans l’histoire des personnages et dans les chemins complexes qui donnent des raisons d’espérer. C’est du grand cinéma où l’exigence artistique sert à  poser une question de société, tout en donnant au spectateur assez d’espace pour trouver lui-même des éléments de réponses.

Magali Van Reeth

Signis

Corpo celeste

d’Alice Rohrwacher

Suisse/Italie/France, 1h40, 2011.

Festival Religion Today, mention du prix Signis 2011.

Sortie en France le 28 décembre 2011.

avec Yle Vianello, Salvatore Cantalupo, Anita Caprioli.

Une très jeune fille cherche la traduction de ces mots appris au catéchisme « Eli, Eli, lama sabachthani ? » qui résonnent étrangement dans son adolescence et dans la ville où elle vient d’emménager.

Dès les premières images du film, la réalisatrice nous intrigue. Nous sommes en Italie, un jour d’hiver gris et froid. Une procession catholique se prépare dans une ces friches urbaines, à  la fois en chantier et en ruines, signes d’une modernité désespérée. Même les haut-parleurs grésillent d’une façon insupportable Dans cette Calabre loin des clichés touristiques, une jeune fille de 13 ans, Marta, lumineuse par la finesse de son teint, la couleur de ses cheveux, et sa jeunesse, attire le regard.corpo2.jpg

Corpo celeste est le premier long-métrage d’une jeune réalisatrice italienne. Elle utilise finement la géographie d’une ville saccagée par manque d’anticipation et de moyens, avec le bouillonnement interne d’une adolescente devant faire des choix. Alice Rohrwacher : « Sous la maison de Marta, comme une cicatrice sur le ventre de la ville, court le lit d’une rivière asséchée (ou fiumara). C’est là  que les gens jettent tout ce dont ils n’ont plus besoin et qui pourrait servir à  d’autres. D’autres fiumari traversent la ville. Ils sont larges, presque toujours à  sec, formant des trous béants autour des maisons. En y regardant de plus près, ce ne sont pas des no man’s land, au contraire, ils sont plein de vie : de déchets bien sûr, mais aussi de jardins, de potagers secrets, de cabanes. Ce sont des endroits où la nature apparaît dans toute sa force et sa contradiction. Pour moi, c’est un lieu magnétique, ambigu et constamment en changement. Sans aucun doute un espace qui intrigue et attire Marta. Terrain de jeux pour des adolescents, comme des points à  l’horizon, leurs mouvements microscopiques la fascinent, bien au delà  de ce que lui propose son quotidien. Comment entrer dans cet espace, comment choisir à  quel monde appartenir ? »

Marta, qui a toujours vécu en Suisse, vient de revenir avec sa famille, dans son village d’origine. Cette émigration du retour est un phénomène récent. Soumis à  des difficultés économiques dans leur pays d’accueil, les Italiens reviennent chez eux où ils peuvent bénéficier du soutien de leurs familles. Marta se prépare à  la confirmation dans la paroisse du quartier, au sein d’une équipe où elle pourra se faire de nouveaux amis. La découverte d’un autre univers est source de richesse et de souffrance, elle réalise qu’elle peut faire des choix, qu’elle est entrain de quitter le monde de l’enfance.corpo3.jpg

Dans cette histoire, il y a aussi un questionnement sur la façon de faire église aujourd’hui. La paroisse où Marta prépare sa confirmation est gérée par un jeune prêtre, sans état d’âme, le regard porté sur une promotion, plus soucieux de comptabiliser les votes en faveur d’un candidat aux élections locales que d’élever ses ouailles vers des problématiques plus spirituelles. Il doit faire face à  ses paroissiens qui ne veulent plus d’une croix en néon derrière l’autel de l’église et réclament un crucifix traditionnel. Pendant ce temps, les catéchistes s’échinent à  faire apprendre par cœur les « réponses correctes » à  des adolescents qui ont du mal à  refouler la bêtise de leur âge Dans un très beau hameau ancien et désert, où Marta et le jeune prêtre viennent chercher un crucifix (dans le pur style des bondieuseries du 19ème siècle), un autre prêtre, plus âgé et encore plus solitaire, donne à  la jeune fille une autre clé pour comprendre la figure du Christ.

Si la réalisatrice porte un regard acerbe sur l’exercice de la religion catholique aujourd’hui en Italie, elle montre aussi qu’elle en connaît parfaitement les symboles et les enjeux. Le film se termine au matin de Pâques, par le passage de Marta à  travers l’eau d’un fiumara pour déboucher vers l’espace immense et plein de promesses de la mer.

Magali Van Reeth

Signis

Le Havre

d’Aki Kaurismaki

Finlande/Allemagne/France, 1h33, 2011.

Festival de Cannes 2011, du prix du jury œcuménique, mention spéciale.

Sortie en France le 21 décembre 2011.

avec André Wilms, Katy Outinen, Jean-Pierre Léaud, Jean-Pierre Daroussin, Blondin Miguel.

Lorsque le célèbre réalisateur finnois s’installe en France le temps d’un film, il reconnait ce qui convient le mieux à  son univers. Et y trouve une touche de mélancolie joyeuse et pleine de charme.

A voir la ville du Havre, construite par l’architecte Auguste Perret à  la fin de la Seconde guerre mondiale, à  travers le regard d’Aki Kaurismaki, on réalise à  quel point c’est une évidence ! Une connivence idéale entre un réalisateur finnois à  l’humour froid, la tendresse réservée, la beauté austère, l’élégance rare et sans effet de manche, et une ville construite comme un défi aux destructions antérieures, pour que les habitants y soient simplement heureux au quotidien. havre3.jpg

Pour parfaire le tableau, Aki Kaurismaki choisit les acteurs français qui s’intègrent le mieux à  son univers. Jean-Pierre Léaud avec qui il avait déjà  tourné ; André Wilms, au physique et au jeu si « kaurismakien » et Jean-Pierre Daroussin, dans le rôle du méchant qui n’arrive pas à  être vraiment méchant. Katy Outinen a fait le voyage de Finlande mais passe plus de temps à  l’hôpital qu’à  faire la soupe à  son mari.havre4.jpg

On retrouve les thèmes habituels de Kaurismaki, où il installe ses personnages aux limites de la ville et du temps, brouillant ainsi les réels questionnements de société dans la fiction la plus pure. C’est la France d’aujourd’hui avec le problème des sans-papier dans une ville portuaire mais les cafés sont d’une époque révolue, comme les marchands de quatre-saisons et les cireurs de chaussures viennent d’un autre univers. Le réalisateur s’amuse visiblement et les clins d’œil sont nombreux, comme celui fait au réalisateur tchadien, Mahamat Saleh Haroun. Et va jusqu’au miracle pour parfaire ce conte doucement joyeux, moderne et savoureux.

Magali Van Reeth

Signis