d’Arnaud Desplechin
Avec Quentin Dolmaire Lou Roy Collinet, André Dussolier.
Comédie dramatique (Français 2h00).
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.
Chroniques cinéma du 22 Mai 2015 Marie-Noëlle Gougeon
Quand la passion pour une jeune fille émancipée déchire le cœur et la vie d’un jeune garçon dans les années 70..Pour lui, une blessure inoubliableUn beau film réussi d’Arnaud Desplechin avec deux jeunes comédiens en osmose avec leur réalisateur.
Paul Dédalus, anthropologue, revient en France après de nombreuses années passées en Ouzbékistan et au Tadjikistan. A la douane, il est arrêté, car un autre Paul Dédalus existerait en Australie. Une usurpation d’identité ? Alors les souvenirs affluent. Lors d’un voyage scolaire à Minsk, Paul et son ami Kowalki avaient aidé des dissidents juifs à se procurer de l’argent pour rejoindre Israël et Paul avait « offert » son passeport.
Cette question de l’identité va être le prétexte à Arnaud Desplechin pour évoquer cette période de la vie de Paul et surtout celle qui a suivi de quelques années : cette charnière que chacun connaît à la fin des études, où l’on se cherche, lorsqu’il faut choisir une voie : la fac , une formation professionnelle ? Au risque de se couper des copains, de la famille, de la ville où l’on a toute sa vie. C’est ce qui arrive à Paul. Il quitte Roubaix (la ville natale d’Arnaud Desplechin) pour Paris et des études d’anthropologie.
Mais trop de choses l’attachent à sa ville d’origine : une famille où il a souffert, (une mère détestée qui s’est suicidée, un père dépressif, un frère et une sœur très aimants) mais surtout une bande de copains, et par-dessus tout Esther, le centre de tous ses tourments, de toutes ses pensées. La passion va emplir sa vie, ses journées. Il se veut détaché, « moderne », accepte que la jeune fille ait d’autres relations mais …Le cœur a ses raisons, refrain bien connu. Kowalki, son meilleur ami, lui « enlèvera » Esther ou ne serait-ce pas plutôt la jeune fille qui a provoqué la « trahison » ?
Le film « Trois souvenirs de ma jeunesse » tient de cette évocation à la fois mélancolique et nostalgique que l’on voit poindre à intervalles réguliers sur ces moments de la vie où tout était envisageable. Moments exaltants des amitiés fulgurantes et des passions amoureuses qui se vivaient tout autant qu’elles se « disaient », se racontaient, s’écrivaient.
Et le film d’Arnaud Desplechin excelle à donner un écrin à cette anthropologie des tourments du cœur et de l’âme, à cette découverte du langage des corps, des cœurs, avec la morsure de la jalousie, le 1er chagrin d’amour qui ne s’oubliera pas. Les héros parlent, s’écrivent tout autant. On les entend en voix off lire leurs lettres d’amour. On pense à Rohmer, au film « Le genou de Claire ». Paul Dédalus adulte, à la fin du film, avoue :
« Il me reste : un amour intact, un chagrin intact, une fureur intacte »
Arnaud Desplechin filme au plus près des visages de ses acteurs, aux traits encore très doux de l’enfance Peu de scènes en extérieur : la passion et les atermoiements du cœur ont besoin de pénombre et d’intimité. On ne ressent pas de tristesse pourtant à cette histoire inachevée mais la trajectoire d’un homme adulte figée à un moment de son histoirele laissant sans doute quelque part un « enfant » pour toujours inconsolé
Les deux jeunes comédiens sont justes, émouvants, vrais. De la belle ouvrage.
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