Chroniques cinéma – « Taxi Téhéran »

de Jafar Panahi

avec Jafar Panahi. (Comédie dramatique Film Iranien. 1h22).

Ours d’or au Festival de Berlin 2015.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Interdit de tourner dans son pays pour une durée de 20 ans, l’iranien Jafar Panahi établit le tour de force de réaliser un film dans un taxi : c’est la force du cinéma, de l’imagination contre l’obscurantisme d’une dictature. Du courage, de l’émotion et un immense talent

C’est un film comme on en voit peu : tourné entièrement dans un taxi, conduit par Jafar Panahi lui-même, Taxi Téhéran peint la rencontre, le dialogue du réalisateur avec une quinzaine de « clients »transportés dans son véhicule à  travers les rues de Téhéran. Trois petites caméras installées dans l’habitacle filment en permanence et permettent des angles de prises de vues différents.

On ne sait jamais si ce sont des acteurs ou si les personnages embarqués sont de vrais clients. Mais c’est la force de Jafar Panahi, de montrer à  travers une fiction, la réalité de l’Iran : les empêchements à  la liberté, l’interdiction d’exercer son métier, les pressions subies par la population.

Sa galerie de portraits est tout sauf misérabiliste et désincarnée : c’est le petit trafiquant de DVD prêt à  l’embobiner, ce sont deux vieilles femmes superstitieuses et désopilantes avec leur poisson rouge et qui le houspille, c’est sa petite nièce qui n’arrête pas de le filmer pour réaliser dit-elle, un film « diffusable » ! Plus loin, il prend en charge un ami qui s’est fait tabassé et qui connaît son agresseur, une amie avocate interdite de plaider et emprisonnée elle aussi. Il s’agit de Nasfin Sotoudeh, avocate et militante des droits de l’homme en Iran. Et le sourire de cette femme surveillée, est désarmant de gentillesse. Lui-même ne se sent pas en sécurité. Il croit souvent entendre la voix de celui qui l’a arrêté.

On sent physiquement l’angoisse et la peur encercler le taxi. L’emprisonnement s’insinue dans toutes les têtes, même en dehors du pénitencier. Cet homme qui monte dans le taxi, le visage ensanglanté a-t-il eu réellement un accident? La dernière séquence nous laisse médusés. Est-ce la réalité du pays qui envahit la fiction du film ? Ou bien cette réalité là  était la raison même du film ?

Ou est la vérité dans ce pays où l’Etat demande de filmer le côté radieux, positif de la société (?) sous peine de ne rien pouvoir tourner, ni diffuser..

Mais on aura beau arrêter, emprisonner, assassiner, le courage, la liberté d’expression, (un mot qui prend tout son sens ici), le talent des cinéastes et la force des images trouveront toujours des chemins pour se faufiler et rencontrer le public. Il y aura toujours un téléphone portable, une petite caméra, une caméra vidéo pour capter la réalité que les dictateurs veulent masquer.

Jafar Panahi aime le cinéma plus que tout : C’est en toi dit-il à  un jeune cinéaste en herbe de trouver ton sujet. Pour lui, c’est une question de vie, de survie.

Et pour nous l’occasion d’assister à  une grande et belle leçon de cinéma.

Taxi Téhéran a obtenu l’Ours d’Or au Festival de cinéma de Berlin en février 2015.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19551971&cfilm=234644.html]

Ciné rencontre – « M ET LE 3ème SECRET »

SAMEDI 18 AVRIL À 20H00 au Ciné Mourguet

(15 rue Deshay – Ste Foy-lès-Lyon – face à  la Mairie)

Débat avec le producteur NICOLAS REOUTSKY

un film de Pierre Barnerias

avec les voix d’André Dussollier et Héléne Ségara.

Et si le Vatican n’avait pas tout dit sur les révélations de la Vierge à  Fatima

Depuis 2000 ans, Marie, femme juive priée par des musulmans, Mère de Dieu pour les Chrétiens, déesse pour les Hindous, fascine.

[->http://bit.ly/1MUTmk5]

Plus de renseignements [->www.cinemourguet.com ] ou 04 78 59 01 4

Chroniques cinéma – « Jamais de la vie « 

de Pierre Jolivet

avec Olivier Gourmet, Valérie Bonneton, Julie Ferrier.

(Français 1h35)

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un polar social, dans lequel Olivier Gourmet, ancien syndicaliste, ne se résout pas à  l’injustice. Le film est sombre, au plus près de la réalité de certaines banlieues, et en même temps plein de dignité.

Franck, la cinquantaine, a été un syndicaliste engagé et dur sans doute dans les négociations. Au finish, il a été licencié et se retrouve au bout de 10 ans de galère, veilleur de nuit dans un petit centre commercial paumé de banlieue. Il vit seul, dans un appartement aussi fatigué que lui et dort le jour, dans une lumière blafarde, la bouteille de gin pas très loin de lui

En faisant sa ronde, il a bien remarqué un 4×4 noir qui rôde et a découvert que son collègue de garde fricote avec deux loubards propriétaires de la voiture. En discutant avec Ketu, le vigile de la banque du centre commercial, africain, il découvre aussi la vie de ces immigrés venus chercher un peu d’argent en France.

Franck vit et pense au jour le jour comme si son esprit ne voulait plus réfléchir. Sa vie s’écoule banalement, aussi tristement que cette banlieue grise, mouillée, blafarde au petit matin quand il rentre chez lui. Mylène, sa conseillère du centre social lui donne des marques de sympathie et une relation amicale commence entre eux. Elle-même connaît des fins de mois difficiles avec deux enfants à  charge et déjà  plus d’argent le 15.La galère est pour tous. Etienne, son ancien copain syndicaliste pousse des caddies.

Ce que Franck pressentait arrive. Ketu s’est fait harcelé par les voyous pour qu’il donne les codes d’accès à  la banque. Il le retrouve chez lui, grièvement agressé. Alors, en Franck ressurgit celui qui défendait le droit, la justiceIl va dans un sursaut faire un geste héroïque retrouvant alors sa dimension d’homme debout.

Pierre Jolivet avait déjà  réalisé des films à  caractère social ( Ma petite entreprise ). Avec ce film, il choisit un polar social qui mêle le rythme de l’intrigue à  la peinture d’un quartier, de gens englués dans leurs soucis mais finalement où le rêve de s’en sortir existe encore sous le poids de la vie. Il suffit d’une circonstance, d’un élan de vie, d’un sursaut.Pour ne pas sombrer.

Pierre Jolivet a réussi l’équilibre entre ces deux genres, grâce à  un rythme soutenu tout au long du film.
Il réussit aussi bien les séquences intimes que celles du quotidien ou les poursuites en voiture
Le film baigne dan ces lumières du petit matin, celle des néons du parking, du centre où l’on voit les ados désœuvrés qui tournent en vélo.

Olivier Gourmet est impressionnant en homme blessé et qui tait au fond de lui tous ses rêves sociaux étouffés par la vie. A la fois dur, fermé mais au désir pas tout à  fait éteint. Un très grand comédien..
La rencontre avec Mylène lui entrouvre une autre vie possible, en rêve si ce n’est en réalité. Son acte de bravoure changera peut-être la donnes’il s’en sort.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19551493&cfilm=227557.html]

Chroniques cinéma – « Voyage en Chine »

de Zoltan Meyer

avec Yolande Moreau.

Drame Français (1h35).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un voyage initiatique et libérateur d’une mère partie en Chine à  la recherche du corps de son fils décédé accidentellement. Lumineux et apaisant avec Yolande Moreau en mère courage

Liliane, la cinquantaine fatiguée, subit une vie monotone à  Paris entre un mari absent moralement et un métier d’aide-soignante pas toujours très gai. Un coup de fil va changer ce quotidien : son fils est décédé loin de là , en Chine. Après moultes démarches, elle décide de partir pour ramener son corps.

Elle ne parle pas la langue mais des contacts pris en France lui permettent de cheminer cahin-caha entre les trains et les bus à  prendre pour finalement arriver dans la province du Sichuan, dans la Chine profonde, là  où ne vont pas les tour-opérateurs. Et c’est la découverte d’un pays attachant, là  où son fils a vécu surtout, un pays qu’il a aimé. La végétation est luxuriante, les gens ont conservé encore quelques traditions, mais la vie moderne est aussi présente : jeune mariée habillée de blanc, orchestre rock endiablé, immeubles en béton. C’est un dépaysement complet pour Liliane qui en se mêlant à  la population se défait peu à  peu des attaches à  son ancienne vie. Elle découvre la proximité qu’elle peut avoir avec ces femmes chinoises, dont elle se sent proche autour d’un gâteau à  réaliser, un thé à  partager.

Mais c’est son fils surtout qu’elle rencontre, la vie qu’il avait choisie, ses amis : Il a toujours fait les bons choix dit-elle. Je suis fier de lui Christophe était photographe comme le fut le réalisateur Zoltan Meyer.

Elle fait enfin la connaissance de Dinjie, qui fut sa compagne et qui faillit lui donner un petit-fils si ce n’était cette fausse-couche à  4 mois. Liliane est bouleversée.

Le film se termine sur les funérailles du jeune homme, dans la tradition taoïste, toute en poésie musiques et prières.Liliane est apaisée, lumineuse. Elle s’est dépouillée petit à  petit de tenues pesantes et fermées au col pour des robes claires et des foulards colorés.

Ce film fait penser à  ses parents dont le fils ou la fille périrent lors du tsunami de 1999, qui partirent en Indonésie à  la recherche du corps et qui trouvèrent là -bas une nouvelle raison de vivre.
Zoltan Meyer a réussi un film initiatique dans lequel il emmène chacun de nous à  accompagner Liliane sur son chemin de douleurs d’abord, de découvertes ensuite et enfin de paix retrouvée.

La photo est simple mais magnifique : les cadrages montrent souvent des fenêtres où des voilages au travers desquels se déroulent la vie des chinois. La bande-son nous fait entendre des bruits d’oiseaux, le clapotis de l’eau, les cris des enfants : la nature dans toute sa simplicité.

Yolande Moreau, que le réalisateur voulait absolument, est si juste pour ce rôle, si belle, habitée par toute cette palette de sentiments qu’une mère peut ressentir face à  l’absence, à  la perte de son enfant
Voilà  un Voyage en Chine hors des sentiers battus, envoûtant et qui propose une fin que l’on comprend tellement !

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Chroniques cinéma – « Histoire de Judas »

de Rabah Ameur-Zaïneche

avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïneche

Drame. Français (1h39).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Ce drame se veut une réhabilitation de Judas et malgré d’indéniables qualités visuelles, le film pâtit de trop d’anachronismes et d’inventions historiques pour répondre à  ses objectifs. Il dessert son sujet.

2000 ans après, l’histoire de Jésus et de ses disciples continue à  nous questionner, croyants ou pas. Rabah Ameur-Zaïneche, algérien vivant en France, musulman, a depuis son enfance était fasciné par la personne de Jésus. Dans ce film, tourné en Algérie, il se donne la liberté de proposer une autre lecture de l’histoire des derniers jours du Christ et en particulier le personnage de Judas qui dans les Evangiles est présenté comme celui qui a livré Jésus. Pendant de longs siècles cet épisode aura entraîné l’Eglise à  accuser les Juifs de déicide.

On ne peut enlever à  l’artiste le droit de « représenter » la réalité sous forme artistique qu’elle soit picturale, musicale, cinématographique.

L’image que donne Ameur-Zaïneche de Jésus est celle d’un homme, agitateur politique contre les pouvoirs en place (qu’il soit religieux ou romain) entouré de ses amis et goûtant les joies de la vie communautaire. (On ressent parfois, avec certaines paroles une similitude avec la réalité d’aujourd’hui) Judas est son ami et son intendant. Jusque là , le film suit dans ses grandes lignes ce que nous savons de la vie de Jésus. Pourtant, des invraisemblances émaillent le récit de la dernière semaine du Christ, le sujet du film.

La séquence des marchands du temple se déroule dans une cour de ferme (!). La Cène n’est pas mentionnée mis à  part un repas pris en silence autour d’une table avec olives, vin et galettes.
Judas n’est d’ailleurs pas présent puisque Jésus lui a demandé d’aller détruire les manuscrits de Qumram, œuvre d’un jeune scribe que Judas a surpris dans son travail de copie des paroles de Jésus. Judas va donc faire 200 kms à  pieds en 3 jours, revenir le dimanche de Pâques, son forfait accompli et blessé grièvement au couteau par le scribe. Episode impossible et qui explique pourtant aux yeux d’Ameur ZaIneche que Judas n’ait pas pu livrer Jésus !

On se demande à  qui est destiné ce film. Il y a tellement de passages elliptiques dans le récit que ceux qui savent peu de choses de l’histoire du Christ auront beaucoup de difficultés à  comprendre.
Quant aux croyants ou connaisseurs de l’Evangile, le film leur présente tant d’anachronismes, de prises de liberté sur la véracité des faits qu’ils auront du mal à  adhérer à  cette vision, malgré tout le talent visuel apporté aux prises de vue.

Le parti pris artistique du réalisateur est le sien et il est respectable. Mais il est si difficilement plausible qu’il dessert complètement le propos qu’il voulait tenir : Interroger les textes d’Evangile, le rôle de Judas, l’attitude de l’Eglise pendant 20 siècles. Il reste de beaux paysages, une belle lumière, un souci de la reconstitution pas forcément aboutie d’un pays et d’un peuple : cela ne suffit pas à  faire un grand film religieux.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19552050&cfilm=220033.html]

Chroniques cinéma – Le journal d’une femme de chambre

de Benoît Jacquot

avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Dominique Reymond

(Français 2015 1h30).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une peinture minutieuse d’une société corsetée par des codes et des règles étouffantes où la jeune Célestine malgré son air bravache se laissera emporter par le poids de son rang et de son sexe..

Au début du XXème siècle, Célestine, jeune bonne au regard effronté, a déjà  été employée dans de nombreuses maisons. Au début de l’histoire, elle arrive en province au service des Lanlaire : elle, exigeante et près de ses sous, lui, bien décidé à  user de son droit de cuissage..
L’affrontement est inévitable. Les maîtres ont aussi à  leur service une cuisinière abîmée par le poids de son corps et l’alcool et Joseph, le jardinier assez inquiétant

Le roman d’Octave Mirbeau a déjà  été adapté au cinéma par Jean Renoir et Luis Bunuel et pourtant le film de Benoit Jacquot lui donne une nouvelle jeunesse.

Il décrit l’oppression dont sont victimes ces domestiques, mais oppression dans laquelle entre aussi une certaine forme d’acceptation. « Faut-il que nous ayons cette servitude au fond de nous pour accepter tout çà  » avouera Célestine. Il fait de la jeune bretonne une jeune femme jouant à  la fois de son attraction sur les hommes, leur désir et en même temps de sa révolte contre ses patrons et des bourgeois en général.

Ces luttes de pouvoir pourraient s’avérer pesantes et conflictuelles. Il n’en est rien car Benoît Jacquot a choisi de situer son film au début du siècle dans cette province bucolique et champêtre, dans des décors d’intérieurs cossus et de toilettes raffinées. Et la peinture qu’il fait de cette société est complexe et en rien tranchée. Les bonnes peuvent apparaître attachées aux gains et cancanneuses comme la patronne de Célestine se révèlera très humaine à  la fin du film.

Joseph le jardinier embrasse les thèses de la droite antidreyfusarde de l’époque et vomit les juifs. Célestine qui en est amoureuse ne comprend pas cette haine mais le suit car liée avec lui par le vol qu’ils ont commis au domicile des patrons de la jeune fille.

Et c’est à  une autre oppression (masculine et de son futur époux) que Célestine va être soumise alors, comme si le désir d’émancipation n’était pas encore possible pour elle. Léa Seydoux apporte à  Célestine une touche de roublardise, son pourvoir de séduction et sa candeur. Elle porte le film.

Benoît Jacquot assure une belle maîtrise dans la reconstitution sociale, les luttes de pouvoir, le poids des conventions de cette société bourgeoise. Mais il leste son histoire d’épisodes racontés en flashbacks qui alourdissent parfois le propos. On préfère se plonger dans les yeux de Léa Seydoux juvénile, malicieuse, butée et délicieusement attachante. Une belle et gracile femme de chambre.

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La Sapienza

de Eugène Green

avec Fabrizio Rongione, Christelle Prot, Arianna Nastro.

(Italien 2015 1h35).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un film au style très pictural et parlé, sur la découverte des beautés du baroque italien et de la
transmission de l’intime. Une invitation à  dépasser une certaine austérité pour accéder à  l’émotion

Alexandre, cinquante ans, est un brillant architecte français honoré par ses pairs. Depuis longtemps, il souhaiterait écrire un livre sur l’architecture baroque italienne. Et parmi les illustres bâtisseurs de la péninsule, un nom l’attire plus particulièrement : celui de Borromini architecte de la fameuse église San Ivo alla Sapienza à  Rome. La Sapienza , c’est la connaissance, la sagesse. Alexandre croit profondément à  la transmission du savoir, à  une tête bien pleine. En se rendant en Italie, sur les rives du Lac de Garde avec son épouse Alienor, psychologue, il fait la connaissance de Goffredo et de sa sœur Lavinia. Cette dernière semble souffrir d’hypersensibilité et doit souvent être alitée…

Et c’est un curieux chassé-croisé qui va se mettre en place, une double complicité entre ces deux « couples ». Car Goffredo est étudiant en architecture et Alexandre va voir éclore sous ses yeux un élève d’abord attentif, respectueux puis bien vite s’émancipant de l’enseignement de l’architecte pour à  son tour donner son point de vue, enrichir la connaissance du « maître ».

De la même manière, Lavinia va entraîner Alienor dans un travail d’introspection sur la vie qu’elle mène avec Alexandre, alors que c’est le cœur de son métier de psychanalyste, pour faire éveiller en elle et dans son couple des désirs encore cachés..

L’architecture religieuse est là  pour que l’homme s’élève vers l’invisible, le divinC’est à  ce cheminement spatial et intérieur que le couple de français est invité.

Alexandre découvrira grâce à  la rencontre avec ce frère et cette sœur que l’essentiel n’est pas de savoir, d’être un puits de sciences mais d’aimer, de donner.

Mieux, il découvrira une autre forme de paternité : en Goffredo il retrouvera peut-être un peu de ce fils que son épouse et lui ont perdu à  l’âge de 8 ans, lui apportant la perspective de transmettre son expérience..

Eugène Green, le réalisateur, a volontairement voulu une grande épure pour ce film. Chaque plan architectural est minutieusement construit. Les images et les couleurs italiennes sont superbes et le montage rend le film d’une lente beautéLe réalisateur a poussé ces effets de style jusque dans la direction d’acteurs qui s’expriment d’une façon très théâtrale, ce qui surprend au début Par exemple, toutes les liaisons entre les mots sont faites

Le film est exigeant, un peu aride, à  la fois pictural et plein d’intériorité. Il n’est pas facile de parler d’architecture au cinéma sans être un peu « professoral » En introduisant un couple de jeunes adultes, Eugène Greeen oblige Alexandre à  être bousculé et à  entendre les critiques et les remarques du jeune homme comme Aliénor est touchée par Lavinia. Sur les bords du Lac de Garde, la fin du film est lumineuse et libératrice pour tous les quatre.
Les « Vêpres de la Vierge » de Monteverdi ouvrent et clôturent le film, moment aérien et enchanteur, proche du ciel..

Les quatre comédiens malgré cette langue très parlée, rendent formidablement présents leurs personnages.
Une mention toute particulière à  la jeune Arianna Nastro, qu’on dirait sortie d’un tableau de Boticelli.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19550873&cfilm=230286.html]

Cinéma et Spiritualité

Lyon – Paroisse du Sacré-Cœur

89 rue Antoine Charial 69003 Lyon

Tél. : +334 78 54 86 31

L’ association Cinéma et Spiritualité, présidée par Michèle Debidour, organise des rencontres mensuelles à  Lyon (paroisse du Sacré-Coeur) et Dieulefit (en partenariat avec le cinéma Labor).

En projet : formation à  l’analyse filmique et Journées Cinéma.

prochain rendez-vous à  Lyon : MARDI 7 AVRIL à  20h30

 «Crosswind » film estonien, prix du jury œcuménique à  Varsovie

 «Le dernier coup de marteau » film français dont l’acteur principal a été primé à  Venise.

+ d’info : [->mdebidour@gmail.com]

[->http://sacrecoeur-lyon.fr/_Paroisse-du-Sacre-Coeur-Lyon_]

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Chroniques cinéma  » Un homme idéal « 

de Yann Gozlan

avec Pierre Niney, Ana Girardot,

Français 1h35. 2015.

Un thriller à  moitié réussi sur une usurpation et un plagiat littéraire. La réalisation est soignée, Pierre Niney très convaincant mais le scénario manque en 2ème partie de profondeur psychologique.

Mathieu, 25 ans, travaille comme déménageur mais se rêve en auteur. Son dernier manuscrit a été refusé. Au cours d’un déménagement, il découvre le journal d’un ancien soldat de la guerre d’Algérie enveloppé de cuir. Le vieux monsieur est mort sans héritiers. Une idée germe dans la tête du jeune homme puis est vite concrétisée : il tape le document sur son ordinateur, l’envoie, il est accepté par une maison d’éditions. Bingo ! Le voilà  auteur reconnu, le livre s’arrache, il est riche, trouve même l’amour avec Alice, une jeune historienne. Ce rêve éveillé pourrait continuer sans problèmes. Personne n’a deviné la supercherie, pas même ses beaux-parents, famille bourgeoise passant des vacances idylliques dans leur villa somptueuse de la Cote d’Azur avec Mathieu et Alice bien entendu. Personne ? Si justement le filleul de son beau-père, secrètement amoureux de la femme de Mathieu et qui flaire la supercherie. Et puis aussi, un homme croisé à  une séance de dédicaces à  Nice, qui a connu le soldat d’Algérie et qui sait que Mathieu a volé son succès.

Un climat angoissant commence à  nimber ce « beau conte de fées ». D’autant que l’éditeur de Mathieu le presse de lui envoyer un deuxième ouvrage. Le jeune homme n’arrive pas à  aligner deux mots sur la page blanche, et pour cause, et il sent l’étau se resserrer.

La deuxième partie du film est consacrée à  la manière dont le déménageur-écrivain va se défaire de ce piège dans lequel il s’est enferré. Et si la première partie de l’histoire s’attachait à  brosser un portrait psychologique du personnage, à  décrire la création littéraire, les problèmes d’inspiration, d’écriture, la seconde bascule dans les codes du polar avec assassinat, cadavres à  cacher, accident maquillé, identité usurpée. Finalement Mathieu n’a pas réussi à  être un écrivain, comme il ne réussit pas à  sortir de son dilemme sauf à  imaginer de faire disparaître ses contradicteurs et lui-même : assassinat pour eux, faux- accident pour lui. Il va bien réussir à  la fin de son séjour à  écrire un méta-roman sur ses difficultés d’écrivain justement…Mais on ne croit pas vraiment à  cet ouvrage rédigé en quelques jours.

La fin du film (que je ne dévoile pas) est jolie, bien imaginéemais on reste sur sa faim, mi-figue, mi-raisin

Yann Gozlan sait filmer, ses plans sont léchés, il sait tenir une caméra et on ne boude pas ce plaisir visuel. Le choix de tous les comédiens est très bon. Pierre Niney (Mathieu) est excellent dans ce rôle de présence-absence, on pense à  Anthony Perkins. Ana Giradot (Alice) est absolument craquante. Tous deux iront loin ! André Marcon et Valéria Cavalli jouent à  merveille le rôle des beaux-parents aimants.

On aurait aimé un vrai thriller psychologique pour mieux comprendre les arcanes de l’imposture et du plagiat littéraire. Mathieu avait affiché la photo de Romain Gary dans son studio. Le passé de l’écrivain aurait dû davantage inspirer Yann Gozlan. C’est tout un art de mentir !

Chroniques cinéma – « Selma »

de Ava DuVernay

avec David Oyelowo, Tim Roth

Film américano-britannique 2h08 2015.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un film beau et fort sur un moment de la vie de Martin Luther King : la marche des noirs pour le droit de vote à  Selma en Alabama il y a tout juste 50 ans. Pédagogique et mémoriel.

Mieux que de réaliser un biopic sur toute la vie de Martin Luther King, Ava DuVernay a choisi de raconter un épisode important de son combat pour les droits civiques des noirs, celui qui s’est déroulé il y a tout juste 50 ans en Alabama. Le droit de vote pour eux a été signé au niveau fédéral mais dans cet état ségrégationniste du sud, le gouverneur, un certain Georges Wallace, s’oppose à  son application.
Martin Luther King vient soutenir l’action de la communauté noire de Selma et propose sa méthode : manifestations, résistance, non-violence. Mais comment résister quand la police locale empêche toute marche dans les rues, charge violemment avec matraques et armes de poings ?

Ce sera le fameux « Bloody Sunday » du 7 mars 1965 ou 700 noirs sur le pont Edmund Pettus ont été attaqués.
Martin Luther King va essayer de négocier, s’expliquer avec le Président Lyndon Johnson, le gouverneur, les responsables noirs locaux et c’est la fameuse marche de Selma à  Montgomery, la capitale de l’Etat qui sera décidée en y associant « tous les hommes de foi et de bonne volonté ». 20% de blancs y participeront dont des pasteurs de l’Est des Etats-Unis, des acteurs et des chanteurs connus. Les images des actualités de l’époque qui clôturent le film d’Ava DuVernay témoignent de l’impact que cette action a eu dans le pays et dans le monde.

Une loi en juillet 1965 assurera aux noirs un droit de vote dans tout le pays, sans exception. Enfin

Selma, ce film réalisé en cette année anniversaire résonne douloureusement alors que les Etats-Unis viennent de connaître de nombreux actes racistes. Il vient montrer à  quel point la communauté noire a souffert au prix de nombreuses morts pour acquérir et obtenir enfin l’égalité des droits civiques. Il montre aussi combien ce combat devait faire face aux forces conservatrices voire racistes des gens du Sud, mais aussi au jeu politique d’un Lyndon Johnson embourbé dans la guerre du Vietnam, au poids du FBI qui pouvait détruire voire éliminer un opposant aux « intérêts du pays ».

Dans cette âpre bataille, Martin Luther King puise dans sa foi et l’idée qu’il se fait de sa mission les arguments pacifiques et politiques de son engagement. Le film n’hésite pas à  montrer ses doutes, ses craintes, mais aussi son indéniable charisme et ses talents d’orateur toujours nourri des passages de la Bible. Le film est de facture classique et s’attache à  monter les arcanes difficiles des enjeux politiques, sociaux, communautaires du problème. En ce sens, il est très pédagogique.

C’est David Oyelowo, acteur de théâtre britannique qui lui prête ses traits et lui donne une vraie dimension humaine et dramatique, sans tomber dans le mimétisme du leader noir.
Une minutieuse reconstitution des décors, des costumes, de la musique de l’époque apporte une authenticité et en fait un beau film mémoriel aux accents poignants.