Le blog Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon
Winter Sleep de Nuri Bilge Caylan avec Halur Bilginer, Ekrem Ilhan.
La Palme d’or à Cannes, récompense suprême pour un cinéaste, a été décernée cette année à Winter Sleep du cinéaste turc Nuri Bilge Caylan.
Dans un Anatolie plus désertique et sauvage que jamais, balayée par le froid et la neige, Aydin, un ancien comédien tient un hôtel troglodyte, caverne douillette mais propice à l’enfermement et à l’introspection. Sa carrière lui a procuré de bons revenus, il possède des appartements qu’il loue aux habitants du coin mais ceux-ci supportent mal le joug de ce bailleur despotique. Ce qui provoque une sourde violence envers Aydin.
Chez lui, pas davantage de sérénité. Sa sœur remet en cause son ambition éditoriale (il est directeur d’un journal à petit tirage), sa jeune épouse Nihal, étouffe à ses côtés et occupe son temps à lever des fonds pour des écoles pauvres du coin.
Par son statut d’intellectuel, d’écrivain, Aydin se complet dans une vision de lui-même idéalisée. Il avait de si beaux rêves. Où sont-ils ? Il peine à voir ses propres failles.
Alors qu’il envisage de repartir à Istanbul, il faudra l’épreuve d’une nuit passée en compagnie d’un ami et de l’instituteur avec qui il va déguster jusqu’au matin l’alcool fort du pays pour que ses yeux se décillent. Il reviendra au bercail, sinon enfin lui-même, mais du moins ayant ouvert les yeux et peut-être son cœur à ceux qui l’entourent.
Winter Sleep est un long film (3h15 !) essentiellement composé de huit-clos et de longues conversations entre les protagonistes de l’histoire. On pense à Tchekhov, mais il manque l’émotion et la palpitation des cœurs, à Bergman bien sûr mais le grand-maître suédois savait donner plus d’intensité dramatique à ses personnages. Les joutes verbales sont philosophiquement très riches -le mal, le destin, l’argent, le temps qui passe – et servies par de superbes comédiens : la jeune comédienne qui joue Nihal est vibrante de frustrations et de désirs inassouvis. Mais on peine à tenir l’attention trois heures durant !
Il reste néanmoins un film maîtrisé dans sa construction cinématographique et visuelle (l’image et la lumière y sont magnifiques), mais trop centré sur l’échange verbal pour que l’on s’identifie complètement à l’histoire et aux interrogations des personnages.
Que l’on vibre, tout simplement