UNE SPIRITUALITE SANS DIEU ?

HOUZIAUX Alain (dir.), COSTA-LASCOUX Jacqueline, LEVAà Ivan, LOMBARD Paul, Existe-t-il une spiritualité sans Dieu ?, 2006, Paris, Les éditions de l’Atelier

La collection Questions de vie des Editions de l’Atelier regroupe la vingtaine de conférences débats qu’a organisée le pasteur Alain Houziaux au Temple de l’Etoile à  Paris.

La spiritualité serait-elle le synonyme de l’humanisme ou une forme édulcorée de la foi ? Y aurait-il une spiritualité sans Dieu comme existerait une foi en Dieu sans spiritualité ?

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Dieu et ses images,

Dieu et ses images, une histoire de l’Eternel dans l’art, de François Bœspflug, tout en étant assurément un livre d’art avec des photos de très grande qualité –il n’est jamais facile de photographier une mosaïque d’abside plongée dans l’obscurité- se veut également un ouvrage « qui ambitionne de servir de manuel ».

C’est pour ce la que les 534 pages, supérieures au format A4, sont divisées en 12 chapitres*, eux-mêmes subdivisés en plusieurs paragraphes didactiquement organisés. L’image est toujours en présence du texte correspondant. Théologie, histoire et œuvres plastiques s’interpénètrent. Chaque chapitre « commence par un plan et un résumé, et se termine, et se termine par une bibliographie ».

Ouvrage « scolaire », mais aussi scientifique comme le montre les multiples notes qui permettent de s’assurer de toutes les citations littéraires et de repérer les implantations géographiques des « images » : peintures, mosaïques, sculptures photographiées. A la vue de toutes ces notes, du glossaire, des quatre index, des bibliographies, du sommaire, de la table des matières, impressionné, le lecture risque de ressentir une grande frayeur. Il risque de conclure que cet ouvrage n’est pas fait pour lui. Il se tromperait. En effet, les chapitres sont courts et bien délimités. Rien n’impose de les enchaînés les uns aux autres. Néanmoins l’ouvrage ne peut en aucun cas se lire durant les aller et retour du metro, de son domicile à son travail. Il lui faut une bonne table, large et solide pour pouvoir délicatement tourner les pages sans y déposer son index humidifié. Un livre précieux que l’on vénère, j’imagine ; comme jadis on prenait le lourd ouvrage enluminé d’avant l’imprimerie. Personnellement, quand il y a plus de 25 ans je fus invité par des étudiants d’histoire de l’art et de jeunes guides conférenciers à donner des cours d’iconographie chrétienne que nous intitulions « art et bible », j’ai, reprenant les quelques notions acquises à l’université grégorienne à Rome, découvert combien il était intéressant de revoir toute sa théologie à partir des images qui, commandes d’Eglise, ou expressions de piété monastique, concrétisent la réception de la Révélation. Evêques, prêtres, théologiens, religieux expriment dans leur réflexion, traités savants ou homélies populaires, leur compréhension du Dieu trinitaire. Comment un artisan- artiste va-t-il traduire ce qui est entendu. Et moi, le regardant-visiteur, baignant dans une culture tout autre, comment vais-je saisir le sens de la forme que j’ai sous les yeux. L’étude de l’image (on devrait dire iconologie plus qu’iconographie) invite à remonter jusqu’à la source de l’Inspiration. Voici le chemin à suivre : 1 – l’œuvre ; 2 – le créateur ; 3 – le discours entendu dans une histoire précise ; 4 – la méditation du receveur, héraut de la Parole ; 5 – Dieu qui parle à l’humanité, la révélation biblique, extra biblique, mystique. L’étude de l’image comme nous la présente François Bœspflug nous initie donc dans le détail, pour que nous puissions remonter jusqu’à la source de l’Inspiration. C’est la démarche présentée par Dominique Ponnau lors d’un célèbre colloque, « le sens de la forme », destiné à inviter les enseignants de l’Education National à traiter du fait religieux pour comprendre les éléments culturels occidentaux. Grâce à ce livre nous sommes pédagogiquement accompagnés pour passer de la « chose vue » à la réalité, ou l’idée, qui en est à la source. J’éprouve effectivement beaucoup de plaisir à regarder les belles reproductions, à les textes qui les accompagnent et je vous invite à vous plonger dans ce bonheur. Pourtant je terminerai avec un souhait qui résulte d’une insatisfaction. Un livre si lourd et si coûteux peut-il véritablement être un outil d’étude ? Je souhaite que très rapidement une édition bon marché, moins lourde, même si la qualité des photos en souffre, voit le jour. Un livre de poche sur lequel je puisse écrire, mettre dans mon sac, prendre avec moi lorsque je visite un monument. Liste des chapitres 1 – Le poids du décalogue, Israël ancien, judaïsme postbiblique et islam. 2 – L’héritage juif du premier christianisme, 1er et IIe siècle 3 – Dieu dans l’art paléochrétien, IVe – VIe siècle. 4 – La victoire de l’Icône et la raison d’Eglise, VIIe – VIIIe siècle. 5 – La foi visionnaire, Dieu dans l’art chrétien d’Orient, IXe –XIIe siècle. 6 – Majesté et liberté, Dieu dans l’art d’Occident du IXe au XIIe siècle. 7 – Trinité européenne, XIIIe – XIVe siècle. 8 – Dieu pathétique et familier, les audaces du XVe siècle. 9 – La figure de Dieu en question, 1560 – 1680. 10 – Un sujet en déclin, du siècle des Lumières aux années 1860. 11 – Eclipe du Père, triomphe du crucifié, le « grand XXe siècle », 1860 – 2000. 12 – Inculturation et mondialisation, le Dieu chrétien hors d’Europe, XVIe – XXIe siècle.

Patrick ROYANNAIS, L’Homme faillible, l’Homme capable

Royannais081006.pdfL’Homme faillible, l’Homme capable

conférence donnée le 6 octobre 2008 à  la rencontre mensuelle des artistes.

La présente réflexion voudrait proposer une reprise d’une question aussi vieille que l’homme : qu’est-ce que l’homme ? Je partirai de l’anthropologie communément partagée, celle qui naît à  l’époque moderne, il y a quatre siècles. La description sera aussi démarche généalogique. L’histoire des idées et la périodisation, surtout en quelques lignes, encourent le risque de la simplification voire du simplisme. On pourra toujours trouver un contre exemple aux grandes lignes que l’on s’évertue de dessiner. Même si les contre-exemples venaient, par leur nombre, à  mettre à  bas cette tentative de relecture, cette dernière ne serait pas forcément rendue vaine. Ne faut-il pas essayer de se repérer, même si une fois situés, nous pouvons abandonner ce quadrillage grossier ? Cela me conduira à  développer une anthropologie de l’homme faillible, et nous verrons que c’est étrangement synonyme d’une anthropologie de l’homme capable. La vulnérabilité ouvre des possibles que la perfection ignore : c’est quand je suis faible que je suis fort (2 Co 1210)

Cette réflexion est une appropriation de la pensée de P. Ricœur. Je me suis efforcé de ne pas présenter pourtant pour elle-même cette pensée. Que nous ferait de connaître ce qu’un tel a pensé ? Je me suis pareillement efforcé de ne pas discuter des thèses de tels ou tels philosophes, mais de faire dialoguer ces thèses comme étant nos propres réflexions et objections.

Ces lignes sont situées et ne peuvent donc se prétendre les seules ni se croire exhaustives. Et pourtant, elles ne renoncent pas à  proposer une conception de tout l’homme et tous les hommes ; elles ne renoncent pas à  une certaine universalité. J’attire en outre l’attention sur un point : malgré ce qui pourra apparaître comme des réminiscences de théologie chrétienne non comme restes mais comme ce à  quoi le discours pourrait faire penser le discours ne se présente pas comme une confession de foi chrétienne.

Quand nous parlons de l’homme, quelle conception en avons-nous ? Puisque nous trouvons des contre-exemples, nous trouvons des conceptions de l’homme. Il n’y en pas qu’une seule. Pourtant, dans les situations humaines limites, la naissance, la mort, la souffrance, les espérances et désespoirs, etc. ne réagissons-nous pas de manière très similaire, ou plutôt, malgré les différences de réactions, n’avons-nous pas une conception de l’humanité de l’homme, qui pourrait être un des éléments majeurs pour déterminer ce que l’on pourrait appeler la culture contemporaine.

Très largement encore, même si c’est justement en train de changer, nous avons une anthropologie de l’homme parfait. Nous avons un idéal de l’homme. On pourrait dessiner le portrait robot des personnages préférés des français. Les valeurs qui caractérisent ces personnages sont pensées selon une échelle où ceux-ci excellent. Alors que l’on ne cesse de dire que la société manque de repères, on n’a peut-être jamais autant parlé de valeurs, des valeurs. Certes, il est plus délicat de décliner explicitement ces valeurs, mais l’usage du terme lui-même mérite réflexion. Valeur, c’est principalement aujourd’hui un mot de l’économie. Valeur, c’est autre chose que compétence ou qualité ou talent. Les valeurs, c’est ce que l’on vaut, c’est l’idéal moral hérité, souvent inconsciemment, à  notre insu, contrairement même à  ce que l’on affirmerait, de la morale républicaine de l’instituteur qui n’est elle-même qu’une variante de celle que le curé prônait en chaire.
Certes, on aime aussi les écarts de l’abbé Pierre. Cela nous le rend proche. Et c’est peut-être déjà  l’anthropologie de l’homme faillible qui pointe le bout de son nez. Mais l’idéal de perfection n’a pas dit son dernier mot ; le relai est pris par la croyance moderne, le mythe de la réussite. Il importe que nos enfants réussissent. Le verbe est employé absolument.

Le mythe, peut-être, à  son tour, s’effrite-t-il. Par exemple, on commence à  penser que ce qui se vit en soins palliatifs peut être une expérience humaine authentique. La déchéance, la marche vers la mort peuvent être considérées autrement que comme ce qui interdirait de mourir dignement, humainement. La vulnérabilité, dans la radicalité même qu’elle connaît comme mortalité, nous ancre loin de la perfection, de la suffisance.

Mais, même si ce n’est ici qu’à  titre d’exemple que j’en parle, l’accompagnement des mourants comme logique de la dignité humaine est loin de sauter aux yeux. La mort et la déchéance demeurent hermétiquement enfermées dans des lieux que l’on peut ne pas traverser de toute sa vie.

Autre exemple, l’expression même d’ascenseur social me semble révélatrice. On croit encore au progrès, un progrès vers pléonasme qu’il faut pourtant prononcer vers un mieux, peut-être même une perfection. Que dit-on dans les grandes écoles ? Quelle conception de la réussite ? Et les grandes écoles demeurent un idéal bien au-delà  de ceux qui y entrent. La discrimination positive de Sciences-po en serait un indice.

J’arrête là  les repérages sociologiques pour systématiser cette perfection humaine de l’anthropologie commune. L’homme pourrait ne pas faillir, il le peut même, pour peu qu’il suive quelques procédures, celles de l’accord démocratique, celles de la science (y compris les lois de l’économie et du marché, y compris les appels constants aux experts, commissions, etc.), celles de la raison.

Nous héritons cela de Descartes. Et comme beaucoup le disent, « moi, je suis cartésien ». Que savent-ils et revendiquent-ils de Descartes en s’exprimant ainsi ? Sans doute peu de choses. Peu importe, raisonnablement signifie ici scientifiquement ; on peut savoir, savoir le vrai évidemment, on peut ne pas se tromper, on sait ce qu’il faut, et l’on continue d’attendre d’un responsable politique, en outre, qu’il sache ce qu’il faut. Comment pourrait-il garder le pouvoir celui qui reconnaîtrait ne pas savoir ? On a confiance dans les scientifiques et experts. Ils sont les hommes qui disent comment vont les choses, scientifiquement, c’est-à -dire, définitivement, incontestablement.

L’homme est comme maître et possesseur de la nature, à  commencer de lui-même. L’homme, en agissant selon la raison peut parvenir à  la perfection tant dans la sphère du savoir que dans celle de l’agir. C’est la même évidence qui doit valoir dans la géométrie que dans la philosophie et la morale. Dans ce more geometrico, il y aurait une manière de comprendre la devise de l’Académie, nul n’entre ici s’il n’est géomètre et ainsi une sorte de dissimulation de la nouveauté moderne. Le doute est méthodologique, au début des Méditations, finalement aussi hypothétique que le malin génie. Mais une fois établi le dieu vérace qui dissipe le fantôme du génie, à  la quatrième méditation, c’est l’erreur qui devient incompréhensible. Comment se fait-il que nous puissions-nous tromper ?

Le modèle anthropologique est celui de l’autonomie. L’adulte est la personne individuelle, autonome. (Je ne suis pas sûr que l’on dirait cela en Afrique. De ce que j’ai vu à  Madagascar, la violence de la nature interdit que l’on puisse exister individuellement, sans les autres !) On est parvenu, comme dira Comte quelques siècles plus tard à  l’âge adulte de la raison. Nous en aurions enfin fini avec l’obscurantisme du Moyen-âge ! L’individu est la source de la vérité, depuis la première vérité qui fonde toutes les autres, cogito ergo sum. L’autonomie est autarcie. Le cogito constitue le fondement inébranlable dans et de la pensée ; l’homme est la source de ses pensées et actions.

Kant ne fait que prolonger le geste. Les Lumières avec lui. Pour pousser jusqu’au bout l’infaillibilité, on en écarte ce qui n’est pas décidable, l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la liberté. Cela finit par ne pas être digne d’intérêt. Hegel plus encore revendique cette perfection ; le savoir peut se penser comme absolu. Pourtant, phénoménologiquement, n’est-il pas toujours et seulement perspective ? Husserl mène le parcours à  son terme, juste avant d’y renoncer : La philosophie comme science rigoureuse, apodictiquement rigoureuse, ce rêve est fini.

L’Eglise depuis Descartes, pense comme Descartes et contre lui. (Et l’on pourrait dire la même chose de Hegel !) Elle pense contre lui puisque l’autonomie, voire l’autarcie de l’homme ne laisse plus de place à  la grâce, je veux dire au fait que l’homme tient sa vie, non seulement au début, mais jour à  après jour, de Dieu. Mais elle pense comme lui, car finalement, l’équivalence de la sainteté avec la perfection morale suppose comme possible l’homme parfait. La faillibilité n’est guère pensée. Le péché, l’erreur, pour peu que l’on se convertisse, peuvent disparaître. On a appris à  réciter un acte de contrition, je prends la ferme résolution, comme si c’était possible. Le bras de fer entre la science et l’Eglise pour savoir qui a le dernier mot de la vérité repose sur une même conception qui suppose un dernier mot possible à  la vérité. L’infaillibilité pontificale n’est-elle pas le stratagème qui, contre la modernité, réserve le dernier mot à  l’Eglise tout en s’accordant avec cette modernité quant à  la possibilité d’une infaillibilité ?

Descartes, je le crois, étais un catholique convaincu. Mais ce qui se joue chez lui est l’aboutissement d’une autonomie à  gagner par rapport à  la tutelle ecclésiale, et universitairement, théologique. Descartes, c’est l’aboutissement de la Renaissance (1). Le pouvoir ecclésial dans une société chrétienne a pris la place de Dieu, et lorsque l’on fait voler en éclat son joug, c’est Dieu qui est évacué. Avec l’eau du bain du joug ecclésiale, on a jeté le bébé de la finitude humaine, de la dépendance libérante vis-à -vis de Dieu.

Cette dépendance est évidemment, pour les médiévaux, humanisante, libérante. Liberté de Dieu et liberté de l’homme croissent en proportion égale. L’humanisme médiéval, ce pourrait être cela. Ce n’est d’ailleurs pas sans reconnaître à  l’occasion l’autonomie de la création si bien faite, et donc compréhensible, etsi Deus non daretur. Lorsque Benoît XVI parle du Moyen-âge, c’est de cette culture qu’il parle, en tentant peut-être, symétriquement, de rattraper l’eau avec le bébé ! Or qui veut encore de cette eau ? N’y aura-t-il donc qu’une opposition entre christianisme et culture dès lors qu’elle n’est plus médiévale, dès lors qu’elle n’est plus chrétienté ? C’est ou le bébé et l’eau du bain, ou pour ne pas avoir l’eau, rejeter aussi le bébé !

Or le conditionnement socio-économique, l’action de l’inconscient, l’emprise des idéologies mettent à  bas l’autonomie et la perfection de l’homme. C’est alors une anthropologie de la finitude comme incapacité. Elle est l’inversion, nécessaire, de l’anthropologie de l’homme parfait. Elle en est la conséquence, qui, dans la contestation même, reproduit la même logique. Voyez, Marx, Nietzsche et Freud, c’est d’une certaine façon la fin de l’idéal de perfection. Le plus terrible, Nietzsche, n’a d’ailleurs pas tant pour adversaire le christianisme, qui pour lui est définitivement mort, et depuis longtemps, que les scientifiques, nouveaux prêtres, qui continuent à  ordonner ce monde théologiquement, avec un sens, une norme, même si Dieu n’est plus qu’un cadavre ! On a déjà  fait des lectures théologiques de la société contemporaines, jusque dans sa non référence théologique. Le cadavre de Dieu continue à  orienter le monde. Ou plutôt, d’autres dieux organisent le monde avec le même arbitraire que dans le paganisme. La voiture, le droit de se déplacer toujours plus vite nous fait encore sacrifier 4000 personnes par ans en France. C’est le prix à  payer, aussi peu scandaleux ou tout aussi tragique que l’implacable volonté du destin antique. Les lois du marché écrasent l’homme, en font prospérer quelques uns. Mais ce sont des lois contre lesquelles ce serait folie d’aller. Le politique n’y peut rien ! N’est-ce pas ici le bon vouloir aveugle d’un dieu ?

Plus fondamentalement encore que le soupçon issu des conditionnements et adressé à  la perfection d’un homme autosuffisant, c’est l’ignorance, l’oubli, voir la relégation et le refus de l’expérience de la chair qui doit être soulignée. Un indice chez Descartes : « Je ne suis donc précisément parlant, qu’une chose qui pense, c’est-à -dire un esprit, un entendement ou une raison » (2). Or la chair, ce n’est pas une partie de l’homme, plus ou moins négligeable. La chair, c’est l’homme tout entier, en tant que patient, en tant qu’il lui arrive. L’homme ce n’est pas qu’une source de pensées et d’actions, c’est aussi ce à  quoi il arrive. Si l’on veut reprendre les termes de l’anthropologie dualiste, l’homme n’est pas un mélange de chair et d’esprit. Il est sans confusion ni séparation l’un et l’autre. Mieux encore, il est tout entier l’un et l’autre. L’âme c’est l’homme tout en tant que principe de vie ; la chair c’est l’homme tout entier en tant qu’il lui échoit. Il me semble que l’art ne saurait qu’un agrément décoratif en dehors d’une telle anthropologie. C’est par la chair, dans l’art, que l’on dit le plus spirituel.

Cette expérience de la chair, prend la forme de la souffrance et du mal. Non que la chair soit cela. Mais qu’en tant que lieu de l’affectation, en tant que désignant l’affectibilité, elle est terreau de la souffrance (mais aussi de la jouissance). Tenir une anthropologie de l’homme parfait, c’est toujours dissoudre la question du mal. On comprend que, anti-Descartes, Heidegger définisse l’homme comme être pour la mort. Comment construire une philosophie sans envisager le mal ? Il semble que réponde à  l’anthropologie de l’homme parfait une philosophie de la finitude. Dans une philosophie de la perfection, l’homme est pensé seulement comme esprit et c’est autrui et la chair qui en font les frais.
Le mal n’est pas une question de la morale seulement, comme le revers de la médaille de la liberté. Le mal, d’abord, m’affecte comme ce qui m’arrive et m’engloutit, dans la souffrance et la mort, la mienne, celle de ceux qui me sont chers, celle de tout homme. Existe-t-il une seule philosophie du mal, dans sa radicalité qui consente à  ne pas réduire le mal pour le dissoudre ? Car si réponse au mal il y a, elle relève de la responsabilité non du savoir. Toutes les pensées qui expliquent le mal, en rendent raison, alors que le mal est le sans raison, le chaos qui s’impose, ce qui m’échoit et que je subis de façon injuste, injustifiée.
Mais il ne suffit pas de riposter à  la perfection par une philosophie de la finitude. On ne peut choisir entre deux pistes aussi inopérantes l’une que l’autre, aussi aveuglantes l’une que l’autre, chacune imaginant encore dire le tout, oblitérant l’angle mort pour mieux croire dire le tout. Or dans point de vue, il n’y a point de vue. La lucidité réclame que voir c’est ne pas voir. Prétendre voir (tout) c’est ne pas voir. Qui est le voyant ? Œdipe ou l’aveugle Tirésias ? C’est la même question que l’on retrouve dans le chapitre 9 de Jn.

Une anthropologie de l’homme faillible, susceptible de tomber, est aussi une anthropologie de l’homme capable, susceptible de se tenir droit. La faillibilité c’est la vulnérabilité certes, qui se dit comme ce que l’on a raté de ce dont on est capable. L’homme capable inversement, c’est l’homme dans son incapacité fondamentale. Renvoyons dos-à -dos deux conceptions entre lesquelles il faudrait trouver l’étroit passage, entre le Charybde de la transparence du sens et le Sylla de l’absurdité. La capacité de comprendre toute chose et toujours plus n’est pas synonyme de perfection de la connaissance et l’impossibilité de tout comprendre n’est pas synonyme de l’impossibilité de connaître.
On connaît déjà  cette difficulté chez Platon dans sa lutte contre les sophistes. Devant ce monde, est-ce que je dis : « c’est », « il y a ou bien », ou bien « tout est vanité, illusion » ? Dire « c’est » est la seule voie possible car on ne saurait dire « n’est pas » de ce qui est là . Mais alors on ne rend plus compte de l’illusion de ce monde. Dire « n’est pas » est impossible car c’est contradictoire de dire de ce qui est que ce n’est pas, cela empêche tout langage. On pourrait faire le même type de remarques à  propos de la vérité qu’à  propos de la saisie du monde. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de vérité, sans quoi l’affirmation selon laquelle il n’y a pas de vérité est elle-même frappée et l’on peut plus penser. Mais dire qu’il y a la vérité bute sur l’impossibilité de la dire.
En renvoyant dos-à -dos perfection et finitude, il ne s’agit pas de chercher une voie médiane ; il faut la voie de la totalité et non pas des demies mesures. C’est le même mouvement de la faillibilité qui est à  double face, capacité et incapacité. La compréhension est à  la fois possible et non-finie, définitive. Dans toute compréhension demeure un fond incompris. Il faudrait parler de l’anthropologie de l’homme faillible selon la disproportion, plutôt que selon la finitude.

« « L’homme n’est pas intermédiaire parce qu’il est entre l’ange et la bête ; c’est en lui-même, de soi à  soi qu’il est intermédiaire ; il est intermédiaire parce qu’il est mixte et mixte parce qu’il opère des médiations. » Ricœur refuse [] l’interprétation cartésienne de cette « mixité » en termes d’une « psychologie des facultés », dans laquelle la finitude est représentée par l’entendement humain et l’infinité par la volonté. [] Il ne suffit pas non plus de dire, comme le fait Hegel, que celui qui peut concevoir l’idée d’une barrière l’a, par le fait même, déjà  enjambée. Nous devons au contraire parier sur la complémentarité de deux lectures également possibles de la réalité humaine. Elle peut et doit être envisagée à  la fois sous l’angle de la finitude et sous celui de l’infinitude : « l’homme n’est pas moins destiné à  la rationalité illimité, à  la totalité et à  la béatitude, qu’il n’est livré à  la mort et rivé au désir. » (3)
Il faut partir de l’homme tout entier et non de la chair ou de l’âme seulement pour autant qu’elles constitueraient une partie de l’homme. La faillibilité, c’est l’expression de la non coïncidence de l’homme avec lui-même, de la disproportion (4).La réflexion sur le désir et le manque permet de dessiner l’homme comme ouvert, et non pas suffisant. La fermeture est l’indice de son ouverture dans la mesure où elle est consciente d’elle-même. Le manque n’est pas que faute et inversement le désir n’est pas qu’infini.

En effet, le bonheur n’est pas la somme des désirs comblés, parce que le désir toujours plus loin poursuit sa quête, parce que c’est autre chose qui est désiré que ce qui arrêterait le désir. Il faudrait distinguer la somme des plaisirs et la totalité du bonheur. La somme n’est jamais la totalité (5).

Une philosophie de la disproportion, de la faillibilité, de la capacité ou incapacité, pourrait conduire à  une sorte de réalisme de l’incarnation, intégrant la faute au cœur de l’anthropologie, refusant d’en faire une erreur passagère, sans condamner la liberté à  n’être qu’une servitude. La considération de la chair comme affectation est ouverture et non seulement fardeau. L’esprit n’est pas ce qui seul ouvrirait l’homme au delà  de sa finitude. L’homme manque et vit d’être en dette. Il a reçu d’autrui avant que de pouvoir donner. La vérité première ne saurait être celle du cogito, de l’autoposition, quand bien même ce qui est donné, c’est de pouvoir être source de ses pensées et actions. Mais vivre en dette peut n’être pas un fardeau dont on ne saurait se délester ni l’insouciance coupable qui méprise celui à  qui l’on doit. L’être en dette constitue l’existence comme reconnaissance. Nous ne voulons sans doute pas être quittes, non que nous exploitions ceux à  qui nous devons mais que c’est notre joie de reconnaître tout ce que nous leur devons.

La philosophie de la faillibilité ou de l’homme capable, c’est celle de la responsabilité, au deux sens du terme, réponse à  et réponse de. Réponse à  parce qu’autrui avant a appelé ; réponse de parce qu’il n’y a pas de sens à  être appelé si ce n’est pour, en vue de.
Nous sommes non pas autonomes, autosuffisants, autoposés. Il n’y a pas de raccourcis transparents de la connaissance de soi. Toujours la médiation de la connaissance de soi passe par l’altérité, de la chair, d’autrui. Le plus court chemin de soi à  soi passe par l’expérience de l’altérité. L’anthropologie de l’homme capable s’écarte décidément de la maîtrise de soi et de la possession de soi comme un fait ; c’est une tâche, un en avant, parce que c’est depuis toujours un don. Si l’on veut parler en termes aristotéliciens, il faudrait envisager une anthropologie non de la substance mais de la puissance et de l’acte, un dynamisme.
Est-il possible de recevoir le don comme grâce et non comme agression ? Là  encore, ce n’est pas l’un ou l’autre, renvoyés dos-à -dos. La capacité au don, à  recevoir pour donner et donner pour recevoir, est aussi incapacité. Et si la faute et le mal étaient des lieux privilégiés de l’anthropologie de l’homme faillible, le pardon demandé ou offert exprime la logique du don dans sa radicalité. C’est le coupable qui est « tenu pour capable d’autre chose que ses délits et ses fautes » (6) ; c’est la victime, empêchée dans ces capacités, qui est capable du pardon.

L’homme capable trouve ainsi à  se dire dans l’amour. L’amour n’est plus un sentiment, relégué dans le subjectivisme, mais l’essence même de la vie. Il faut dire la même chose de l’art. Et force d’avouer que la rationalité et l’idéalisme de l’homme parfait nous avaient habitués à  laisser cette place à  la raison. L’homme capable par l’amour ne renonce pas à  la raison. C’est l’amour qui est logos. C’est l’amour qui est règle de la vie, ordonnancement et direction, dynamisme.

On trouve ici le Ps 8511 : Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. Il n’y a pas d’amour sans vérité ni de vérité sans amour. On ne peut plus distinguer, opposer et confiner étanchement, la recherche du vrai de la relation à  autrui. Les simplismes sont déboutés : il n’y a que, seul l’amour est digne de foi, etc. Le cloisonnement étanche de la raison pure et de la raison pratique, de la philosophie de l’espérance est renversée, non que l’on en revienne à  l’ancienne conception d’une pensée hiérarchiquement constituée, mais que l’éclatement des savoirs ne dissout pas pour autant l’horizon de sens auquel l’homme est confronté hic et nunc.

Dans le don, et le pardon, l’homme se montre comme capable. Dans la promesse aussi, lieu de la disproportion pareillement : moi, marqué par le temps, ici et maintenant, ose une parole qui défie l’avenir. La promesse tout comme le pardon est fragile. Elle ne peut être la fière assurance de soi-même car je ne me possède pas et tâche de me recevoir. L’homme capable, c’est l’homme qui ne maîtrise plus, qui a seulement sa place dans un monde qui lui échoie autant qu’il le cultive (7). Il y a pour la promesse comme pour le don et le pardon une sorte d’antériorité de l’effet. Je me connais lorsque je me reconnais appelé or je suis déjà  celui qui précède l’appel pour l’entendre. De même, « théoriquement, pour m’engager, je dois d’abord me connaître ; mais en fait, je ne me connaîtrai réellement que si je suis d’abord engagé. » (8)
« Les deux pouvoirs, celui de pardonner et celui de promettre, présupposent la pluralité humaine, car on ne peut pardonner ou promettre qu’à  autrui, jamais à  soi-même. Le premier faisant appel à  la capacité de délier, et le second à  celle de lier, ils apparaissent comme symétriques. » (9) C’est tout de même incroyable que l’on ne sursaute pas à  l’évidence de ce que la pluralité humaine puisse être omise !
Je voudrais finir en revenant à  la mixité, la médiation qu’est l’homme capable, non pas intermédiaire entre l’ange et la bête, sorte de monstre, mais autant et si peu source de ses actions, les meilleures comme les pires, que réceptacle du meilleur et du pire. Cette mixité est une idée constante de Platon. C’est le passage qui importe, semble-t-il ne cesser d’écrire. Parmi les nombreux textes, je retiens un extrait du Banquet (10).

Amour est fils du manque et de la ruse. Lieu du désir, l’homme doit non seulement quêter mais être rusé. On ne quête pas n’importe où. Il faut trouver les moyens, ruser, pour recevoir ce monde et la vie comme grâce, offerte. Cela ne supprimera pas le mal, le tragique de l’existence, la lassitude. Ou alors, il se pourrait que l’on n’habite pas le monde mais l’imaginaire, que l’on omette la chair comme si l’on n’était qu’un esprit.
Qui sera prophète de la grâce de vivre au cœur de l’infernal ? Qui sera créateur de ruse ? « Tout comme le pardon, la promesse est un mécanisme régulateur de la capacité qu’a l’homme agissant d’initier toujours à  nouveau et indéfiniment des processus nouveaux. » (11) L’homme capable, c’est l’homme créateur d’un monde nouveau. C’est quasi miraculeux. (12)

Jusqu’au bout de l’incapacité, la proposition n’est pas solution. L’homme capable, c’est l’homme incapable, faillible. Qui nous délivrera de ce corps de mort ? (Rm 724). La capacité est-elle plus puissante que l’incapacité ? Le don plus structurant et abondant que l’épuisement ?
Pour l’homme, c’est impossible. A-dynamis dit le grec. L’anthropologie de l’homme capable (dynamis), c’est impossible. Voyez, tout le discours tient. Tout le discours nous aide à  sortir de biens des ornières de la société, de la culture contemporaines. Mais cela demeure cependant impossible. Car seul un dieu est capable de nous sauver. Le destinataire de la religion, c’est l’homme capable, là  où justement il ne peut pas. « La religion atteint l’homme à  un niveau d’incapacité spécifique [] ; la religion a pour propos de porter secours, aide et remède à  l’homme blessé en libérant en lui un fond de capacité que l’on peut appeler la bonté originaire ; [] la religion opère cette régénération par des moyens symboliques spécifiques qui réveillent les capacités morales fondamentales [que l’on peut appeler] entrée dans un ordre symbolique. » (13)

Patrick ROYANNAIS
6 octobre 2008

1 E. FAYE, Philosophie et perfection de l’homme. De la Renaissance à  Descartes, Vrin, Paris 1998.
2 DESCARTES, 2ème Méditation, AT IX, 21. Certes, le corps et autrui seront rétablis, à  la dernière médiation. Mais le point de départ pour penser sans faille aucune, c’est bien de se penser comme pur esprit.
3 J. GREISCH, Paul Ricœur, l’itinérance du sens, J. Millon, Grenoble, 2001, p. 56, citant P. RICŒUR, Philosophie de la volonté, Finitude et culpabilité, L’homme faillible, Aubier Montaigne, Paris 1960, p. 23.
4 Cf. P. RICŒUR, L’homme faillible, op. cit., p. 24.
5 Cf. ib. p 83 et J. GREISCH, op. cit., p. 69.
6 P. RICŒUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, Paris, 2000, p. 642.
7 « L’homme qui est capable de parler, le zoon logon echôn, n’est pas maître du langage. Etre capable de « donner sa parole » c’est paradoxalement renoncer à  une certaine maîtrise de soi. » J. GREISCH, op. cit., p. 347. Et c’est encore autrui qui donne la force de tenir parole : « Qui suis-je, moi, si versatile, pour que, néanmoins, tu comptes sur moi ? » P. RICŒUR, Soi-même comme un autre, Seuil, Paris 1990, p. 198.
8 P. RICŒUR, « Entre éthique et ontologie : la disponibilité », Gabriel Marcel, M. SAQUIN dir., Bibliothèque nationale, Paris, 1989, pp. 206-207, (cité J. GREISCH, op. cit., p. 331).
9 J. GREISCH, op. cit., p. 334.
10 PLATON, Banquet, 203b-204b.
11 J. GREISCH, op. cit., p. 335.
12 Cf. J. GREISCH, op. cit., p. 335.
13 P. RICŒUR, « Le destinataire de la religion : l’homme capable », op. cit., p. 24.

Jean-Claude GUILLEBAUD, Le Commencement d’un monde

Le commencement d’un monde,
Paris, Seuil, 2008

D’ouvrage en ouvrage Guillebaud décortique les faiblesses des sociétés occidentales, leur désarroi. Nous sommes au terme d’une séquence de 4 siècles mais ce n’est pas la fin du monde. Il réfute l’idée des civilisations antagonistes (« Le choc des civilisations » de l’américain Samuel Huntington, la musulmane et l’occidentale qui s’affronteraient en raison de leurs différences irréductibles. Au contraire il objecte que c’est parce que les cultures se rapprochent de plus en plus que certains s’inquiètent et résistent que se produisent des soubresauts, des refus.

On retrouve ses indignations contre le libéralisme échevelé, la consommation à  outrance, notre « chaos-monde » comme il l’appelle. (La Croix)
« La seule lumière qu’émettent encore l’Europe et l’Amérique s’apparente trop souvent à  l’enseigne d’un supermarché » p. 107 avec un capitalisme sauvage, financier « porteur d’injustices nouvelles qui transforme la planète en un jeu de Monopoly permanent » p. 110 avec la figure du gagnant, brasseur d’affaire, virtuose des marchés financiers.
Les nouvelles technologies de communication répandant une sous culture populaire d’un bout à  l’autre de la planète : variétés, jeux télévisés, séries policières ou sentimentales, spots publicitaires, informations formatées. p. 116 « L’économie est devenue la nouvelle raison de vivre. » « L’individualisme absolutisé est devenu la marque des sociétés occidentalesla maison commune est déconstruite.

Autre grande transformation : les grands changements concernant notre rapport à  l’espace et au temps. C’est la mobilité, le flux, le nomadisme. Finis les greniers, le principe du flux remplace celui du stock. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ouvrent au cyber espace qui est partout et nulle part : le téléphone cellulaire, le numérique, les GPS, tout est en mouvement avec la circulation des images et des sons, des blogs et des prises de parole. Tout est immédiat, sans recul, dans le temps présent. C’est une mutation de notre condition humaine qui se trame là . Nous passons d’une ère à  une autre. Cet espace temps fracturé est devenu la nouvelle maison de l’homme. Il nous faut désormais penser le monde avec ces réseaux, ces carrefours, ces nœuds de communication. Un employé de bureau maghrébin à  Paris, un garagiste turc à  Munich peuvent habiter géographiquement un lieu et être constamment par TV, internet téléphone portable relié culturellement, relationnellement avec son pays d’origine : ce que Guillebaud appelle les « communautés imaginées » Les appartenances d’aujourd’hui ne sont plus strictement nationales, territorales, communautaires ?

La mondialisation du religieux

« Dans ce village gaulois qu’est la France, le déclin des pratiques la désertion des églises et des séminaires nous poussent à  extrapoler trop hâtivement. Nous pensons que la religion disparaît de la modernité parce qu’elle décline chez nous » p. 208. Or dans la Syrie de 2008 il y a 8000 mosquées : 4 fois plus que dans les années 60. Dans la Russie de Poutine et Mendvedev après 75 ans de politique antireligieuse plus de 400 monastères orthodoxes sont aujourd’hui en activités. La Chine connaît un réveil de la ferveur religieuse. Les églises et les temples se remplissent au Vietnam, aux Philippines, en Colombie à  mesure qu’ils se vident en Europe« Sans crier gare Dieu a ainsi changé de camp. Les « païens » ou les infidèles, ce sont désormais les occidentaux »
Nous entrons dans le commencement d’un monde où le métissage ne signifie pas la négation des différences, mais leur combinaison créative. Chaque culture doit pouvoir se réapproprier, réinterpréter les valeurs universelles. C’est un monde en chemin vers une modernité métissée. L’auteur récuse le préfixe inter (interculturel, interreligieux, interdisciplinaire, international), c’est laisser entendre « que chaque composante de cet inter n’est pas transformé par la relation avec l’autre, oude façon suprficielle. Le préfixe « trans » suggère au contraire l’idée d’une fécondation réciproque, d’une altération consentie, d’une émergence nouvelle » p. 150

Gilbert Brun, septembre 2008