Chronique cinéma – Lettres au Père Jacob

de Klaus Hà¤rචavec
Kaarina Hazard et Heikki Nousiainem Finlandais ( 2015) 1h15.

Une œuvre âpre et lumineuse sur le thème de la Rédemption et de la MiséricordeUne belle méditation sur les rencontres de la vie

Condamnée à  perpétuité, pour le meurtre de son beau-frère, Leila, la cinquantaine, voit sa peine écourtée au bout de 12 ans. Elle est alors envoyée au service du Père Jacob, un pasteur aveugle perdu au cœur de la forêt finlandaise dans un vieux presbytère de bois. Elle devra l’aider à  répondre aux innombrables lettres qu’il reçoit comme « conseiller spirituel ».
C’est la rencontre improbable entre deux solitudes, l’une en mal d’amour la seconde en trop plein de générosité.
On pourrait penser que le scénario est écrit d’avance : à  Leila le rôle ingrat, au Père Jacob celui de saint homme. Il n’en est rien. Au fil de l’histoire c’est un lent dévoilement de l’un et de l’autre qui nous est proposé.
Les réponses que donnent le Père Jacob par oral à  Leila s’enracinent dans le Nouveau Testament, l’épître aux Philippiens, l’Evangile de Jean. Mais ce courrier de moins en moins abondant lui fait découvrir aussi son besoin du prochain : « Ces lettres ne m’étaient-elles envoyées que pour me faire connaître les desseins de Dieu » s’interroge-t-il ?
C’est lui qui a demandé la grâce de la condamnéeOn saura à  la fin du film pourquoi.
Refermée sur elle, sans amour pour les autres, Leila va peu à  peu retrouver son humanité, laisser parler son cœur, le souci de ce pasteur qui s’accroche à  tous ces messages comme autant d’appels divins. Il ira au bout de son sacerdoce. Elle l’accompagnera jusqu’au bout de sa vie.
Finalement suivre le Christ est plus « facile » qu’on ne le croit. C’est aimer.. Leila va le découvrir, recevant alors une autre forme de grâce
Lettres au Père Jacob est un film âpre et lumineux à  la fois. Il offre une mise en scène épurée, des tons froids, un soleil d’hiver, la présence de l’eau et de la nature, des comédiens habités par leurs rôles, une bande son soulignant la dramaturgie de l’histoire. On pense à  Bergman.

A quelques jours de la Semaine Sainte voici une belle œuvre exigeante mais donnant aux mots Rédemption et Miséricorde tout leur sens. Une belle méditation de Carême

Le film est soutenu par La Croix, RCF et La Vie
Attention le film commence à  l’heure sans pub ni bandes annonce

Marie-Noëlle Gougeon

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19559781&cfilm=174341.html

Chronique cinéma – Les Ogres

de Léa Fehner
avec Adèle Haenel, Marc Barbé, François et Inès Fehner.
Film Français 2016. 2h30. Sortie de 16 mars.

Une œuvre âpre et lumineuse sur le thème de la Rédemption et de la MiséricordeUne belle méditation sur les rencontres de la vie

Condamnée à  perpétuité, pour le meurtre de son beau-frère, Leila, la cinquantaine, voit sa peine écourtée au bout de 12 ans. Elle est alors envoyée au service du Père Jacob, un pasteur aveugle perdu au cœur de la forêt finlandaise dans un vieux presbytère de bois. Elle devra l’aider à  répondre aux innombrables lettres qu’il reçoit comme « conseiller spirituel ».
C’est la rencontre improbable entre deux solitudes, l’une en mal d’amour la seconde en trop plein de générosité.
On pourrait penser que le scénario est écrit d’avance : à  Leila le rôle ingrat, au Père Jacob celui de saint homme. Il n’en est rien. Au fil de l’histoire c’est un lent dévoilement de l’un et de l’autre qui nous est proposé.
Les réponses que donnent le Père Jacob par oral à  Leila s’enracinent dans le Nouveau Testament, l’épître aux Philippiens, l’Evangile de Jean. Mais ce courrier de moins en moins abondant lui fait découvrir aussi son besoin du prochain : « Ces lettres ne m’étaient-elles envoyées que pour me faire connaître les desseins de Dieu » s’interroge-t-il ?
C’est lui qui a demandé la grâce de la condamnéeOn saura à  la fin du film pourquoi.
Refermée sur elle, sans amour pour les autres, Leila va peu à  peu retrouver son humanité, laisser parler son cœur, le souci de ce pasteur qui s’accroche à  tous ces messages comme autant d’appels divins. Il ira au bout de son sacerdoce. Elle l’accompagnera jusqu’au bout de sa vie.
Finalement suivre le Christ est plus « facile » qu’on ne le croit. C’est aimer.. Leila va le découvrir, recevant alors une autre forme de grâce
Lettres au Père Jacob est un film âpre et lumineux à  la fois. Il offre une mise en scène épurée, des tons froids, un soleil d’hiver, la présence de l’eau et de la nature, des comédiens habités par leurs rôles, une bande son soulignant la dramaturgie de l’histoire. On pense à  Bergman.

A quelques jours de la Semaine Sainte voici une belle œuvre exigeante mais donnant aux mots Rédemption et Miséricorde tout leur sens. Une belle méditation de Carême

Le film est soutenu par La Croix, RCF et La Vie
Attention le film commence à  l’heure sans pub ni bandes annonce

Marie-Noëlle Gougeon

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Chronique cinéma – Nahid et Room

Nahid d’Ida Panahandeh avec Sareh Bayat et Pejman Bazeghi. Drame iranien.
(2015) 1h44.

Room de Lenny Abrahamson d’après le livre d’Emma Donoghue. Avec Brie Larson. Film canadien. (2015). 2H.

Deux belles trajectoires de femmes et mères. Nahid, en Iran, se bat contre les traditions et pour sa liberté de femme. Joy au Canada sortira d’une séquestration grâce à  la force et l’amour de son fils de cinq ans. Deux films réussis au service de la force du sentiment.

A l’approche du 8 Mars, Journée internationale de la femme, le cinéma nous offre cette semaine deux portraits de femmes battantes et courageuses qui vivent toutes les deux un enfermement.

Enfermement moral au travers des traditions de son pays pour Nahid, jeune iranienne. Divorcée, c’est à  son mari que doit être confiée la garde de leur fils mais drogué, l’époux est bien incapable de s’en occuper. Nahid s’engage alors à  ne pas se remarier pour pouvoir garder son fils. Mais c’est sans compter sur la rencontre avec Masoud, un homme plus fortuné qu’elle, qui l’aime. Après bien des difficultés d’ordre financier et moral, elle choisit sa vie de femme et la protection de ce nouvel amour. Pour cela, elle aura utilisé la formule admise en Iran de mariage « temporaire » d’un mois avec Masoud, le temps de réfléchir. Mais le grand frère et la famille veille. La liberté entrevue et qui évoque en filigrane l’ouverture de l’Iran des dernières semaines sera longue à  s’installer, comme celle sans doute du pays.
Nahid est réalisé par Ida Panahandeh une toute jeune cinéaste iranienne et montre à  quel point la jeune génération souhaite s’exprimer sur des sujets encore corsetés par la tradition musulmane. Nahid oscille sans cesse entre résignation et combat pour vivre sa vie de femme.
Sareh Bayat lui apporte un jeu tout en émotions retenues et regard de braise. Pejman Bazeghi dans le rôle de Masoud représente la modernité de ce pays à  la transition de vie difficile.
Un film très juste et poignant sur la société iranienne en mouvement

Enfermement physique et psychologique pour Joy et son fils Jack, cloîtrés depuis cinq ans dans un abri de jardin par un ravisseur qui a violé et séquestré la jeune femme. « Room » (pièce en anglais) est une histoire inspirée de celle d’Elizabeth Fitzl, cette jeune fille qui avait été enfermée en Autriche par son père et de qui elle avait eu de nombreux enfants.
Pourtant plus que la détention, le film s’attache davantage à  la lente sortie de ce huit clos étouffant et le travail de résilience que le fils de Joy entreprend. D’abord pour survivre dans cette pièce isolée, ensuite pour s’adapter au « dehors » : cette réalité du monde qu’il ne pouvait imaginer qu’à  travers la TV et le Velux du toit, seule source de lumière de la pièce où sa mère et lui vivaient cloîtrés.

Les constructions mentales qu’il va échafauder pour se représenter ce qu’il ne peut toucher, l’amour de sa mère vont insuffler au petit Jack un courage extraordinaire. Au mépris de sa vie, il réussira à  berner ce « vilain Nick » et mère et enfant retrouveront enfin la liberté et les parents de Joy.
Pour Jack, un avenir est envisageable puisqu’il n’a connu que la réalité de l’enfermement. Pour sa mère en revanche, les remords la rongent. La déprime la gagne. Il faudra la force de son fils, sa capacité à  lui transmettre son amour de la vie pour qu’elle accepte enfin la réalité si sordide soit-elle et son rôle de mère. La tendresse des grands parents les aideront beaucoup aussi

Room, un film grave et plein d’amour partagé même avec des larmes et des cris. Une mise en scène qui évolue au fil de l’histoire passant des plans serrés du huit clos à  une réalisation fluide et paisible lors de la sortie de cet enfer. Brie Larson a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle de Joy. Jacob Tremblay le petit garçon est prodigieux. Les seconds rôles ne déméritent pas.

Le corps qui croit : expérience corporelle, expérience biblique

“Nous n’avons pas d’autre lieu, nous n’avons que ça, nous sommes ce corps, il est nous, ce corps, il est capable de Dieu. Ce corps que nous somme est tout chair et tout esprit, totalement l’un et totalement l’autre, il est la féconde intersection de ces deux mondes” Alexis Jenni – “Son visage et le tien”

Le corps qui croit :expérience corporelle, expérience biblique


Week-end proposé par la CCB-Lyon en lien avec Mission de France, Arts, Cultures et Foi et la Bibliothèque Gerson
pour articuler notre vie de Foi et la vie de notre corps avec Cécile Gentil-Vuillaume, diplômée de l’école biblique et praticienne Ehrenfried

12 et 13 mars 2016 (samedi de 9h30 à  17h30 et dimanche de 9h à  midi) au domaine Saint Joseph, 38 allée Jean-Paul II – 69110 Sainte Foy lès Lyon
Inscription : baptisesdelyon@gmail.com
PAF : 25 euros hors repas (we à  prix coutant)

Chronique cinéma – La vache

de Mohamed Hamidi
avec Fatah Bouyahmed, Lambert Wilson, Jamel Debouze
Film français-marocain. 2016. 1h31

Un road-movie paysan entre le bled et le salon de l’Agriculture.
Un voyage inattendu qui, mine de rien, défend l’idée qu’une vie fraternelle est possible pour peu que l’on accepte de sortir de chez soi et d’abandonner ses préjugés

Fatah, petit paysan Algérien n’a d’yeux que pour sa vache Jacqueline, qu’il rêve d’emmener à  Paris, au salon de l’Agriculture. Il est marié à  Naïma et ils ont deux adorables filles. Lorsqu’il reçoit la précieuse invitation devant tout son village ébahi, car il est souvent la risée de ses amis, lui qui n’a jamais quitté sa campagne, prend le bateau, direction Marseille pour traverser toute la France à  pied, direction Porte de Versailles. L’occasion pour Fatah et Jacqueline d’aller de rencontres en surprises et de vivre une aventure humaine faite de grands moments d’entraide et de fous rires.

Voilà  un film qui va sans doute prendre le chemin du succès des films comme « La famille Bélier » ou « Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu ». Un sujet simple, sans prétention philosophique mais qui mine de rien distille un message de fraternité et d’ouverture à  l’autre.
C’est Djamel Debouze qui produit le film et de son combat contre les préjugés qu’on lui connaît, il a nourri ce projet. Il le fait à  sa manière avec drôlerie, sens du comique, mais aussi avec ce plaidoyer pour une société où chacun aurait sa place, quelles que soient ses origines.
Le film a été tourné au Maroc, son pays natal et les pérégrinations de Fatah ressemblent à  celles de Fernandel avec sa vache de retour d’Allemagne. Sauf qu’ici, la « leçon d’humanité » est apportée par un algérien du bled qui s’exprime d’une façon imagée et dans sa langue. Et c’est finalement le monde à  l’envers. Le passage de Fatah sur les routes de France va révéler à  tous que l’entraide, le partage, se révèlent plus riches que bien des discours discriminateurs.
Au passage, les traditions du monde musulman sont brocardées : les relations hommes-femmes, l’automatisme des heures de la prière, l’interdit de l’alcool. Mais le réalisateur écorne aussi au passage celles des français à  travers la vie d’un châtelain, les traditions de ces foires agricoles

Ce voyage qui se voulait être celui d’un petit agriculteur algérien jusque vers la capitale de la France devient un road-movie paysan où chacun va être amené à  « se déplacer », à  quitter ses certitudes, son confort moral. A la manière biblique
Djamel Debouze tient le rôle du beau-frère de Fatah qui fuit ses racines et n’ose avouer à  son père son mariage avec une française. Il sort de son égoïsme pour aider Fatah à  rejoindre la capitale et renoue avec son père.
Lambert Wilson, le châtelain ruiné sort de son isolement pour offrir au paysan algérien sa camionnette et son aide épistolaire, Fatah ne sachant pas écrire.

La vache est un film simple, drôle, où les gens rient de bon cœur. C’est un film qui fait du bien et plus politique qu’il n’y paraît A la fin de la séance, le public a applaudi, rare pour une comédie.
Les comédiens sont irrésistibles en particulier Lambert Wilson en châtelain et Fatah Bouyahmed, découvert par Djamel Debouze dans son Djamel Comedie ClubUne figure tendre et naïve et d’un humour tout en finesse.
Ce filma obtenu le Grand Prix, le Prix du Public, le Prix d’interprétation au Festival de l’Alpe d’Huez en janvier 2016.

Un road-movie paysan entre le bled et le salon de l’Agriculture.
Un voyage inattendu qui, mine de rien, défend l’idée qu’une vie fraternelle est possible pour peu que l’on accepte de sortir de chez soi et d’abandonner ses préjugés

Fatah, petit paysan Algérien n’a d’yeux que pour sa vache Jacqueline, qu’il rêve d’emmener à  Paris, au salon de l’Agriculture. Il est marié à  Naïma et ils ont deux adorables filles. Lorsqu’il reçoit la précieuse invitation devant tout son village ébahi, car il est souvent la risée de ses amis, lui qui n’a jamais quitté sa campagne, prend le bateau, direction Marseille pour traverser toute la France à  pied, direction Porte de Versailles. L’occasion pour Fatah et Jacqueline d’aller de rencontres en surprises et de vivre une aventure humaine faite de grands moments d’entraide et de fous rires.

Voilà  un film qui va sans doute prendre le chemin du succès des films comme « La famille Bélier » ou « Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu ». Un sujet simple, sans prétention philosophique mais qui mine de rien distille un message de fraternité et d’ouverture à  l’autre.
C’est Djamel Debouze qui produit le film et de son combat contre les préjugés qu’on lui connaît, il a nourri ce projet. Il le fait à  sa manière avec drôlerie, sens du comique, mais aussi avec ce plaidoyer pour une société où chacun aurait sa place, quelles que soient ses origines.
Le film a été tourné au Maroc, son pays natal et les pérégrinations de Fatah ressemblent à  celles de Fernandel avec sa vache de retour d’Allemagne. Sauf qu’ici, la « leçon d’humanité » est apportée par un algérien du bled qui s’exprime d’une façon imagée et dans sa langue. Et c’est finalement le monde à  l’envers. Le passage de Fatah sur les routes de France va révéler à  tous que l’entraide, le partage, se révèlent plus riches que bien des discours discriminateurs.
Au passage, les traditions du monde musulman sont brocardées : les relations hommes-femmes, l’automatisme des heures de la prière, l’interdit de l’alcool. Mais le réalisateur écorne aussi au passage celles des français à  travers la vie d’un châtelain, les traditions de ces foires agricoles

Ce voyage qui se voulait être celui d’un petit agriculteur algérien jusque vers la capitale de la France devient un road-movie paysan où chacun va être amené à  « se déplacer », à  quitter ses certitudes, son confort moral. A la manière biblique
Djamel Debouze tient le rôle du beau-frère de Fatah qui fuit ses racines et n’ose avouer à  son père son mariage avec une française. Il sort de son égoïsme pour aider Fatah à  rejoindre la capitale et renoue avec son père.
Lambert Wilson, le châtelain ruiné sort de son isolement pour offrir au paysan algérien sa camionnette et son aide épistolaire, Fatah ne sachant pas écrire.

La vache est un film simple, drôle, où les gens rient de bon cœur. C’est un film qui fait du bien et plus politique qu’il n’y paraît A la fin de la séance, le public a applaudi, rare pour une comédie.
Les comédiens sont irrésistibles en particulier Lambert Wilson en châtelain et Fatah Bouyahmed, découvert par Djamel Debouze dans son Djamel Comedie ClubUne figure tendre et naïve et d’un humour tout en finesse.
Ce filma obtenu le Grand Prix, le Prix du Public, le Prix d’interprétation au Festival de l’Alpe d’Huez en janvier 2016.

Marie-Noëlle Gougeon

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19559915&cfilm=236418.html

Chronique cinéma – Ce sentiment de l’été

de Mikhaël Hers
avec Anders Danielsenlie, Judith Chemla, Marie Rivière.
Drame (2016) Film allemand. 1h46.

L’épreuve du deuil à  traverser donne à  Ce sentiment de l’été l’occasion d’une jolie balade au sein de la génération trentenaire (un peu celle du Bataclan) diplômée, citoyenne du monde, amateur de musiques, mais hésitante et parfois perdue dans sa vie d’adulte.

Berlin. Au milieu de l’été, Sasha, 30 ans, jeune graphiste, décède soudainement. Lors des funérailles, Lawrence, son compagnon fait la connaissance de Zoé, la sœur de Sasha, qui lui ressemble étrangement. Dans le souvenir de la jeune femme, ils vont se rapprocher. Zoé vit à  Paris est mariée et mère de famille. De pérégrinations en retrouvailles dans les villes ou leur mène leur balade « sentimentale », ils vont peu à  peu partager la peine et le poids de l’absence entre Berlin, Paris et New York. Trois étés, trois villes, le temps de leur retour à  la lumière, portés par le souvenir de celle qu’ils ont aimée.
Durant ce deuil de deux années, Lawrence et Zoé ne sont pas seuls et c’est tout autant les va-et-vient des jeunes gens que l’on suit que les rencontres qu’ils font ici ou là  : des amis croisés puis perdus de vue, un été à  Annecy avec les parents de Sasha, des déambulations dans les quartiers animés de République à  Paris ou sur les terrasses des immeubles de Soho à  New-York.

Lawrence est architecte, et les décors de ces trois villes magnifiquement filmés vont être ceux de ses états d’âme, l’écrin qui le protège et qui lui rappelle Sasha.
Cette traversée des lieux, ces moments revisités en compagnie de jeunes qui ont pu croiser sa compagne vont agir comme une traversée de sa peine et aider à  une renaissance au bout du chemin avec une nouvelle compagne sur une plage de Long Island à  New-York.

On l’aura compris, c’est une balade douce-amère que le cinéaste nous propose. Mais au final, d’avantage qu’une histoire de deuil traversé c’est le portrait de cette génération de trentenaires, amateurs de musique groove et folk, attachés à  aucun lieu sinon ceux des grandes métropoles dans lesquels ils se reconstruisent une famille, une vie de « village ». Ils travaillent essentiellement dans la pub, la communication, l’édition ou les petits boulots en attendant mieux. Ils se croisent, se perdent de vue, privilégiant les affinités nomades. Et l’on pense évidemment à  ces jeunes qui étaient au Bataclan, en novembre dernier, cette génération diplômée, urbaine « flottante » attendant un meilleur à  venir et traversant la planète au gré de leurs envies.

L’épreuve de deuil que vit Lawrence est délicatement absorbée, le cinéaste prend son temps pour en décrire toutes les évolutions en montrant ses héros traversés d’émotions qui palpitent. Il dispose de très bons interprètes en la personne d’Anders Danielsenlie et de Judith Chemla qui a le visage d’une jeune fille en fleurs. On remarquera au passage que ce parti-pris de situer le film en été donne au cinéaste l’occasion de dévêtir les jambes et les bras de ces actrices ! Joli spectacle soit dit en passant.. Le film se joue aussi à  fleur de peau sur ce registre là 

Ce sentiment de l’été ou la subtile transformation d’un garçon introverti et en devenir en un jeune adulte confiant aux choix assumés.

Marie-Noëlle Gougeon

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Chronique cinéma – Les Innocentes

d’Anne Fontaine
avec Lou de Laâge, Agata Buzëk, Vincent Macaigne. `
Drame. Film franco-polonais. 1h55.

Une histoire tragique mais transcendée par le scénario et l’attention bienveillante d’Anne Fontaine pour le sujet et la vie de ces religieuses. Un beau et grand film

Le bouche à  oreille a déjà  fonctionné pour ce film au sujet délicat et pourtant rempli de lumière.
« Les innocentes » a comme point de départ, l’histoire vraie de moniales polonaises en 1945 et leur rencontre avec Mathilde Beaulieu, une jeune femme médecin française de la Croix-Rouge. En poste pour les ressortissants français, elle est appelée de toute urgence par une jeune novice du couvent pour l’accouchement . d’une religieuse. L’horreur et l’incrédulité se mélangent dans l’esprit de la jeune femme. Ce sont les atrocités de la guerre. Les soldats de l’Armée rouge ont commis des violences sexuelles sur ces sœurs. Sept d’entre elles attendent un enfant.
Mathilde Beaulieu a laissé des écrits de cette expérience et c’est un petit neveu retrouvant ses carnets qui a permis de lever le voile sur cette histoire qui resta longtemps cachée

Anne Fontaine, la réalisatrice a demandé à  Pascal Bonitzer d’écrire un scénario empli de vérité et de respect. Sa chef opératrice Caroline Champetier joue sur les blancs et les gris de la neige et des pierres : le couvent désaffecté polonais dans lequel a été tourné le film apporte un environnement minimaliste et resserre l’action sur les visages, les regards, les mots échangés entre Mathilde, fille de militants communistes et ces religieuses dont elle partage à  peine la langue mais les interrogations.

On est en décembre 1945, moment de basculement du monde. Ces religieuses savent que leur pays va faire partie du bloc soviétique, régime auquel appartiennent leurs bourreaux mais elles dépendent aussi d’un ordre religieux, celui des Bénédictines, d’une Eglise qui a ses propres lois, ses propres codes. Certains condamneront sûrement l’attitude de la Mère abbesse qui préfère la loi du silence (« C’était pour les protéger » dira-t-elle) à  la bienveillance et à  la transgression.
Et c’est toute cette opposition, cette lutte qui va nourrir la dramaturgie du film. Comment garder la foi après un tel drame ? Quelle rencontre possible entre une femme athée, qui soigne les corps et des femmes qui ont donné leur vie à  Dieu ? Comment faire face à  l’impensable, les exactions de temps de guerre que beaucoup de femmes subissent encore (agressions, viols, meurtres) et l’engagement dans une vie de prières, de foi en la miséricorde de Dieu ? « La foi c’est vingt-quatre heures de doute et une minute d’espérance »dira la jeune maîtresse des novices.

Si certains ont pu voir la bande-annonce du film, il ne faut pas qu’ils craignent la dureté de certaines scènes. Elles sont parfois tournées en clair-obscur, on ne sent aucun voyeurisme ou approche déplacée. Anne Fontaine a voulu une fin heureuse à  son film. C’est le seul bémol que je mettrais à  la vision de ce long métrage : une fin utopiste et idyllique. Il n’empêche, la réalisatrice donne comme point d’orgue à  son film ce plaidoyer pour la vie et pour l’Amour. N’est ce pas celui de l’Evangile ?
Le père Jean-Pierre Longeat qui fut abbé de l’abbaye de Ligugé a été le conseiller liturgique. Ce sont les actrices elles-mêmes qui chantent les pièces en grégorien scandant la journée des moniales. Lou de Laâge qui joue Mathilde a un visage qui est la grâce incarnée. La Mère Abesse est jouée par Agata Kulesza l’actrice qui jouait Ida
A Lyon, une vieille femme de 90 ans est venue saluer Anne Fontaine. Elle était l’une des religieuses qui étaient dans ce couvent en Pologne en 1945.Moment intense d’émotions.

Marie-Noëlle Gougeon

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19559754&cfilm=231540.html

Chronique cinéma – Chocolat

de Roschdy Zem
avec Omar Sy, James Thiérrée, Clothilde Hesme
Biopic
Français. 1h50.

Un bon film populaire sur la vie de Chocolat ce premier artiste noir connu du cirque. Avec une reconstitution soignée, Roschdy Zem en fait une réflexion sur le racisme. Il est servi par deux merveilleux comédiens : Omar Sy et le petit-fils de Chaplin, James Thiérrée.

Au début du siècle, le cirque est une distraction qui se déplace de village en village avec de maigres numéros et une vie assez misérable.
Footit, clown qui a eu son heure de gloire, n’arrive plus à  faire rire. Au gré de ses engagements, dans un petit cirque de province, il croise le chemin de Chocolat, colosse noir que l’on exhibe quasi nu le cou entouré de « dents humaines ». Il joue le rôle du cannibale qui fait peur aux enfants. Footit repère très vite les qualités comiques de Chocolat et le décide à  monter avec lui un duo innovant. Lui Footit jouant le clown blanc autoritaire, et Chocolat l’Auguste son souffre-douleur. Le numéro marche à  merveille au point d’attirer l’attention du directeur du Nouveau Cirque à  Paris.
La carrière parisienne des deux artistes est lancée.
Les foules sont de plus en plus grosses à  venir applaudir leurs facéties, leurs simulacres de brouilles, la façon dont Chocolat se fait « rosser » par ce Footit agile et joueur. L’argent rentre à  flot. Chocolat joue aux cartes, accumule les dettes, commence à  boire, aime la compagnie des femmes. Au bout de quelques années, il veut s’émanciper de Footit, souhaite se lancer sur les planches et jouer Othello. Jamais un acteur noir n’a tenu ce rôle à  Paris. Ce sera un bide, les spectateurs voyant toujours Chocolat sous les traits de Raphaël Padila, le vrai nom de l’artiste.
Sans le sous, malade, il finira sa vie comme garçon de piste dans un cirque où il mourra à  peine 50 ans entouré par l’amour de Marie, une veuve qui le soutiendra jusqu’au bout.

C’est l’historien Gérard Noiriel qui a sorti de l’oubli la vie de Chocolat en la racontant dans un livre qui a servi de base au long métrage. Le film reconstitue minutieusement la réalité du monde du cirque et du Paris d’avant la guerre de 14. Les images font parfois chromo, mais on sent vibrer ces foules enthousiastes au rire facile et communicatif. On découvre la précarité du monde du spectacle.

Pourtant le vrai sujet du film est la manière dont l’étranger, le noir en l’occurrence, lui le sans papier et le sans nom, est vu au début du XXème siècle. Arrivé à  Paris, Chocolat se rend à  l’Exposition coloniale. Ses congénères y sont parqués derrière des barrières où l’on peut lire : « Interdit de donner à  manger aux indigènes, comme s’ils étaient des bêtes !
Raphaël Padila veut s’émanciper de sa vie de « nègre », vivre comme les riches blancs mais il n’y arrivera pas car son personnage Chocolat, qui fait son succès, porte en lui-même tous les clichés attribués à  l’homme noir. Et ce sera un vrai dilemme pour lui et un malentendu dont il ne sortira pas.
Chocolat est un vrai film populaire avec de l’émotion, pas assez parfois, du rire, du drame, de la réflexion. Il fait autant réfléchir sur nos attitudes racistes que bien des discours et les enfants devraient en être les premiers spectateurs.
Omar Sy est magnifique car il déploie une palette de sentiments et d’expressions qu’on ne lui connaissait pas, bien loin des minutes rigolotes de Canal+. Il s’impose vraiment comme un futur grand du cinéma français. Et puis il y a James Thierrée, acrobate, danseur, clown et petit-fils de Charlie Chaplin. Et l’on est étonné de déceler une ressemblance entre lui et son grand-père : il a la même façon de bouger, de pirouetter que Charlot, même regard triste parfois. Ce grand-père qui a tant joué des rôles de vagabond rejeté. C’est tout à  fait troublant et ajoute au plaisir que l’on a à  voir ce film réussi et bienveillant de Roschdy Zem.
Marie-Noëlle Gougeon

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19559165&cfilm=217656.html

APRÈS-MIDI CULTUREL SUR LA BEAUTÉ

 » Il n’y a réellement ni beau style, ni beau dessin, ni belle couleur: il n’y a qu’une seule beauté celle de la vérité qui se dévoile  »

Auguste Rodin

Programme:

 14h 45 Table ronde et débat avec Fabrice Hadjadj (Philosophe), Davide Galbiati ( Sculpteur ), Jean-Paul Prat (Compositeur – musicien) et Samuel Rouvillois ( Philosophe).

 16h 45 Pause – rafraichissement offert

 17h 45 Concert piano violoncelle avec Jennifer Carter et Mikhaïl Lezdkan

Informations:

REPORTE A L’AUTOMNE

http://www.caldeira.fr

Pour obtenir des renseignements appeler au 06 50 29 62 87

Chronique cinéma – 45 ans

film de Andrew Haigh
avec Charlotte Rampling Tom Courtenay.
Anglais (2015) 1h35.
Une émouvante histoire d’amour longue de 45 années et qui se fracasse devant une révélation venue du passé. Charlotte Rampling et Tom Courtenay sont bouleversants.

C’est un film à  la fois pudique et cruel, déchirant et troublant que nous propose ce jeune metteur en scène anglais d’une quarantaine d’années,
Andrew Haigh.

Les premières images laissent imaginer une histoire paisible dans la campagne anglaise, verdoyante et humide.

Kate, une femme d’âge mur mais à  la silhouette élancée pénètre dans un cottage le courrier à  la main. Dans le salon, elle évoque avec son mari Geoff, la fête qu’ils doivent organiser prochainement pour leurs 45 ans de mariage. Lui s’absorbe dans une lettre qu’il vient de recevoir de Suisse et qui le bouleverse. Le corps de son 1er amour vient d’être retrouvé pris dans un glacier. 50 ans auparavant cette jeune fille et lui faisaient de la montagne, elle est tombée dans une crevasse et s’est tuée. Son corps n’a jamais pu être remonté.

Cette découverte va provoquer un tremblement pour leur couple. Petit à  petit, Kate comprend l’importance de cette relation de jeunesse pour son mari. Un soir, elle lui pose la question fatidique L’aurais-tu épousée si tu ne m’avais pas rencontrée ? Et c’est un oui que lui murmure dans la pénombre son mari
Connait-on vraiment celle ou celui qui partage votre vie ? Est-ce pour protéger l’autre ou protéger ses souvenirs que nous gardons en nous quelques secrets ?
Petit à  petit, les souvenirs envahissent le quotidien de Geoff, ses pensées tournent autour de ce fantôme surgit du passé. Kate doute de cet amour vieux de 45 ans. Elle explose de colère contre celui qui ne lui a pas tout dit.
Et pourtant elle essaie de donner le change, organise les plans de table pour leur anniversaire, choisit la musique, des vieux standards des années 60. Mais rien n’y fait. Et même si le soir de la fête, ils évolueront sur la piste de danse les yeux dans les yeux la dernière image de Kate donne un goût cruel à  cette belle histoire d’amour.

Il y a un contraste saisissant entre les plans paisibles, statiques presque que le réalisateur compose et le tumulte des sentiments qu’il filme. Contraste entre la peinture banale et quotidienne de la vie d’un couple de retraités (elle, en promenade avec son chien, lui absorbé par ses lectures et sa santé) et le délitement des cœurs et des corps. On sent cette histoire se fissurer malgré les efforts de Kate et de Géoff de minimiser l’importance de cette révélation. Mon mariage avec toi aura été la plus belle chose qui me soit arrivée confiera t-il dans son discours d’anniversaire.
Il y a beaucoup de retenue, de cris étouffés dans ce film et en même temps une grande tendresse pour les corps vieillissants, les regrets de ce qui n’est pas arrivé, le temps passé qui ne reviendra pas.
Charlotte Rampling et Tom Courtenay sont si justes, si vrais. Ils insufflent à  cette histoire une densité dramatique et une vérité bouleversante. Ils ont obtenu tous les deux au festival de Berlin 2015, le prix d’interprétation. Charlotte Rampling est nominée fin février aux Oscars pour ce film.

Marie-Noëlle Gougeon