MUSIQUE ESPERANCE à  l’ENSATT

« IL MATRIMONIO SEGRETO »

de Cimarosa par les chanteurs et musiciens du Conservatoire National supérieur de Musique et de Danse.

Du jeudi 23 au samedi 25 janvier,

l’ENSATT accueille les soirées lyriques pour « Le Mariage secret » de Cimarosa, dans sa version avec piano, mise en scène de Bernard Rozet.

La représentation du samedi 25 janvier à  15 h sera donnée au bénéfice de l’association MERL.

Solistes des classes de chant
Bernard Rozet, mise en scène
Agnès Melchior, Philippe Grammatico et Ayaka Niwano, piano et préparation musicale
Joanne Milanese, scénographie
Eric Chambon, costumes

Aller plus loin :

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Il Matrimonio Segreto (Le mariage secret) est un opéra composé par Domenico Cimarosa qui propose une intrigue drôle, brillante, toute en fantaisie et rebondissements.
C’est une comédie qui obéit à  une trame classique proche des canevas italiens propres à  la commedia dell’arte. Dès sa création en 1792, cet opéra connut un succès immédiat, jamais démenti tout au long du XIXe siècle.

L’action se situe chez Geronimo, un vieux barbon accariâtre. Celui-ci vit avec sa sœur Fidalma et ses deux filles, Carolina et Elisetta. Carolina a épousé en secret Paolino, un jeune homme sans titre et sans fortune et souhaiterait annoncer la nouvelle à  son père, mais elle craint sa réaction.
Fidalma, de son côté, est tombée secrètement amoureuse de Paolino. Elisetta, jalouse de sa sœur, est quant à  elle promise au comte Robinson, un homme de haut rang, mais ce dernier lui préfère Carolina qu’il tente de conquérir. C’est dans cet embrouillamini amoureux que se déroule l’action. Petit a petit, chacun va se découvrir et les masques vont tomber, jusqu’au final forcément heureux.

Bernard Rozet, mise en scène.

« J’ai choisi de replacer l’intrigue dans une époque plus contemporaine en imaginant une famille d’artistes itinérant, un petit cabaret à  ciel ouvert, avec à  sa tête Geronimo en directeur de troupe. Ses deux filles, artistes
de Music-hall font le spectacle, Fidalma est l’habilleuse et Paolino assure le rôle de technicien régisseur.
Quand au comte, je l’imagine comme un personnage étrange un peu dangereux, un mafieux qui aurait les moyens de racheter le cabaret et surtout la belle Carolina dont il s’éprend au premier regard.
Déplacer l’action, la sortir du cadre historique et familial un peu étriqué, nous donnera plus de liberté.
Nous suivrons l’histoire de ces malheureux amants tantôt dans les coulisses du cabaret au milieu des perruques et des tenues de scène, tantôt sur la scène même sur laquelle chacun se produit pour assurer le show.
Certains airs se transforment ainsi en véritable numéro. Nous flirterons parfois avec l’absurde voire le burlesque. Et même si les personnages sont dans la souffrance et la frustration, nous traiterons les situations avec humour. L’inventivité sera de règle. Comme toujours dans la comédie, les confrontations seront musclées, jamais tièdes et donneront naissance à  des situations folles ; chaque protagoniste entraîné malgré lui par les feux de la passion.
Et chacun d’espionner l’autre afin de mettre à  jour sa vérité et de découvrir ses secrets »

Pour tous renseignements: [->http://www.cnsmd-lyon.fr/fr-2/la-saison-publique/les-soirees-lyriques-2]

Collège Supérieur : Début de 2 nouveaux cycles : montez dans le train !

Atelier de lecture BOSSUET : Dieu fait résonner une voix, par Laurent THIROUIN (début du cycle-6 soirées : 20 janvier à  20h)

Les grandes doctrines morales, par Jean-Noël DUMONT (début du cycle-6 soirées :

6 février à  20h)

En savoir plus – S’inscrire [->http://www.collegesuperieur.com/]

Prendre son temps, est-ce le perdre ?

avec Raphaël GARRIGUE, philosophe

Mardi 21 janvier – Cycle PHILO –

A quoi bon l’Eglise ?

Avec la présence exceptionnelle de Mgr BATUT, évêque auxiliaire de Lyon et Frédéric CROUSLÉ, philosophe agrégé

Mercredi 29 janvier – Cycle RELIGION –

Connaître toutes les conférences de janvier

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La lutte pour la reconnaissance

Conférence suivi d’un débat par Pascal DAVID, dominicain, enseignant la philosophie à  Lyon

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Mardi 21 Janvier 2014
à  19h30

Pourquoi avons-nous tant besoin d’être reconnus par les autres pour avoir le sentiment que notre vie a de la valeur ?
Comment cette expérience de la reconnaissance et de ses échecs permet-elle de lutter pour changer la société ?

Participation aux frais : 7 € / adhérents : 4 € / étudiants : gratuit.
à  l’agora tête d’or,
93 rue Tête d’Or, 69006 Lyon

Pour en savoir plus www.agoratetedor.com
ou 04 78 52 22 54

A Ciel ouvert

de Mariana Otero

France/Belgique, 2013, 1h50

Sortie en France le 8 janvier 2014.

documentaire

Avec une belle finesse d’écriture et une réelle attention à  l’autre, ce documentaire nous emmène au cœur du morcellement de personnalité dont souffrent des enfants handicapés mentaux.

Pour la réalisatrice Mariana Otero, le documentaire est un genre cinématographique où l’art et l’éthique ont une importance fondamentale. Les sujets qu’elle choisit de traiter sont ceux qui posent le problème de la construction d’un individu au sein d’un groupe. Où la place de la caméra doit être choisie avec soin pour montrer ceux qu’on filme sans les perturber, pour expliquer des situations sans les déformer, par la présence même de la caméra.

A la frontière franco-belge, un institut médico-légal, le Courtil, accueille des enfants handicapés mentaux. Non pas en les considérant comme des êtres à  qui il manque quelque chose mais comme des énigmes à  déchiffrer. Mariana Otero s’est glissée dans ce lieu unique, à  la rencontre de ces enfants, de leurs comportements inhabituels, et de la façon tout aussi inhabituelles dont les intervenants les prennent en charge. Mariana Otero : « L’idée inaugurale de cette institution est que les enfants en souffrance psychique ne sont pas des handicapés à  qui il manquerait quelque chose pour être comme les autres. Au contraire, au Courtil, chaque enfant est avant tout considéré par les intervenants comme une énigme, un sujet qui possède une structure mentale singulière, c’est-à -dire une manière originale de se percevoir, de penser le monde et le rapport à  l’autre. Les intervenants, en abandonnant tout a priori et tout savoir préétabli, essaient de comprendre la singularité de chaque enfant afin de l’aider à  inventer sa propre solution, celle qui pourra lui permettre de trouver sa place dans le monde et d’y vivre apaisé. »ACO_5_COPYRIGHT_ROMAIN_BAUDEAN.jpg

A son tour, la réalisatrice a donc abandonné toute idée pré-conçue et, cherchant avec la caméra à  comprendre ces enfants, elle s’est laissée surprendre et a su nous faire partager ses découvertes. Dans un lieu où les éducateurs frappent toujours à  la porte des chambres avant d’entrer et où ils vouvoient les nouveaux arrivants, pas question de s’imposer. Après une période d’immersion où le groupe – enfants et adultes – a pu se familiariser avec elle et l’oublier au quotidien, Mariana Otero a choisi de suivre les jeunes les plus à  l’aise avec la caméra ou ceux qui l’ignoraient entièrement.

A travers Alysson, Evanne et Jean-Hugues, c’est toute la construction de notre personnalité qui est questionné. Pourquoi, au seuil de l’enfance, certains individus n’arrivent pas à  se « rassembler » et n’existent que comme une image en deux dimensions (comme les conversations autour de la toilette le montrent) ou se considèrent que comme la cible de toutes les attaques extérieures. Psychose ou névrose, à  travers la vie quotidienne des enfants et les discussions des intervenants, on entre peu à  peu dans le monde complexe de l’âme humaine et de la psychanalyse. A Ciel ouvert nous mène aussi bien dans les hautes sphères sémantiques avec les mots « jouissance » ou « semblant », que dans le concret très réaliste où on apprend comment empêcher un enfant de mettre trop de chocolat en poudre dans son bolACO_2_COPYRIGHT_ROMAIN_BAUDEAN.jpg

La différence entre la fiction et le documentaire, c’est l’impact de la caméra sur les protagonistes. Un acteur professionnel en a l’habitude et sait la charmer ou s’en protéger. Dans un documentaire, la caméra n’est jamais neutre. L’équipe du Courtil, voyant les réactions de certains jeunes, en fait un atelier en soi, qui répare, comme les autres. Pour certains enfants, elle a alors été un outil comme les autres. Les questions qu’Ewanne finit par poser sont bouleversantes. Pour une fois, on est content que la caméra est changé quelque chose.ACO_4_COPYRIGHT_ROMAIN_BAUDEAN.jpg

Le titre du film, A Ciel ouvert reprend l’expression des intervenants à  propos des enfants du centre : « ils ont l’inconscient à  ciel ouvert ». Respectant cette « faille », Mariana Otero entre avec délicatesse dans leur univers. Son regard aide à  pénétrer dans l’obscurité de ces enfants pour qui rien n’est évident et qui doivent lutter avec eux-mêmes pour ne pas rester éparpillés. On quitte le film avec Jean-Hugues, un jeune homme de 15 ans extrêmement poli et amateur de bandes dessinées (avec une forte préférence pour Les Tuniques bleues) lorsqu’il déclare devant une assemblée d’adultes : « mon cerveau est une idée ». Du grain à  moudre pour tous les spectateurs !

Magali Van Reeth

Signis

L’art contemporain et la foi : un dialogue difficile !

L‘observatoire Foi et Culture dont Mgr Pascal Wintzer est responsable organisait le 7 décembre 2013 à  la Maison des évêques à  Paris un colloque sur la question du dialogue et de la difficulté de compréhension avec l’art contemporain. Je vous propose quelques remarques personnelles de compte rendu.

En préambule je voudrais évoquer mon souhait, comme délégué diocésain « arts, cultures et foi  » de pouvoir me retrouver au plan national avec les autres délégués. Je suggérais à  Mgr Wintzer que l’an prochain à  la place d’un colloque, l’observatoire soit organisateur de cette rencontre nationale. Il m’a répondu que cela n’était pas dans les attributions de l’observatoire, mais qu’il fallait reprendre cette question avec « Narthex » ou « L’art sacré ». C’est peut-être possible à  condition que le dialogue foi et culture y ait toute sa place. Les univers culturels aujourd’hui sont tellement divers et disjoints qu’ils n’entrent plus en contact les uns avec les autres. Je crois que nous aurions beaucoup à  nous apporter les uns et les autres à  confronter nos points de vue, ainsi que les projets et réalisations au sein de nos diocèses.

En introduction au colloque Mgr Wintzer rappelait que par la beauté, on veut servir l’espérance des hommes. L’une des questions que posent les œuvres d’art, et que reprendra JL Marion, est qu’elles deviennent des réalités qui n’ont de références qu’elles mêmes. C’est le regardeur qui fait l’œuvre.

Philippe Malgouyres, conservateur au Louvre s’interroge : l’art contemporain de qui ? Comment comprendre cette caractéristique du temps actuel ? Nous reconnaissons bien dans les œuvres anciennes des éléments novateurs. Il pose lui aussi la question de l’autoréférence, l’artiste étant le seul à  posséder les clés de ce nouveau langage inventé par lui.

Philippe Sers, professeur aux Bernardins se demande lui comment former le « regardeur-auditeur » à  l’attention devant une œuvre d’art, car la culture moderne et contemporaine offre de nombreuses pierres d’attente pour le progrès spirituel. Il va jusqu’à  dire que l’art est appelé à  jouer dans l’anthropologie ce que les mathématiques furent pour les sciences pratiques de l’ingénieur, à  savoir une expérience sensible et décisive de la vérité. L’œuvre d’art, dit-il, débouche sur le dialogue, elle est invitation à  un cheminement partagé, partage de la rumination des choses et du sens.

Jean-Luc Marion a pour son intervention repris ses catégories d’idole et d’icône. L’idole définit la peinture par le « je » regarde, « je vois le visible ». La peinture présente, produit du visible jusque là  « in vu ». Les peintres marquent ainsi leur époque en en mettant « plein la vue ». Pour JL Marion la peinture est idolâtrique quand elle reflète mon désir de voir. L’iconoclasme fait partie de la pensée chrétienne : toute image de Dieu est image de nous.
Le modèle de l’icône est lui christologique. Christ est l’icône du Dieu invisible dit St Paul. Regarder dans les yeux, c’est voir si l’autre vous regarde. Le regard fait partie du visant pas du visible. L’icône est ce qui nous vise. Le regard nous regarde. L’icône est un visage inversé du visible. Christ est l’icône, il est le lieu du regard de Dieu sur nous.
JL Marion se demande ensuite ce que signifie cette manière de parler quand on dit : « c’est le regardant qui fait l’œuvre ». L’art moderne, dit-il, a renoncé à  la définition académique du beau. Nous sommes dans un moment nihiliste de l’art quand nous sommes dans un système institutionnel d’auto-évaluation, quand nous disons que c’est nous qui décidons des critères, alors l’art devient une valeur « en soi » aliénée. Il n’est pas vrai que c’est le regardant qui décide, « il faut que cela vienne d’ailleurs ». Et le blasphème devient une sorte de performance qui n’est portée ni par la beauté, ni par le public, cela fait « bulle spéculative ». Et de conclure en soulignant que l’art contemporain renvoie à  une problématique qui est liturgique car la particularité de la situation liturgique est d’être confrontée à  un autre que soi-même.

Michel Farin nous a proposé ensuite un regard théologique sur le cinéma contemporain à  partir d’extraits du film de Clint Eastwood « Gran Torino ». Invitation pour chaque spectateur à  toujours garder ce double mouvement, une interrogation sur ce qui vient de m’être montré et une autre interrogation sur les images qui vont valider mon interprétation. Ce sont ces images, à  travers des présences singulières, qui me font atteindre la profondeur du réel.

Mgr Di Falco-Léandri, évêque de Gap-Embrun nous a ramenés à  notre thématique du dialogue difficile entre l’art contemporain et la foi en partant de ce qu’il a vécu dans son diocèse lorsqu’il a exposé pour la semaine sainte dans la cathédrale de Gap une œuvre de l’artiste anglais Paul Fryer représentant un Christ sur une chaise de souffrance. Des personnes se sont empressées de faire remonter leurs critiques jusqu’à  Rome. S’en suivit un échange de lettres quelque peu surréaliste. « La congrégation pour le culte divin s’étonne » Elle fait remarquer à  l’évêque son « ton peu approprié pour la correspondance avec un dicastère ! ». Il n’est donc pas simple, pas plus pour un évêque que pour les services diocésains « arts, cultures et foi » de faire entendre que l’art est un miroir de la société dans laquelle nous sommes. Et que c’est un devoir pour les pasteurs, d’aller au cinéma, d’aller voir des expositions pour connaître cette société au plus profond de ce qu’elle vit, avec ce qui peut nous déranger et nous révolter.

Laurence Cossé, écrivain, prenant la parole ensuite rajoutait que c’est aussi un devoir pour les pasteurs de lire des romans, qu’il y a aujourd’hui une littérature de grande portée spirituelle. Nous vivons une époque de « malbouffe de l’esprit ». Son travail d’écrivain la porte à  chercher la justesse dans la forme qui quelquefois « vous traverse et vous touche par grâce ».

Je vous recommande la lecture de son livre « Le coin du voile » en édition Folio.

Toutes ces interventions seront publiées d’ici quelques mois, comme chaque année aux éditions « Parole et silence »

Gilbert Brun
Arts, cultures et foi

L’engagement des chrétiens dans la construction européenne

Conférence suivi d’un débat par Johanna TOUZEL, porte-parole de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne, depuis 2006. Rédactrice en chef de la revue mensuelle Europe-infos publiée par la COMECE et les Jésuites européens (JESC). Elle a notamment travaillé au Bundestag à  Berlin à  la représentation du Parlement européen à  Berlin (2000-2001) avant d’être recrutée comme assistante parlementaire du député européen Jean-Marie Beaupuy (2004-2006).

Mardi 14 Janvier 2014 à  19h30

Solidarité, liberté, bien commun, réconciliation : les principes fondateurs de la Construction européenne sont chrétiens. D’ailleurs, les Pères fondateurs de l’Union européenne sont des chrétiens: Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi. L’Union européenne est un succès de Paix, de prospérité sans précédent dans l’histoire millénaire de ce continent.

Or les européens, et en particulier les chrétiens, semblent ce désintéresser de ce projet, alors que la « Maison Europe » est la fortification la plus solide pour protéger les européens d’une mondialisation inéluctable et des grands défis énergétiques et climatiques qui menacent notre planète.

Participation aux frais : 7 € / adhérents : 4 € / étudiants : gratuit.
à  l’agora tête d’or,
93 rue Tête d’Or, 69006 Lyon

Pour en savoir plus [->www.agoratetedor.com]
ou 04 78 52 22 54

Tel père, tel fils

de Kore Eda Hirokazu

Japon, 2013, 2h00

Festival de Cannes 2013, compétition officielle, mention spéciale du prix œcuménique.

Sortie en France le 25 décembre 2013.

avec Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Yoko Maki, Lily Franky.

Confronté au drame d’un échange d’enfant, un homme accaparé par son travail et ses idées préconçues, va apprendre comment devenir physiquement père.

Dans une grande ville du Japon, Keita a 6 ans. C’est un petit garçon calme et délicat, qui fait son possible pour plaire à  ses parents, une maman disponible et souriante, un père un trop absorbé par son travail mais exigeant sur les performances scolaires et artistiques de son fils. La vie de Keita va être bouleversée à  partir du moment où ses parents sont convoqués à  la maternité où il a vu le jour. Au moment de sa naissance, il a été échangé avec un autre nourrisson. Cette découverte va plonger deux familles dans des moments douloureux et des sentiments complexes.287594_11c7c7de8cf1c6106618a52ccb3edc15.jpg

Kore Eda Hirokazu a, dans sa belle filmographie, fait plusieurs films sur l’enfance et la famille. Enfants livrés à  eux-mêmes avec Nobody Knows (2004), réunion de famille douce amère dans Still Walking (2008), deux frères déchirés par la séparation de leurs parents dans I Wish, nos vœux secrets (2011). Mais cette fois, si les enfants sont à  nouveaux au centre de l’intrigue du film, c’est l’un des pères qui en est le personnage principal. Interprété par le chanteur et acteur très célèbre au Japon, Masaharu Fukuyama, Ryota est celui que cette histoire d’échange de bébés va le plus transformer. D’abord persuadé que les liens du sang sont plus forts que tout, il pousse à  l’échange le plus rapide, provoquant la surprise effarée de l’autre père qui ne considère pas qu’on puisse troquer des enfants comme des poulets ou des salades287594_3da4df5eb53195e556dd83ee12fe18f2.jpg

On peut regretter que les deux familles soient traitées de façon un peu trop caricaturale. Chez les riches, la décoration de la maison et les vêtements des parents et de l’enfant sont dans des teintes feutrées, des coloris convenables sur lesquelles le regard glisse. On comprend que la mère a démissionné de son travail pour devenir femme au foyer à  part entière, rôle qu’elle endosse avec une soumission parfois déroutante pour les spectateurs occidentaux. Dans la famille plus modeste, au contraire, les vêtements sont de couleurs vives et même criardes pour les chemises du père, la mère n’hésite pas à  rembarrer son mari et à  se moquer de lui. Et les trois enfants génèrent forcément du mouvement et de la joie. Chez eux, on répare ce qui est cassé et on montre son affection à  bras le corps alors que dans l’autre famille, on consomme et on ne se touche presque pas.

Malgré cela, Tel père, tel fils est un film touchant. Il traite avec justesse un sujet grave : comment devient-on père ? Refusant les rebondissements mélodramatiques, le réalisateur Kore Eda Hirokazu laisse à  ses personnages, et aux spectateurs, le temps de cheminer, de digérer l’incroyable. Si chaque famille est prête à  prendre les deux enfants, aucune ne peut se retrouver sans « son » fils. La souffrance infligée aux enfants ne peut laisser indifférents les parents. Lentement, et avec une mise en scène aussi brillante que discrète, chacun murit au gré des erreurs, les grands comme les petits. Même au Japon où la culture sociale et familiale est différente, la paternité n’est ni une évidence ni une question purement biologique. 287594_6783eeff5ea6025ecb2d3419b9924f79.jpg

Au dernier Festival de Cannes, où ce film était en compétition officielle, il a reçu le prix du jury et une mention spéciale du prix œcuménique.

Magali Van Reeth

SIGNIS

Café cinéma

Café-ciné à  Saint-Bonaventure (Lyon)
jeudi 19 juin

Autour du film Bird People (France, 2014, 2h08), film de Pascale Ferran. En salle depuis le 4 juin 2014.

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Ces cafés-cinés sont animés par des bénévoles de l’association Signis (association catholique mondiale pour la communication) : www.signis.net. Chacun voit le film de son côté (il n’y a aucune projection dans l’église), et nous nous retrouvons autour d’une tasse de café offerte par Saint-Bonaventure pour parler du film. Il s’agit à  la fois d’explorer quelques caractéristiques de l’écriture cinématographique et de partager impressions et questions de fond soulevées par le film.
Le rendez-vous est précisément à  12h30 et l’échange général s’arrête à  13h30 pour permettre aux personnes de rejoindre leur lieu de travail, même si certaines discussions informelles durent parfois au-delà 

Lyon 2e, sanctuaire Saint-Bonaventure, place des Cordeliers, une fois par mois, de 12h30 à  13h30.

Voir aussi le site du [sanctuaire Saint-Bonaventure->
http://www.saintbonaventure-lyon.catholique.fr/
[->http://www.saintbonaventure-lyon.catholique.fr/]].

Suzanne

de Katell Quillévéré

France, 2012, 1h37

Festival de Cannes 2013. Film d’ouverture de la Semaine de la critique.

Sortie en France le 18 décembre 2013.

avec Sara Forestier, François Damiens, Adèle Haenel

De l’enfance à  l’âge adulte, le parcours contemporain d’une femme, entre résilience et amour fou. Un film elliptique parfaitement maitrisé, pour un grand moment de cinéma.

Une enfance banale à  l’ombre de la mort d’une mère, avec un père aimant et un peu maladroit, une sœur délicieuse et puis les choix qu’on fait, par envie, à  17 ans, sans se rendre vraiment compte de ce qu’ils impliquent, par amour passionnel un peu plus tard et toute une vie qui bascule du mauvais côté. Pour son second film (Un Poison violent, 2010), Katell Quillévéré confirme son talent de réalisatrice.

L’histoire de Suzanne se déroule pendant près de 25 ans. Elle est racontée avec beaucoup d’ellipses, ces silences entre deux scènes successives où le temps et les événements passent sans être montrés à  l’écran. Ici, ces ellipses sont radicales, représentent parfois plusieurs années et nous obligent à  entrer pleinement dans le film. Katell Quillévéré : « Oui, la construction d’un récit fondé sur l’ellipse était un des paris de ce film. Avec Mariette Désert, ma co-scénariste, puis Thomas Marchand, mon monteur, nous avons voulu créer un hors-champ très puissant qui rende le spectateur actif et lui permette de nourrir les trous de l’histoire avec sa propre expérience. »

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Si les trois personnages principaux – Suzanne, sa sœur et leur père – vieillissent légèrement (et sans maquillage outrancier), c’est surtout l’enfant qui marque le temps qui passe, le temps irrémédiablement perdu et il est joué, lui, par plusieurs acteurs. La réalisatrice a choisi de donner à  Suzanne sa propre année de naissance, tenant à  filmer aussi sa génération, celle qui a 33 ans cette année. Elle dispose dans le décor, çà  et là , des objets caractéristiques de son enfance, de son adolescence, sans pour autant tomber dans une reconstitution trop rigoureuse. La musique donne aussi l’atmosphère de ces années passées, elle est la mémoire du film, les musiques des années 80 répondant aux musiques actuelles.

Pour compenser la sécheresse de ce film tout en ellipses, où un montage âpre renforce encore ce sentiment d’opacité, les personnages laissent souvent éclater leur émotion. Quand Suzanne est amoureuse, quand son père est blessé, quand sa sœur éclate de rire, ce n’est pas à  moitié. Les ressorts dramatiques sont nombreux et touchent le spectateur là  où c’est sensible : une mère absente, un enfant abandonné, une famille estropiée après un départ inexpliqué, une femme qui tombe, se relève et la scène finale de rédemption, aussi lumineuse qu’émouvante. On ne juge pas, on ne condamne pas, on souffre, on aime. L’amour est la constance qui parcourt le film et permet à  chacun de se reconstruire.

Deux ou trois plans inhabituels traversent le film, des plans larges, vus d’en haut, où la vie traverse le destin des personnages. Lorsque les nouveaux amoureux se séparent après leur premier rendez-vous, la caméra s’installe à  la fenêtre d’un immeuble et montre, de façon quasi documentaire, une rue où, sous l’œil indifférent des passants et de l’épicier, Suzanne et Julien n’arrivent pas à  se quitter. Sous une petite pluie, c’est une chorégraphie. Plus loin, la caméra s’attarde au dessus des voitures, et de leurs occupants, sagement rangées devant le ventre ouvert du ferry. Pour Katell Quillévéré, ces plans sont un hommage à  la photographie américaine des années 1960, lorsque la couleur devenait artistique, sans pour autant quitter le champ du documentaire. Dans ce film où le montage creuse les béances du scénario, cette irruption de la vraie vie devient presque physique, et donc très émouvante, pour le spectateur.21002105_20130429150941349.jpg

Suzanne est un film rigoureusement construit qui ravira les cinéphiles qui aiment se laisser embarquer dans une histoire où rien n’est évident, où on ne sait jamais à  l’avance ce qui va se passer dans la scène suivante. La réalisatrice nous emmène dans des lieux inhabituels : un champ de courses, une cafétéria d’autoroute, la cabine d’un gros camion et des pique-nique au cimetière. Elle se joue de certains clichés si utiles au cinéma (la sœur cadette est plus grande que l’aînée). Elle n’a pas peur de faire disparaitre le personnage principal car elle sait rendre sa présence à  l’écran dans le manque éprouvé par ceux qui restent.

Suzanne est le portrait d’une femme déroutante, que l’amour des siens sauve du désastre intérieur? C’est un beau film d’une jeune femme talentueuse.

Magali Van Reeth

Signis