Etreintes brisées
de Pedro Almodovar
Espagne, 2h07, 2009.
Festival de Cannes 2009, compétition officielle.
Sortie en France le 20 mai 2009.
avec Pénélope Cruz, Lluis Homar, Blanca Portillo, Jose Luis Gomez.
Une tragique histoire d’amour, un cinéaste aveugle et des passions secrètes qui hantent des personnages inhabituels, le dernier Almodovar a tous les ingrédients de ses meilleurs films mais pourra décevoir ses plus fervents admirateurs.
En montant les célèbres marches du Palais des Festivals à Cannes, lors de la présentation officielle d’Etreintes brisées, sous les applaudissements du public et les flash des photographes en smoking, Pedro Almodovar disait combien il se sentait « en famille » à Cannes. Est-ce pour cela qu’il est venu avec un film si décevant, estimant qu’il n’avait plus rien à prouver et qu’il était sûr de rester populaire dans le monde du cinéma ? On sait qu’il y a quelques années, il s’était énervé dans ce même Festival pour n’avoir pas reçu la palme d’or avec un film bien meilleur, Tout sur ma mère (1999). Si ce film n’avait eu « que » le prix du jury, il avait aussi reçu le prix œcuménique, la palme d’or revenant à Rosetta des frères Dardenne, un chef d’œuvre lui-aussi. Le cinéaste espagnol boude t-il ?
Mais ce qu’il y a de bien avec les grands réalisateurs, c’est que même avec un film mineur, ils savent donner aux spectateurs de délicieux moments de cinéma. Etreintes brisées est un petit rappel de tout ce que Pedro Almodovar sait faire, comme un brouillon de ses précédents films. Des acteurs dans des situations improbables, des couleurs à outrance, des passions impossibles, une trame narrative touffue, la magie du cinéma où les femmes sont belles à cause des artifices de la lumière. Mais on sent qu’il manque ici cette provocation qui nous avait tant fait vaciller autrefois, l’urgence de la dénonciation, le regard acéré sur le cœur affolé du monde contemporain. On cherche une émotion, on trouve de brillants décors, un talent maîtrisé du montage, les actrices transcendées par le regard du réalisateur et les hommes aveuglés par leurs passions égoïstes. On peut justement voir dans ce cinéaste qui a perdu la vue, un double du réalisateur qui « ne voit plus » l’inspiration traverser son travail. Et, dans le titre, l’annonce d’une rupture. Si on aime les films d’Almodovar, il est, hélas, probable qu’on sorte plutôt déçu par ce résumé édulcoré de son œuvre.
Magali Van Reeth
Signis