de Ava DuVernay
avec David Oyelowo, Tim Roth
Film américano-britannique 2h08 2015.
Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon
Un film beau et fort sur un moment de la vie de Martin Luther King : la marche des noirs pour le droit de vote à Selma en Alabama il y a tout juste 50 ans. Pédagogique et mémoriel.
Mieux que de réaliser un biopic sur toute la vie de Martin Luther King, Ava DuVernay a choisi de raconter un épisode important de son combat pour les droits civiques des noirs, celui qui s’est déroulé il y a tout juste 50 ans en Alabama. Le droit de vote pour eux a été signé au niveau fédéral mais dans cet état ségrégationniste du sud, le gouverneur, un certain Georges Wallace, s’oppose à son application.
Martin Luther King vient soutenir l’action de la communauté noire de Selma et propose sa méthode : manifestations, résistance, non-violence. Mais comment résister quand la police locale empêche toute marche dans les rues, charge violemment avec matraques et armes de poings ?
Ce sera le fameux « Bloody Sunday » du 7 mars 1965 ou 700 noirs sur le pont Edmund Pettus ont été attaqués.
Martin Luther King va essayer de négocier, s’expliquer avec le Président Lyndon Johnson, le gouverneur, les responsables noirs locaux et c’est la fameuse marche de Selma à Montgomery, la capitale de l’Etat qui sera décidée en y associant « tous les hommes de foi et de bonne volonté ». 20% de blancs y participeront dont des pasteurs de l’Est des Etats-Unis, des acteurs et des chanteurs connus. Les images des actualités de l’époque qui clôturent le film d’Ava DuVernay témoignent de l’impact que cette action a eu dans le pays et dans le monde.
Une loi en juillet 1965 assurera aux noirs un droit de vote dans tout le pays, sans exception. Enfin
Selma, ce film réalisé en cette année anniversaire résonne douloureusement alors que les Etats-Unis viennent de connaître de nombreux actes racistes. Il vient montrer à quel point la communauté noire a souffert au prix de nombreuses morts pour acquérir et obtenir enfin l’égalité des droits civiques. Il montre aussi combien ce combat devait faire face aux forces conservatrices voire racistes des gens du Sud, mais aussi au jeu politique d’un Lyndon Johnson embourbé dans la guerre du Vietnam, au poids du FBI qui pouvait détruire voire éliminer un opposant aux « intérêts du pays ».
Dans cette âpre bataille, Martin Luther King puise dans sa foi et l’idée qu’il se fait de sa mission les arguments pacifiques et politiques de son engagement. Le film n’hésite pas à montrer ses doutes, ses craintes, mais aussi son indéniable charisme et ses talents d’orateur toujours nourri des passages de la Bible. Le film est de facture classique et s’attache à monter les arcanes difficiles des enjeux politiques, sociaux, communautaires du problème. En ce sens, il est très pédagogique.
C’est David Oyelowo, acteur de théâtre britannique qui lui prête ses traits et lui donne une vraie dimension humaine et dramatique, sans tomber dans le mimétisme du leader noir.
Une minutieuse reconstitution des décors, des costumes, de la musique de l’époque apporte une authenticité et en fait un beau film mémoriel aux accents poignants.