Une année de cinéma : la jeunesse au 1er plan.
Des films éclectiques présentés dans cette rubrique cinéma cette année, et me semble-t-il un thème majeur qui domine : celui de la jeunesse.
On découvre parmi ces longs métrages les portraits multiples d’une jeunesse européenne de toutes conditions, traversée par une violence à chaque fois différente certes, mais bien réelle pourtant. Pour y faire face, le groupe est indispensable : que ce soit la famille, les copains du lycée ou ceux de la bande du quartier. Parfois et heureusement, la rencontre avec un ou plusieurs adultes – des passeurs -permet de trouver une manière de grandir, de s’en sortir, voire de connaître la rédemption et se découvrir jeune adulte. C’est ce qui arrive parfois.
Voyage au pays d’une certaine jeunesse qui se donne à voir dans ces films-miroirs.
La jeunesse est un thème qui a toujours intéressé les cinéastes, mais ce cru 2014-2015 me semble montrer la réalité de certaines situations confrontées à de multiples formes de violences.
Que ce soit
• Une violence sociale comme dans « Mange tes morts » de Jean-Charles Hue sur la vie d’une communauté gitane dans le Nord, « Bande de filles » de Céline Sciamma, sur la vie de quatre adolescentes dans une cité de banlieue parisienne ou « Spartacus et Cassandra » , un docu-fiction sur le quotidien de deux jeunes roms traumatisés par la violence de leur père .
• Violence liée à la délinquance comme celle de ces ados issus de l’immigration dans un quartier de Strasbourg dans « Qu’ Allah bénisse la France » d’Abd Al Malik avec trafics de drogues et cambriolages ou celle de Malhony, cet ado rebelle et fugueur du film « La tête haute » d’Emmanuelle Bercot.
• Violence verbale entre « Les héritiers » de MC Mention Schaar, ces lycéens d’une classe de seconde à qui l’on propose un travail sur l’Holocauste. Violence sans mots mais qui se vit tout en douleur dans « Le dernier coup de marteau » d’Alix Delaporte pour Victor, 13 ans, se frayant un chemin entre une mère très malade et un père qui ne l’a jamais reconnu.
• Violence de situation liée au métier qu’il souhaite exercer pour Benjamin, un jeune étudiant en médecine dans «Hippocrate » de Thomas Lilti confronté à la souffrance, à la mort, au choix de fin de vie.
Et ailleurs hors de nos frontières ?
• Une violence encore plus grande, politique et économique pour ces jeunes espagnols de « La belle jeunesse » de Jaime Rosales obligés de s’exiler en Allemagne et de se prostituer pour vivre ou bien celle subie par ces deux jeunes africains candidats à l’immigration pour fuir la misère de leurs pays dans « Hope » de Boris Lojkine et qui connaîtront le racket et la violence des passeurs.
Pouvoir compter sur les autres, ses compagnons de misère ou de galère est un élément indispensable dans la traversée de cette période charnière de leur vie.
Parfois, la famille malgré ses propres difficultés assure son rôle protecteur et éducatif.
• C’est ce que va connaître Victor dans « Le dernier coup de marteau » qui découvrira à la fois le monde de la musique et ce père inconnu et si imposant, ou même Spartacus qui loin de ce père violent arrivera peut-être à retisser des liens. Car ces liens du sang sont si importants pour les communautés roms ou gitanes.
• Celle de « Mange tes morts » dans le Nord conserve cette culture de clan et cette appartenance aussi à l’église évangélique (une autre forme de famille) qui leur tient un peu lieu de boussole et de guide de bonne conduite..
• Mais tous n’ont pas cette chance. Alors, la « bande » est cette deuxième famille que l’on se choisit comme les quatre adolescentes blacks d’une cité parisienne de «Bandes de filles » qui se battent contre les garçons de leur cité adoptant leurs codes vestimentaires, leur langage pour se faire respecter..croient-elles. Pour les filles de banlieue, la violence sociale est aussi une violence sexiste et sexuelle.
• A Strasbourg, dans « Qu’Allah bénisse la France » la délinquance a déjà gangréné l’avenir des copains d’Abd Al Malik. Pour un temps, la prison ou la mort ne séparent pas encore les compagnons d’infortune. Mais cela ne durera pas.
• Les jeunes de Madrid se serrent les coudes dans « La Belle jeunesse » et ont trouvé à exprimer par l’humour et sur le net 2.0 leurs galères et leurs désillusions en réalisant de petits films réussis. Mais l’avenir réel n’est pas rose pour eux..
• Pour Hope , candidate à l’immigration, en revanche, pas de soutien d’un groupe, c’est plutôt le combat contre une bande organisée qui est son lot quotidien : celle des voleurs, violeurs et escrocs en touts genres. Il ne fait pas bon être une femme dans ces pays en guerre. Hope et son compagnon de route connaîtront la pire des morts.
Pourtant, pour beaucoup de ces histoires de jeunes en désespérance, des hommes et des femmes vont avoir un regard bienveillant et constructeur sur ces enfants perdus.
• C’est Camille la trapéziste qui va emmener Spartacus et Cassandra loin de la fragilité et de la de la violence du père pour leur construite une vie plus régulière.
• C’est ce merveilleux professeur de français qui croit aux capacités intellectuelles de ses élèves de seconde «Les héritier » pourtant rabaissés par beaucoup de ses collègues. Ils gagneront le 1er prix au concours de mémoire sur la déportation. Un projet collectif qui soudera la classe.
• C’est le professeur de philo d’Abd Al Malik qui lui fera découvrir la poésie, la beauté de la langue française, l’encouragera à préparer une classe préparatoire. Le jeune homme poursuivra le chemin, approfondira sa foi, plongera dans les beautés du soufisme et écrira « Qu’Allah bénisse la France » avant d’en réaliser l’adaptation au cinéma.
• C’est Catherine Deneuve, juge pour enfants dans le film, qui ne lâchera pas d’une semelle Malhony, dans « La Tête haute » malgré toutes les bêtises et la violence qu’il montrera car elle voit en lui autre chose qu’une décision de justice à donner.
• C’est dans « Hippocrate » , Reda Ketab, qui joue le rôle d’un jeune médecin algérien. Il guidera Benjamin dans son cheminement professionnel et personnel pour l’aider à découvrir la grandeur et la responsabilité du métier de médecin.
Tous ces « passeurs » au bon sens du mot auront été des repères pour ces jeunes en mal de tendresse, de soutiens, de sens à donner à leur vie
Deux films un peu décalés par rapport à ceux-là , brossent aussi le portrait de deux jeunes filles en donnant une large place à la religion ou à un personnage religieux.
« Marie Heurtin » de Jean-Pierre Améris raconte l’histoire de cette jeune fille aveugle, sourde et muette qui va s’ouvrir à la relation aux autres, au langage grâce au travail acharné d’une religieuse pour lui apprendre la langue des signes. Cela se passe à la fin du XIXème siècle et le film donne une image à la fois pleine d’ingéniosité et de générosité de cette religieuse mais aussi la peinture bien dépassée aujourd’hui d’un cadre religieux un peu figé.
Et puis il y a « Chemin de croix » de Dietrich Brà¼ggemann ou le dévoiement de l’éducation rigide et sacrificielle d’une mère sur ses enfants au nom d’une observance très stricte de la religion catholique. Sa fille encore adolescente en mourra
Une autre forme de violence que celles décrites plus haut, mais toute aussi réelle, hélas.
Au regard de ces deux films, on a l’impression que le cinéma a du mal à donner une image juste et réaliste de la vie de jeunes croyants…Dommage..
Marie-Noëlle Gougeon