Sonates d’automne 2024

Les Saôneurs, collectif d’artistes, continue d’habiter la Chapelle de l’Hôtel-Dieu et d’y inviter pour des concerts. Mardi 8, c’est un jeune quatuor à cordes, I Folletto, qui a donné une oeuvre d’un compositeur inconnu et pourtant digne d’intérêt, George Onslow et le premier de Mendelssohn, son opus 13. Les musiciens au centre de la neuf se font face comme en répétition. Ils semblent travailler tant leur attention est grande, ou plutôt jouer pour le plaisir, comme si personne ne les écoutait.

Autour, le public, qui est si proche des artistes, qu’il est évident que c’est bien pour lui que cette musique est jouée. Il entoure les musiciens comme les bars d’une accolade, les protège pour qu’ils n’aient qu’une occupation, jouer, jouer.

Le dernier concert du festival Sonates d’automne sera donné le mardi 22 octobre par Marci Hadjimarkos, au pianoforte, dans des oeuvres contemporaines de la Révolution française, notamment d’Hélène de Montgeroult, compositrice lyonnaise que l’on découvre depuis quelques années. Réservation

« Éleveur de Lumière »

La lumière a brillé dans les ténèbres

Vincent Breed
Artiste verrier

Le service Arts, culture & foi du diocèse de Lyon
a demandé à Vincent Breed une création à l’occasion de l’Avent 2023,
de la fête de l’Immaculée Conception et du Temps de Noël.

Des vases fermés ou des bornes milliaires, gestation ou points d’étape, la vie, une route.
Sombres, d’un violet ténébreux puis, sans que l’on sache comment, miroir argenté qui reflète la rue, les passants.
Au sol des éclats de verre, comme un chaos, vitrine cassée ou bouteilles de soûlards, et pourtant, ce n’est pas une décharge.
Le monde ordinaire, le nôtre – notre reflet sur les bornes.

Deux questions en forme d’affirmation : « Je suis qui », « Je fais quoi ». Il faut relever la tête.

A peine visibles, des points de lumière venus d’ailleurs, pas de la rue.
Le monde – le nôtre, visité. C’est à peine visible. Il n’y a rien qui aveugle, dénonce, écrase. Les tessons même en sont transpercés et se muent en tapis royal.

Seulement mêlée au monde, une lumière brille dans les ténèbres.

Atiq Rahimi, Mehstî, chair des mots

passages d’un monde à l’autre, il ouvre à l’humain.

Chair des mots. Est-ce un oxymore. Le flatus vocis, le souffle de la voix est chair, c’est-à-dire aussi érotisme. Il n’y a pas ce chair sans désir, ou plutôt, les mots transforment la chair en désir.

Comme un écho, que le texte de Atiq Rahimi ignore : Kai o logos sarx egeneto, Et le mot est devenu chair.

Une poétesse persane dont la biographie est incertaine, au XIIe siècle, laisse quelques quatrains, que l’auteur lit, présente, met en intrigue dans un dialogue avec elle, Mehstî. Il passe par-dessus les siècles comme par-dessus les obstacles, l’impossibilité de la traduction. Ce n’est pas sans risque, y compris de récupération idéologique. Mais sans les passeurs de mots, sans les dialogues par-delà les âges et les cultures, c’est tout ce dont notre mémoire serait ignorante dont nous ne pourrions nous nourrir, réduits à un passé fait seulement d’un attachement infantile et affectif à notre mère. Les intégrismes ne savent rien de l’histoire et canonise comme passé ce qu’ils imaginent être la religion de toujours, celles de leurs pères les plus immédiats.

La poétesse qui parle et chante si crûment ne peut qu’apparaître comme une résistante à la phallocratie. La parole, la poésie est politique ; la chair, celle de la femme, ses cheveux qu’il faudrait dissimuler est politique. Aujourd’hui, en Iran, après le meurtre de Masha Amini, elles crient et chantent et espèrent à moins d’être tuées : Femme, Vie, Liberté ! « En détachant ton corps et ta poésie de toute métaphore, tu ne t’attaches qu’aux mots nus de la vérité. Mais cela ne t’empêche pas de jouer avec les expressions ambivalentes. »

« Un soufi, dans le silence de sa méditation, eut soudain la vision d’une femme se livrant aux jeux de l’amour dans une maison de passe. / Seigneur, soupire le soufi, de grâce, donne-moi cette femme ! / Non, fit la Voix, pourquoi n’as-tu pas prié que je te donne, toi, à elle ? »

Le sexe est subversif. Même le plus rigoureux des ascètes n’y peut rien. Pas étonnant que les religions s’en méfient. Ce n’est pas une question de genres, tous sont renversés ; les hommes ont besoin des femmes, c’est leur force jusqu’à la subversion ; (Le sultan aime son bel échanson ; c’est aussi la force subversive de l’homosexualité.) Le sexe et le désir, les mots de la poésie, hier et aujourd’hui, sont politiques. On comprend que l’homme oublie si vite qui s’endort pour ne pas rester pris dans les rets de l’amour, de la dépendance. Cachez ces cheveux que je ne saurais voir : refus de la confrontation au secret que nous sommes.

Les religions se méfient du sexe, les mots crus, nus. C’est qu’il est, comme l’ivresse du vin, une dénonciation de l’hypocrisie. Un cheikh dit à une débauchée : « Tu es ivre / Et à chaque instant tu te donnes à quelqu’un » / Elle lui répond : « Je suis ce que tu dis, certes / Mais toi, es-tu ce que tu parais »

Subversif ou salut de la foi, contrairement à ce que l’on pourrait penser. L’amour, l’aimance, y compris légère, y compris adultère ou prostituée, l’aimance comme religion, non pour faire de la vibration des corps un dieu, mais parce que Dieu serait amour. Ce n’est pas dit pas Atiq Rahimi. C’est une autre histoire, pas si différente cependant de celle de Mehstî, celle du Cantique des Cantiques.

Arts, culture & foi

Rencontrer, apprendre, dialoguer

Les arts et la culture à leur manière expriment ce qui se vit et pense, le font entendre ou le contestent, interrogent. Arts, culture & foi, au nom des chrétiens catholiques du diocèse de Lyon, veut écouter, rencontrer, apprendre, entrer en dialogue.

« Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas ». Que nous importe ? Pour l’homme de Nazareth et ses disciples, la voie qui conduit à Dieu n’est autre que celle qui mène à autrui. Arts, culture & foi se propose d’emprunter les chemins d’humanité qu’explorent les arts et la culture.

Les arts et la culture sont conviction et critique, action et contemplation. Avant de s’exprimer, les artistes écoutent et regardent. Le plus intime toujours aussi est politique. Des semences du Verbe fécondent la volonté de vivre avec et pour les autres ; aucune frontière ou institution n’arrête l’Esprit. Arts, culture & Foi est engagé dans le déchiffrement de la parole et du souffle.

De possibles projets artistiques

Quand un dialogue se noue, des aventures surgissent, de la simple et profonde estime à des projets artistiques ou pastoraux. C’est aussi la mission d’Arts, culture & foi.

Les communautés catholiques

Les communautés peuvent trouver dans les arts et la culture de quoi formuler et forer leur propre quête. Arts, culture & foi désire les aider, ainsi que ceux qui le souhaitent, à puiser la force d’un cri pour la foi ou la douceur pour une célébration de la grâce, en aménageant l’accès au travail des artistes.

Editorial – Mai 2022

Vous trouverez à la droite de cette page d’accueil, l’éditorial signé par Pierre Moutarde, au moment où il s’apprête à quitter la direction du service diocésain Arts, Cultures et Foi.