FUSARO : église Saint-Jacques-des-Arrêts

Une église décorée par un artiste vivant ? Un événement rare célébré le 29 mai 2010 dans le Haut Beaujolais.

Située dans le canton de Monsols, à  l’extrémité nord du département de Rhône, la modeste église paroissiale de la commune de Saint-Jacques des Arrêts, a été entièrement décorée par les toiles de l’artiste lyonnais Jean Fusaro. Le bâtiment actuel, sans doute construit au 18ème siècle, à  l’emplacement d’une église plus ancienne, a été agrandi en 1826, avec l’ajout de deux nefs latérales. C’est une église à  taille humaine, sobre qui convenait parfaitement à  un projet d’une telle ampleur.

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Né en 1925, Jean Fusaro vit et travaille dans la région lyonnaise depuis de très nombreuses années. Il expose dès 1948 et il est très tôt remarqué par le collectionneur Georges Besson. Une rétrospective de ses œuvres a eu lieu en 1993 au château de Lacroix-Laval puis l’an dernier, autour de ses « 50 ans de peinture » à  la galerie Michel Estrade de Lyon. Les œuvres réalisées pour l’église Saint-Jacques des Arrêts sont une commande du Conseil général du Rhône. Ce ne sont pas des fresques (peintes directement sur les murs) mais des toiles sur cadre de grandes dimensions.

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L’aménagement de l’espace intérieur de l’église, par les œuvres du peintre, a été faite en deux temps. Dès 1995, Fusaro commence les peintures du chœur, inaugurées en 1999. Elles se composent de 4 toiles. Deux grands panneaux surplombent l’autel. L’un représente le Golgotha dans un paysage du Beaujolais, une façon savoureuse d’ancrer le christianisme au cœur même du lieu. L’autre, le baptême du Christ. A gauche et à  droite, et pour que ce projet artistique puisse bénéficier de fonds de l’Union européenne, de tableaux plus petits aux thèmes plus universels. Saints Cyrille et Méthode qui évangélisent les Balkans et saint Jacques de Compostelle, dont les chemins traversent toute l’Europe.

La seconde partie de ce vaste projet, dont la réception a été officiellement faite le 29 mai, couvre la nef et le chevet de l’église. Comme dans la première partie de son travail, Jean Fusaro a utilisé des personnages réels pour servir de modèles à  ses toiles, reprenant ainsi une tradition très ancienne dans la peinture des églises. On pourra reconnaître ça et là  des membres de son entourage et, comme dans les triptyques du Moyen-âge, les « donateurs » d’hier qui sont aujourd’hui les « partenaires financiers » et ceux qui ont œuvrés sa mise en œuvre. Par là  même, c’est le message fondamental du christianisme qui est rappelé : nous valons plus que nos actes et nous sommes tous appelés à  être sauvés, y compris les pêcheurs !

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La configuration de cette petite église n’a pas permis l’accrochage d’un chemin de croix classique puisque la répartition des fenêtres ne laisse que 8 emplacements. Le peintre a donc choisi de représenter les stations traditionnelles deux par deux, sauf pour deux d’entre elles. Dans des tons bleutés qui s’accordent parfaitement aux murs jaunes de l’église, les dessins frappent par le mélange de la douceur de la palette utilisée et la violence des thèmes évoqués.

Le fond de l’église est entièrement recouvert d’une peinture monumentale en trois parties, autour des martyrs de Lyon. Hommage à  ceux qui ont perdu la vie pour ne pas renier leur foi, le panneau fourmille de détails. Ils évoquent l’histoire de Blandine et ses compagnons mais aussi le sens de leurs morts pour ceux qui contemplent aujourd’hui ce tableau. A gauche de la porte, un tableau représentant Lyon lors des fêtes du 8 décembre ; et à  droite, saint Agobard qui est ici présenté comme combattant les superstitions et fanatismes.


Ce projet de décoration de l’église de Saint-Jacques a été initié par le Conseil général du Rhône et Jean Fusaro, avec la commune et la paroisse de Saint-Jacques des Arrêts, la participation de l’Union européenne et le soutien du diocèse de Lyon. Sa réalisation montre à  quel point l’art contemporain, le fait religieux et le patrimoine culturel sont toujours intimement liés. Elle est aussi le fruit d’un beau dialogue entre croyants et incroyants. L’église est ouverte à  tous, tous les jours de l’année et gratuitement pour les visites, grâce à  des bénévoles.

Exposer à  Confluences-Polycarpe

En devenant membre de l’Association Confluences-Polycarpe, en plus des voyages et de l’usage de la bibliothèque d’iconographie chrétienne (ou autres services), vous pouvez exposer vos œuvres le temps que vous le souhaitez.
Dans la limite de nos possibilités, nous établirons avec vous un accord qui sera à  votre mesure.

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 Prendre contact pendant notre permanence du jeudi entre 15 et 18 h
au 25 rue René Leynaud, 69001 Lyon,
entrée au milieu de l’escalier du passage Mermet entre la rue Burdeau et le 25 de la rue René Leynaud.

« Parlez-vous l’art contemporain? »

« Parlez-vous l’art contemporain ? »

C’est le titre d’un intéressant dossier de la revue Artension de novembre 2009. Pierre Souchaud commence par citer un extrait de la préface de la Biennale de Lyon 2009 qui lui semble emblématique d’une certaine manière de parler l’art contemporain né à  l’aube des années 1970.
« D’efficaces narrativités promptes à  l’échange massifié par l’entremise des médias globalisés, qui perforent utilement, ici et là , pour un temps, l’horizontalité du monde »
Ce texte écrit par le créateur et le directeur de la Biennale de Lyon pour justifier son titre « Le spectacle du quotidien » que l’on peut lire dans son intégralité en le téléchargeant sur le site www.biennalelyon.com , est, dit l’auteur du dossier, « incantatoire et fourre-tout » et permet à  une « classe, caste, cour, réseau, tribu, communauté fermée » de se reconnaître.

Martine Salzman soumet ensuite ce texte à  un implacable décorticage sémiologique, où elle relève une absence totale de simplicité, une pensée en forme de tautologies et de paradoxes comme « la boucle se boucle car le global n’a évidemment pas d’extériorité » ou encore « des proximités paradoxales non cartographiées ». Difficile d’en saisir le point de vue exprimé. Mais, suggère la sémiologue, c’est peut-être une manière pour le directeur de se présenter en artiste. Elle poursuit sa démonstration avec l’enchaînement de concepts dont l’articulation reste obscure : « changer les paradigmes du dedans et du dehors, en déterritorialisant l’un et l’autre, à  l’intérieur du global indépassable »

Autre repérage, un arsenal de références où en deux pages pas moins de 38 noms illustres sont déclinés : Charles Perrault, Wittgenstein, Benedict Anderson, Ampère, Arjun Appadurai, G. Brecht, John Cage, Michel de Certeau, Marcel Duchamp, Paul Ricoeur, etc. Cette écriture est un véritable spectacle où l’on joue à  saute-mouton avec les concepts sans les expliquer ni les lier. Pour terminer, je vous cite encore ce passage : « Un peu plus tard, Arjun Appadurai, au moment même où les interactions globales offrent une chance inédite à  l’expression reformulée du local, décrit la réalité non plus des communautés mais des mondes imaginés : « formes culturelles fondamentalement fractales, c’est-à -dire dépourvues de frontières, de structure ou de régularité euclidienne »
Ces mondes imaginés, nos everyday lifes, sont le résultat d’une congruence de flux en tout genre (« Fluxux internationale Festspiele ») : diasporas, migrations financières, déter ritorialisation de personnes, d’images et d’idées, simultanément recomposées, redistribuées et dispersées par les médias électroniques. De fait, il n’y a plus « de là  là  » (G. Stein) Il y a en revanche des « ici » fluctuants, possiblement partout. » Revue Artension : www.artension.fr
Le service Arts, cultures et foi au vu de cet article s’interroge car la polémique sur la valeur de l’art contemporain ne cesse de mettre aux prises ses partisans qui sont bien souvent des professionnels de l’art et adversaires qui se réclament des jugements du « grand public ». Faut-il profiter de cette Biennale pour poursuivre le débat ? Nous en aviserons en fonction de vos réactions et messages reçus sur notre site.
Gilbert Brun

Le spectacle du quotidien

Le spectacle du quotidien

Tel est le titre de la 10e Biennale de Lyon du 16 septembre au 3 janvier 2009. Le commissaire de cette exposition est Hou Hanru, d’origine chinoise installé à  San Francisco, il a déjà  réalisé une vingtaine de biennales à  travers le monde.
Dans un entretien accordé à  la revue Beaux Arts de ce mois de septembre 2009, Hou Hanru développe sa manière de concevoir son travail artistique. « L’art, dit-il, doit développer la liberté critique, alerter les gens, ne pas figer leur possibilité d’évoluer. Il est ce terrain où la politique se questionne ». L’ambition est vaste. Une de ses grandes forces d’inspiration : les situationnistes et leur soif de changement ainsi que leur capacité à  bouleverser le quotidien.
Voici comment il décrit son projet pour l’espace de La Sucrière qui proposera « une expérience très intense, structurée comme une expérience urbaine. Un espace très intense avec des objets de la ville. Y seront notamment mises en scènes des stratégies d’organisation sociale alternatives, ainsi qu’un regard sur des aspects de la réalité oublié par le milieu artistique, comme le monde du travail ou la migration. On y verra notamment beaucoup de vidéos et de performances réalisées dans la rue »
Près de 60 artistes ont été invités pour cette édition 2009 qui se déploie sur quatre lieux. (Voir le site de la Biennale ci-joint). Quelques chiffres donnent la mesure de l’entreprise : 6,9 M $ pour le budget global, 35% pour le montant des ressources propres et des partenaires privés (groupe Partouche, Grand Casino de Lyon), 147 000 visiteurs lors de la biennale 2007, 12 000m2 de surface d’exposition.
Après la déception provoquée par la dernière édition, le défi sera-t-il relevé cette année ? Gilbert Brun

Dieu et ses images,

Dieu et ses images, une histoire de l’Eternel dans l’art, de François Bœspflug, tout en étant assurément un livre d’art avec des photos de très grande qualité –il n’est jamais facile de photographier une mosaïque d’abside plongée dans l’obscurité- se veut également un ouvrage « qui ambitionne de servir de manuel ».

C’est pour ce la que les 534 pages, supérieures au format A4, sont divisées en 12 chapitres*, eux-mêmes subdivisés en plusieurs paragraphes didactiquement organisés. L’image est toujours en présence du texte correspondant. Théologie, histoire et œuvres plastiques s’interpénètrent. Chaque chapitre « commence par un plan et un résumé, et se termine, et se termine par une bibliographie ».

Ouvrage « scolaire », mais aussi scientifique comme le montre les multiples notes qui permettent de s’assurer de toutes les citations littéraires et de repérer les implantations géographiques des « images » : peintures, mosaïques, sculptures photographiées. A la vue de toutes ces notes, du glossaire, des quatre index, des bibliographies, du sommaire, de la table des matières, impressionné, le lecture risque de ressentir une grande frayeur. Il risque de conclure que cet ouvrage n’est pas fait pour lui. Il se tromperait. En effet, les chapitres sont courts et bien délimités. Rien n’impose de les enchaînés les uns aux autres. Néanmoins l’ouvrage ne peut en aucun cas se lire durant les aller et retour du metro, de son domicile à son travail. Il lui faut une bonne table, large et solide pour pouvoir délicatement tourner les pages sans y déposer son index humidifié. Un livre précieux que l’on vénère, j’imagine ; comme jadis on prenait le lourd ouvrage enluminé d’avant l’imprimerie. Personnellement, quand il y a plus de 25 ans je fus invité par des étudiants d’histoire de l’art et de jeunes guides conférenciers à donner des cours d’iconographie chrétienne que nous intitulions « art et bible », j’ai, reprenant les quelques notions acquises à l’université grégorienne à Rome, découvert combien il était intéressant de revoir toute sa théologie à partir des images qui, commandes d’Eglise, ou expressions de piété monastique, concrétisent la réception de la Révélation. Evêques, prêtres, théologiens, religieux expriment dans leur réflexion, traités savants ou homélies populaires, leur compréhension du Dieu trinitaire. Comment un artisan- artiste va-t-il traduire ce qui est entendu. Et moi, le regardant-visiteur, baignant dans une culture tout autre, comment vais-je saisir le sens de la forme que j’ai sous les yeux. L’étude de l’image (on devrait dire iconologie plus qu’iconographie) invite à remonter jusqu’à la source de l’Inspiration. Voici le chemin à suivre : 1 – l’œuvre ; 2 – le créateur ; 3 – le discours entendu dans une histoire précise ; 4 – la méditation du receveur, héraut de la Parole ; 5 – Dieu qui parle à l’humanité, la révélation biblique, extra biblique, mystique. L’étude de l’image comme nous la présente François Bœspflug nous initie donc dans le détail, pour que nous puissions remonter jusqu’à la source de l’Inspiration. C’est la démarche présentée par Dominique Ponnau lors d’un célèbre colloque, « le sens de la forme », destiné à inviter les enseignants de l’Education National à traiter du fait religieux pour comprendre les éléments culturels occidentaux. Grâce à ce livre nous sommes pédagogiquement accompagnés pour passer de la « chose vue » à la réalité, ou l’idée, qui en est à la source. J’éprouve effectivement beaucoup de plaisir à regarder les belles reproductions, à les textes qui les accompagnent et je vous invite à vous plonger dans ce bonheur. Pourtant je terminerai avec un souhait qui résulte d’une insatisfaction. Un livre si lourd et si coûteux peut-il véritablement être un outil d’étude ? Je souhaite que très rapidement une édition bon marché, moins lourde, même si la qualité des photos en souffre, voit le jour. Un livre de poche sur lequel je puisse écrire, mettre dans mon sac, prendre avec moi lorsque je visite un monument. Liste des chapitres 1 – Le poids du décalogue, Israël ancien, judaïsme postbiblique et islam. 2 – L’héritage juif du premier christianisme, 1er et IIe siècle 3 – Dieu dans l’art paléochrétien, IVe – VIe siècle. 4 – La victoire de l’Icône et la raison d’Eglise, VIIe – VIIIe siècle. 5 – La foi visionnaire, Dieu dans l’art chrétien d’Orient, IXe –XIIe siècle. 6 – Majesté et liberté, Dieu dans l’art d’Occident du IXe au XIIe siècle. 7 – Trinité européenne, XIIIe – XIVe siècle. 8 – Dieu pathétique et familier, les audaces du XVe siècle. 9 – La figure de Dieu en question, 1560 – 1680. 10 – Un sujet en déclin, du siècle des Lumières aux années 1860. 11 – Eclipe du Père, triomphe du crucifié, le « grand XXe siècle », 1860 – 2000. 12 – Inculturation et mondialisation, le Dieu chrétien hors d’Europe, XVIe – XXIe siècle.