À Lyon, de jeunes artistes approchent l’art sacré

La Croix, 12 octobre 2015

À Lyon, de jeunes artistes approchent l’art sacré

Comme tous les deux ans, l’Église de Lyon fait entendre sa voix, en marge de la Biennale d’art contemporain.

IMAGE – autour du thème « Demain », « Lumière de conscience », par Sophie Bérard.

À Saint-Polycarpe, où se tient la Biennale d’art sacré actuel, les artistes se sentent à  l’aise, même s’ils sont éloignés de l’Église.

Le visage s’estompe dans l’ombre d’une capuche. Les mains sont serrées entre des jambes repliées, pour mieux réchauffer un corps transi de froid. Bien que couché dans la réalité, le « sans-domicile fixe » est figuré redressé à  la verticale, dans cette huile sur toile de Giovanni Gallo, qui a redonné picturalement leur dignité aux sans-abri croisés au hasard des rues de Paris. Relever l’homme. Voilà  comment ce jeune peintre de 30 ans espère voir « Demain », thème de la 10e Biennale d’art sacré actuel. Lui qui est choqué par « la déconsidération de l’homme, dont la valeur dans nos sociétés est fixée selon sa rentabilité ». Un regard humaniste sur le monde, « sans portée religieuse », glisse-t-il.

L’art sacré au sens large

« Certains m’ont même demandé s’il fallait être baptisé pour candidater », rapporte Danielle Stéphane, qui a succédé au Père Michel Durand comme commissaire de cet événement. « Mais il s’agit ici d’explorer l’art sacré au sens large, de la part d’artistes qui ont pour point commun d’interroger l’humanité », rappelle-t-elle. Quand bien même, « parler d’art sacré, ce n’est pas très à  la mode dans le milieu artistique », sourit Thaddée. Pour s’être éloignée de l’Église, cette trentenaire n’en conserve pas moins cet appel à  la transcendance commun aux vingt-huit artistes exposés dans les travées latérales de l’église Saint-Polycarpe, sur les pentes de la Croix-Rousse, à  Lyon. Ce qu’elle retranscrit dans son travail, des collages associant des gravures de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert avec des photos en noir et blanc extraites de leur contexte scientifique. Belle cellule de bois – « semblable à  un vitrail », relève Thaddée – ou étourdissantes arabesques produites par une collision entre particules subatomiques.

L’église, un écrin spirituel

Et puis, glisse Damien Louche-Pélissier, pas besoin d’être croyant pour être touché par l’édifice où est accroché son travail. Le quadragénaire travaille à  Allex, dans la Drôme, près du sanctuaire Saint-Joseph. Et il a déjà  fait l’expérience d’un accrochage dans une chapelle bretonne. « Nous sommes bien loin des murs blancs et neutres des galeries, apprécie-t-il. Une église est un écrin spirituel qui contribue à  la portée d’une œuvre », dit-il, devant son Arche de Noé végétale, une collection de noyaux de cerises ou de graines de tilleuls, piqués par des aiguilles, comme l’aurait fait un entomologiste minutieux.

L’œuvre fait écho au bunker enterré sous une île de l’océan Arctique, pour mieux conserver les graines de chaque espèce végétale, en cas de cataclysme. Mais, dans ce contexte ecclésial, cette arche poétique peut aussi être perçue comme une invitation à  « être attentif à  la beauté du monde », insiste l’artiste.

Bénévent Tosseri, à  Lyon

« Demain », à  voir jusqu’au 19 décembre à  Saint-Polycarpe,

25 rue René-Leynaud, 69001 Lyon.

Renseignements : 04.72.40.98.20.

Les œuvres sont sur le site de l’espace Confluences-Polycarpe :

[->http://confluences-polycarpe.org. ]

Chroniques cinéma – Une jeunesse allemande 1965-1977

Documentaire de Jean Gabriel Périot

Français (2015) 1H33.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un voyage documentaire vertigineux dans l’Allemagne des années 70 et la lutte armée des activistes de l’Armée Rouge : A. Baader, U.Meinhof. Une mise en abîme sur la violence terroriste et le rôle d’un cinéma engagé. Un film choc et d’une étrange actualité.

Le film commence à  la fin des années 60 par des manifestations étudiantes comme dans d’autres pays du monde, contre le pouvoir politique, l’autorité, la société de consommation et les médias en la personne en Allemagne du magnat de la presse Alex Springer.

Des étudiants allemands, pour la plupart issus de familles aisées et cultivées tentent de provoquer un soulèvement de la population allemande avec des écrits dans des revues contestataires, des manifestations, des films engagés : « Avant de prendre un fusil, on doit prendre sa caméra pour agir et critiquer ».

Leur discours est théorique, radical ; ils savent manier la dialectique marxiste. Mais devant l’échec de leurs stratégies, ils engagent la lutte armée et fondent la Fraction Armée Rouge (RAF).

Prises d’otages, braquages de banques, assassinats: les années 70-72 seront sanglantes et installent dans le pays un climat de peur. Arrêtés et emprisonnés la « Bande à  Baader » finira sa vie en prison quelques années plus tard par suicide ou mort par armeQuelle violence ! Quel gâchis !

Il y a comme un vertige qui vous saisit à  la vision de ce film.
D’abord, il reflète le travail énorme de JG Périot pour retrouver des films d’époque : émissions de TV, productions des activistes politiques, reportages. Le montage, serré, sans temps mort est éloquent et illustre sans commentaire (no comment) l’engrenage des propos, l’aveuglement, la démocratie en danger, la lutte entre deux blocs (la répression du pouvoir, la violence des terroristes).

Ensuite il montre bien, pour ceux qui l’ont connu le climat de ces années là  : celui d’une conscientisation politique des jeunes plus importante que celle d’aujourd’hui me semble-t-il et les interrogations d’un cinéma sur sa dimension sociale et politique. Quel est son rôle dans la société ? Doit-il prendre parti, témoigner, s’engager ? Et on se rappelle les films politiques italiens des années soixante-dix..

Enfin, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec aujourd’hui : il existe une autre forme de fanatisme qui embrase une autre jeunesse avec d’autres motivations mais avec la même folie : semer la terreur et la peur pour provoquer un déséquilibre politique. Oui, l’embrigadement mental, intellectuel voire religieux et sa conséquence le terrorisme armé sont toujours d’actualité.

Ce film coup de poing qui oblige à  voir la révolte d’une jeunesse allemande (qui sans doute expiait l’attitude supposée de leurs parents pendant la guerre et qui pourrait aujourd’hui être celle d’une autre partie du monde) ne peut laisser personne indifférent.

Il se termine par l’extrait d’un film du cinéaste allemand Fassbinder daté de 1977, où l’on entend une mère répondre à  son fils : « Ce qu’il faudrait maintenant c’est un homme avec beaucoup d’autorité, de la poigne mais en même temps un aspect sympathique »

Quand les extrêmes se répondent.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555091&cfilm=225925.html]

Chroniques cinéma – Phantom Boy

d’Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli

Film d’animation avec les voix d’Audrey Tautou et Edouard Baer.

Français (1h24).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une enquête policière menée avec humour et inventivité par un jeune garçon aux pouvoirs extraordinaires. Quant l’école de dessins animés française « cartonne »

Ne vous fiez pas à  l’affiche. C’est bien une production 100% française qui vous est présentée avec ce « Phantom boy » réalisé par le studio d’animations de Valence Folimages et la paire Gagnol-Felicioli.

Phantom boy raconte l’histoire de Leo, 11 ans, qui suit une chimiothérapie dans un hôpital à  New-York. Son histoire serait très triste si l’inventivité d’Alain Gagnol n’offrait pas une « échappée » à  cette vie d’inquiétudes. L’auteur donne à  Léo un pouvoir extraordinaire : celui de sortir de son corps. Son « fantôme » vole ainsi au-dessus des gratte-ciels, traverse les murs, communique par la voix. La « force de son esprit » en quelque sorte. Au cours de ses pérégrinations, le garçonnet croise le chemin d’Alex, un policier, et se lance avec lui à  la poursuite d’un vilain gangster qui veut s’emparer de New York à  l’aide d’un virus informatique. À eux deux, ils ont 24 heures pour sauver la villeLes pouvoirs de Léo vont s’avérer indispensables.

Phantom boy est une réussite complète. Sur le plan de l’histoire qui donne à  voir une réalité jamais gommée mais jamais misérabiliste. Plutôt que de baisser les bras et faire de Léo un petit garçon faible et victime, les auteurs par le truchement de l’histoire en font un esprit vif, agile et généreux. Pour sauver la jeune journaliste aux prises avec le dangereux gangster, il préfère prendre le risque de ne pas arriver à  temps pour que son « fantôme » regagne son apparence corporelle. Et donc la mort.

C’est une belle histoire sur la vie d’un petit garçon malade qui jamais ne baisse les bras et qui grâce à  la puissance du rêve, s’invente des pouvoirs qui finiront par le sauver ! Il illustre la confession de son infirmière : « Les enfants manifestent souvent des forces de vie hors du commun ».
Il y a plein d’humour dans « Phantom Boy », du suspense à  la Tintin, un méchant qui ressemble au Joker de Batman, un commissaire lourd et ballot, un politicien fanfaron, des parents inquiets et aimants, une petite sœur délicieusement admirative et .. même un petit chien comme Milou !

Le dessin animé a été réalisé sur planches et pas de manière numérique donnant au film un certain « grain » inégal. Et cela ajoute encore à  la qualité de l’ensemble. Les cadrages sont inventifs, la bande son très travaillée. Edouard Baer et Audrey Tautou prêtent leurs voix aux deux héros adultes : le policier et la journaliste. Les dialogues sont très adaptés à  un public d’enfants.

Phantom boy est un petit bijou d’humanité au milieu de ces productions un peu artificielles et semblables des studios américains. A voir à  partir de 8-9 ans

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555967&cfilm=197689.html]

Chroniques cinéma- « Belles familles »

de Jean-Paul Rappeneau

avec Mathieu Almaric, Marine Vacth, Nicole Garcia, Gilles Lellouche, André

Dussollier Français 2015. (1h53).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une histoire d’héritage et d’imbroglio familial portée par la virtuosité cinématographique de Jean-Paul Rappeneau. C’est léger, agréable à  regarder mais on reste un peu sur sa faim quant à  l’originalité de l’intrigue et l’analyse des caractères.

On connait la qualité de metteur en scène de Jean-Paul Rappeneau avec des comédies comme « La Vie de château » ou « Le sauvage ». A plus de 80 ans, il réalisé son 8ème long métrage avec un enthousiasme conservé pour les films chorals et la façon légère d’aborder des thèmes graves.

« Belles familles », raconte l’histoire d’une famille confrontée aux tribulations de la vente d’une maison familiale. Jérôme, le fils parti en Chine pour fuir ce père indifférent découvre à  son retour passager en France que la maison n’est toujours pas vendue. Un litige avec la mairie et un promoteur immobilier (son ancien ami Grégori) ralentit la transaction.

De fil en aiguille, il va découvrir la seconde épouse de son père à  qui aurait dû revenir cette maison, sa fille (Louise) qui est, étrange hasard, devenue la compagne de Grégori.

Après de nombreux rebondissements, la vérité éclatera. C’est le frère de Jérôme, qui a subtilisé la lettre qui aurait fait de cette seconde épouse la propriétaire de cette maison familiale. Impossible pour ce fils bien trop attaché à  sa mère de consentir à  l’abandon de la maison

Jean-Paul Rappeneau a construit son film comme un film gigogne où les intrigues et les rebondissements s’emboîtent les uns dans les autres : chaque séquence ouvre une facette nouvelle du personnage ou de l’intrigue.

C’est aussi un film « en miroir » car les personnages vont tous deux par deux : Jérôme et son frère. Jérôme et Louise qu’il finira par séduire, Grégori et Jérôme, la mère et son fils, etc..

Tout finira bien puisque la maison reviendra comme le père l’avait voulu à  sa seconde épouse.
Et Jérôme pourra enfin faire la paix avec ce père lointain de même que sa mère ( Nicole Garcia) puisqu’elle rencontrera enfin cette « seconde épouse ».

Il faut toute la virtuosité de JP Rappeneau pour traduire en images ce maelstrom de situations et d’intrigues familiales. Les séquences s’enchaînent à  un rythme rapide, virevoltant. Les plans sont soignés, les images superbement cadrées. Mais à  la longue, la forme prend le pas sur le fond.

Au final, on retient de ce film très agréable à  regarder une morale : rien ne sert de vouloir tordre le coup au désir profond des personnes. La vérité des sentiments apporte seule l’épanouissement de chacun et la paix d’une famille, au-delà  des conflits, des volontés de garder pour soi ou de figer des situations affectives et familiales qui n’existent plus

Mathieu Almaric et la jeune Marine Vacth dominent un lot de comédiens tous justes et qui apportent à  JP Rappenau leurs talents confirmés pour cette comédie dramatique à  moitié réussie.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555869&cfilm=227272.html]

Chroniques Cinéma – Fatima

de Philippe Faucon

avec Soria Zeroual, Zita Haurot, Kenza Noah Aïche

Drame. Film Français. 1h19. (2015).

Tourné en banlieue lyonnaise avec des acteurs non-professionnels, Fatima est un film à  la gloire de toutes les « Fatima » que l’on croise dans nos banlieues aux prises avec la langue, l’éducation de leurs enfants et parfois notre propre indifférence..

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Chroniques Cinéma – Vers l’autre rive

de Kiyoshi Kurosawa

avec Eri Fukatsu, Tanahobu Asano.

Drame. Film Franco-japonais (2015). 2h07.

Chroniques Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une balade entre les deux rives de la vie à  la lisière entre rêve et réalité. Un poème lumineux du cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa sur le travail de deuil et les liens qui nous retiennent à  ceux qu’on aime ou qu’on a aimés.

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Festival – Lumière !

116 films des frères Lumière restaurés et présentés par Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier 2 DVD et un livret. Sortie le 16 septembre 2015.

A l’occasion de l’exposition Lumière ! et du Festival du même nom qui se tiendra du 11 au 18 octobre à  Lyon, sortie en DVD de 116 films tournés entre 1895 et 1905 par les Frères Lumière et leurs opérateurs. Un petit bijou de créativités cinématographiques.

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Chroniques Cinéma – Les deux amis

de Louis Garrel

avec Louis Garrel, Vincent Macaigne, Golshifteh Farahani

Français 2015.

Chroniques Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une adaptation très libre de la pièce de Musset « Les caprices de Marianne ». Ou l’histoire du trio amoureux revisité par Louis Garrel, admirateur de la Nouvelle Vague.

La littérature et le cinéma ont souvent utilisé le thème du trio amoureux comme ressort dramatique. Les deux amis, le film de Louis Garrel, trouve son argumentaire dans la pièce d’Alfred de Musset « Les caprices de Marianne ». Mais on pense évidemment côté cinéma à  Jules et Jim, l’opus de François Truffaut.

Clément et Abel sont des amis « pour la vie ». Pourtant, l’arrivée de Mona dans la vie amoureuse du premier va très vite menacer cette complicité à  la fois très forte et détonante. Ils se ressemblent si peu !

Mona, elle, est plus mystérieuse. Merveilleuse Golshifteh Farahani ! En semi-liberté, elle doit réintégrer la prison chaque soir mais n’a rien dit à  Clément. Les deux garçons vivent de petits boulots : Clément fait de la figuration, Abel travaille dans un parking mais se veut écrivain !
Ce qui devait arriver arrivera : Abel se sentira attiré par Mona, Clément imaginera la trahison. Mais c’est Mona qui paiera pour les impudences des deux garçons. Comme si elle était la seule adulte du trio..

Louis Garrel réalise ici son premier long métrage. On pourra lui reprocher son trop grand penchant pour la nonchalance, le goût des discussions sans fin, le dilettantisme.
Il faut plutôt regarder ce film comme un album ouvert sur la vie précaire des trentenaires d’aujourd’hui, tant dans leur vie sociale, professionnelle qu’amoureuse. Rien n’est pérenne, un rien peut faire envoler les quelques idées que ces jeunes parisiens développent sur l’amitié, l’amour, la vie.
Il y a du Jean-Luc Godard dans ce film mineur mais attachant, on pense à  A bout de souffle »… Des dialogues écrits mais dits « nature », une déambulation à  travers Paris accompagnée de la musique mélancolique et nostalgique de Philippe Sarde.
La réalisation est soignée et au vu du générique, on pense que le jeune réalisateur a su bénéficier des conseils de certains de ses aînés !
Finalement, Louis Garrel donne de cette jeunesse qui se cherche une image un peu perdue où l’amitié apparaît un sentiment plus fort que l’amour et qui sera sauvé
« Les deux amis » ou l’art d’un certain désenchantement, bien dans l’air du temps.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555881&cfilm=224205.html]