Les merveilles

de Alice Rohrwacher

avec Maria Lungu, Alba Rohwacher. Sam Louwyck.
(Italien 1h51).

Grand Prix au Festival de Cannes 2014.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une chronique douce amère sur la vie utopique d’une famille d’apiculteurs dans une ferme en Ombrie..Entre rêve et réalité.

Ce filma a obtenu le Grand Prix au dernier Festival de Cannes et pourtant l’on ressort perplexe de la projection.
La jeune réalisatrice, Alice Rochwacher, auteur de « Y aura-t-il de la neige à  Noël ? » brosse le portrait d’une famille d’apiculteurs installée dans une maison délabrée de la région de l’Ombrie en Italie.

Le père, fort en gueule et sûr de ses idées utopistes règne sur sa tribu (une épouse et 4 filles). Chez lui, Il y a bien quelques règles mais elles sont surtout en opposition à  celles de la société. Les fillettes se débrouillent comme elles peuvent entre virées sur la plage, jeux dans la campagne et aide au père pour s’occuper des ruches. Gelsomina l’aînée, (prénom prédestiné !), jeune adolescente, semble veiller sur cette famille et montrer un sens des réalités plus aiguisé que celui de son père.

On ne sait d’où vient le plus grand danger : des abeilles qui entourent par centaines Gelsomina près des ruches, de l’autoritarisme de son père ou des tentations de la société !
Anxieuse, la jeune fille écoute souvent derrière la porte de la chambre de ses parents de peur de sentir sa mère en danger.. Le père est si imprévisible.

L’adolescente voudrait bien aider la famille qui tire le diable par la queue. Une émission de télé-réalité vient de poser ses caméras, à  proximité. Elle s’inscrit au concours du « Village des Merveilles » ces traditions locales que la télévision veut récompenser comme les chants traditionnels des grands-mères ou ce miel que récolte sa famille.

Gésolmina ne gagnera pas le jeu TV et cette séquence en carton pâte viendra sonner le glas des illusions de la fillette et de son père. «Tout ne s’achète pas » aura-t-il beau dire maladroitement aux caméras de TV… Il faut bien nourrir sa famille pourtant. Ses idéaux de vivre en marge ont fait long feu.

Même cette séquence TV avec rires et poésie factices semble aussi sonner la fin d’une certaine forme de comédie à  l’italienne.

Alice Rohrwacher laisse la bride sur le cou à  la caméra qui rend bien à  l’écran la vie de cette famille sans contraintes : la mère se balade assez dévêtue, les filles pataugent pieds nus dans les flaques, le père dort à  la belle étoile sur un matelas. Maria Lungu campe une Gelsomina avec une force de caractère peu commune. Alba Rohrwacher, la sœur de la réalisatrice au visage accrocheur, joue le rôle de la mère, fataliste et effacée. Sam Louwyck promène sa longue silhouette de baba cool désemparé….

La dernière image montre la ferme délabrée vide de ses occupants. Vide du climat poétique, loufoque et libertaire qui la remplissait. Comme si le film n’avait été qu’une longue rêverie de ses habitants.
Une rêverie qu’on n’aura pas tout à  fait partagée durant près de deux heures de film

Hildegarde de Bingen

Avec le soutien de la Fondation St Irénée

Première du spectacle

Le Dimanche 1 Mars à  19h

église St Jacques , 51 rue Jean Sarrazin , Lyon 69008

Tram 4 : États-Unis / Tony Garnier

bus C25 : Professeur Beau Visage / CISI ou Etats Unis / Tony Garnier

« Il faut mettre en place une lutte farouche à  l’intérieur de soi-même, une ascèse à  la consommation, une sobriété heureuse, pour faire un bon usage du monde et répondre à  l’attente de Dieu . L’homme est ministre de l’univers remis entre ses mains… »

Une femme d’une actualité incroyable, qui replace l’homme en unité avec cosmos.
Non seulement Hildegarde soigne le corps avec ses recettes et ses médicaments, mais elle soigne l’âme avec ses écrits originaux, ses chants magnifiques et ses enluminures stupéfiantes!

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Chroniques cinéma – « Félix et Meira »

de Maxime Giroux

avec Hadas Yaron, Martin Dubreuil (Film canadien 1h45 2015).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Sur fond d’histoire d’amour, une subtile réflexion sur les contraintes que l’on peut ressentir au sein d’une communauté qu’elle soit religieuse (ici juive) ou familiale. Et les choix qui en découlent.

C’est une histoire improbable que celle qui réunit Meira, jeune femme mariée, maman d’une petite Licheva, appartenant à  une communauté juive orthodoxe et Félix, trentenaire bourgeois et dilettante, en plein désarroi depuis la mort de son père qu’il n’avait pas revu depuis 10 ans.

On sent l’un et l’autre « flotter » dans leur vie. Meira obéit sans convictions aux injonctions de son mari, très religieux. Celui-ci ne peut imaginer qu’elle déroge aux devoirs qui sont les siens : porter le foulard, ne pas écouter de musique « dégénérée », avoir beaucoup d’enfants, célébrer « shabbat » bien sûr en famille.

Félix lui, sent que la très grande liberté qu’il s’est octroyée jusqu’à  présent ne le mène nulle part.

Ces deux « orphelins » vont se rencontrer d’une façon inattendue dans les rues enneigées de la ville de Montréal où ils habitent. Et par petites touches, l’un et l’autre vont s’apprivoiser. Meira se libère petit à  petit des règles de sa vie, écoute du reggae, ose le pantalon, se dénude la tête car sous le voile, elle porte une perruque. C’est comme si elle se mettait à  nuFélix est captivé par cette femme-enfant qui ne demande qu’à  éclore.

Le mari Shulem qui a découvert l’idylle, agresse d’abord violement Félix, puis se remet en question et si le départ du film pouvait laisser penser à  une critique des règles rigides de cette communauté juive orthodoxe, la façon dont Maxime Giroux fait évoluer l’histoire est étonnante et empreinte de subtilité et d’intelligence.
Car Shulem apparaît alors comme empli de sagesse. En forçant Félix à  lire une lettre que son père lui a écrit avant de mourir, il lui permet de découvrir sous sa conduite autoritaire tout l’amour d’un père, comme nous découvrons en Shulem, sous les préceptes de sa religion qu’il observe fidèlement, un cœur qui peut se fendre.
Petit à  petit il s’ouvre aux désirs de son épouse, à  ses interrogations, même s’il reste fidèle aux lois de sa communauté.

Le film se déroule par petits tableaux intimistes ou chacun se dévoile, murmure, laisse entrevoir une émotion à  fleur de peau, un mot qu’on laisse échapper, un geste d’amour. De nombreuses séquences se déroulent dans des appartements près d’une vitre (fenêtre de chambre, baie de building …) comme si les protagonistes voulaient prendre leur envol mais « empêchés » intérieurement, conserveraient encore un peu la protection de la vitre.
La communauté hassidique est décrite avec bienveillance, en « observateur », comme souhaitait le montrer le réalisateur qui vivait à  côté de l’une d’entre elles lorsqu’il habitait Montréal.

C’est un film sur l’écoute et le dialogue finalement qui nous est proposé en même temps que l’histoire d’une métamorphose, une mutation de chacun des trois personnages. Ils vont tous évoluer au cours de ce film.
Les rôles de Félix et Meira sont tenus par des comédiens tout en osmose et en fragilités. Grâce à  eux on est intimement plongé dans ce drame amoureux. Que vont-ils devenir ?
La fin laisse le spectateur entièrement libre. Félix et Meira sont à  Venise avec Licheva. Meira sert sa fille dans ses bras en lui disant : Je suis désolée, mon amour, je suis désolée.
Est-ce à  sa fille qu’elle s’adresse, à  Félix assis à  ses côtés, à  son mari resté à  Montréal ? On ne sait.
Chacun écrira la réponse qu’il imagine..

Festival du Film Solidaire de Lyon Croix-Rousse – “Princes des Fatras”

le 28 février.

Le roman de Jean-Yves Loude “Princes des Fatras” (Belin) et le film “Les Princes des Fatras”, seront présentés en avant-première lors de la première édition du Festival du Film Solidaire de Lyon Croix-Rousse,

Les résultats d’un an de travail et de combat avec le partenariat de l’INSA pour accompagner l’expérience essentielle d’un centre de tri des fatras, déchets à  Cité Soleil, périphérie accablée de la capitale haïtienne.

Un défi urgent pour la planète !

Le film “Les Princes des Fatras” clôturera le Festival : projection à  21h30.

Présentation du film et du roman le mercredi 11 mars à  la médiathèque de Villefranche-sur-Saône à  18h30.

« La vie des gens »

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Documentaire français 2015 de Olivier Ducray – 1h25

Pour compléter le dimanche de la santé du 8 février, organisé sur le thème « Fragiles et vivants » on peut recommander un film documentaire « La vie des gens » qui a été projeté en avant première en présence de l’équipe du film au cinema « Comoedia », lundi 23 Février à  20H 45.

La vie des gens suit Françoise, une infirmière libérale qui traverse Lyon sur sa petite trottinette au chevet de ses malades, en grande partie des personnes âgées. Confidente, soignante, attentive mais jamais larmoyante, elle insuffle à  ce documentaire son regard positif, amoureux de la vie et des autres.

Si la ville de Lyon resplendit sous l’œil de la caméra d’Olivier Ducray, le quotidien des visites de Françoise nous est donné tel qu’elle le vit : il y a à  la fois la réalité des difficultés de ces vieillards confrontés à  la maladie, à  la diminution de leurs forces, la prise de médicaments mais aussi l’intensité de leur regard qui en dit tellement long sur leur demande d’un brin de conversation, d’une attention particulière, une façon d’être encore considérés comme des êtes en vie …

Si on regrette parfois un peu l’omniprésence de Françoise : « Je suis bavarde, je suis bavarde ! » avoue-telle entre deux visites, « C’est une étoile filante » ajoute une de ces patientes, il faut reconnaître la vitalité, l’attention jamais fabriquée de cette infirmière aux longues années de pratique. Elle aime ces vieillards, ne leur fait jamais espérer une amélioration si ce n’est pas vrai. Son désir : les emmener jusqu’au bout, jusqu’au bout de leur vie en restant chez eux, comme ils le souhaitent.

Les scènes sont courtes, mais si justes, si fortes, si vraies qu’elles provoquent en nous plein de sentiments. L’admiration pour la disponibilité de ces soignants, leur investissement mais aussi et surtout une profonde empathie pour toutes ces personnes âgées qui ont accepté d’être filmées chez eux. Pas de voyeurisme, de vol de leur intimité mais des moments d’une grande lucidité sur le temps qui s’en va, la maladie qui gagne, le sentiment d’être exclu du monde social quand une grande partie des journées se passe seuls, même si certains sont encore en couple.

Celui qui est en meilleure forme regarde avec tendresse, tristesse et déchirement l’autre peu à  peu « quitter » la réalité de leur vie de couple. Françoise est là  pour accompagner, soutenir, « être là  ».
On se rappellera la complicité rieuse d’un couple alors que la cécité gagne l’épouse, un monsieur digne dans un appartement bourgeois avouant d’une voix douce « On ne devrait pas vieillir », une truculente « bobonne », aux jambes bien abîmées blaguant et apostrophant son infirmière malgré une mâchoire édentée.

Ce film n’apprendra rien à  tous ceux qui vivent ces difficiles années de fin de vie d’un proche mais il témoignera que ces moments là  sont si précieux à  préserver, à  partager, à  la fois pour ceux qui souffrent mais aussi pour ceux qui les accompagnent. « Fragiles et vivants » était le thème du dernier dimanche de la Pastorale de la santé. Et c’est bien vrai. L’humanité de l’homme est là  jusqu’au bout.

Un petit regret. Françoise défend l’idée de rester chez soi pour mourir. Mais si certains ont encore la chance d’avoir un conjoint ou la visite de proches, le film montre l’immense solitude de ceux qui sont vraiment seuls. Dans ces cas-là , un encadrement collectif adapté ne serait-il pas meilleur ?

Il a été tourné à  Lyon durant une année en accompagnant une infirmière dans son travail auprès des personnes âgées.
Il sortira le 4 Mars.

[->http://www.cinema-comoedia.com/film/68571]

Chroniques Cinéma – « Hope »

de Boris Lojkine

avec Endurance Newton et Justin Wang. (Film français 1h30).

Ciné Mourguet à  Ste Foy-lès-Lyon le lundi 23 Février à  20h45
Une séance sera programmée en présence du réalisateur .

Chroniques Cinéma de Marie Noëlle Gougeon

Le périple plein de dangers, de peur et de mort de deux jeunes migrants : l’une nigériane, l’autre camerounais, sur la longue route de l’exil. La réalité de ces voyages comme vous ne l’avez jamais vue.

Elle s’appelle Hope (espoir en anglais), elle est Nigériane. Lui, Léonard, est camerounais.

C’est dans un camion de passeurs, à  la limite de l’Algérie, qu’ils vont faire connaissance. Elle est la seule femme. Laissée sur le bord de la route après un viol collectif, elle n’a aucune chance de s’en sortir. Pris d’affection pour elle, Léonard l’attend, abandonnant sa place dans le convoi..

Ainsi, ces deux compagnons d’infortune vont s’épauler tant bien que mal, lui d’abord réticent, elle mutique. Affronter ensemble les obstacles innombrables du périple va les rapprocher jusqu’à  faire naître entre eux des sentiments plus tendres.

Mais la dure réalité les rattrape bien vite, l’horrible réalité des passeurs qui les rackettent, les rançonnent. C’est comme çà  : pour franchir toutes les frontières, il faut payer en monnaie ou en « nature » pour Hope qui en tant que jeune femme est une proie facile et son corps, une marchandise. Hope et Léonard font face aussi à  l’organisation mafieuse des règles implicites des passeurs. Chaque communauté (camerounaise, nigériane, ivoirienne, etc..) est regroupée en ghettos avec à  sa tête un « chairman » qui fait régner la terreur : violences, vol, prostitution, trafic d’armes et d’argent, séances vaudou. On se demande si ce qu’ils doivent endurer pendant ce voyage n’est pas pire que ce qu’ils vivaient dans leur pays. Et pourtant, ils sont l’espoir de leur famille restée au village : il faut coûte que coûte qu’ils atteignent l’Europe, pour envoyer de l’argent.

Léonard n’aura de cesse de soutenir Hope, refusant de l’abandonner à  ces brutes sans foi ni loi, au péril de sa vie. La dernière séquence, poignante, montre que l’espoir est mince d’apercevoir sur les côtes d’Espagne une vie meilleure.

Hope est un film coup de poing qu’il faut aller voir pour se rendre compte de la réalité sordide et déshumanisante de la vie de ces candidats à  l’exil et au voyage. L’histoire d’amour entre Léonard et Hope apporte la preuve que la dimension humaniste ne disparaît pas complètement malgré la violence et peut adoucir une réalité très sombre. Les scènes entre les jeunes gens sont d’une grande douceur : le bain dans la rivière, deux ou trois oranges partagées, l’apprentissage de quelques mots de français.

Boris Lojkine vient du documentaire et réalise un film fort, à  l’image et aux cadrages soignés, et qui enrichit la façon dont nous connaissions déjà  cette réalité-là . Même si le scénario s’embrouille parfois dans les configurations de toutes les communautés traversées, tous les ghettos.

Les deux jeunes « héros » du film sont des migrants eux-mêmes et non des comédiens professionnels. Et aujourd’hui, ils n’ont toujours pas réussi à  gagner l’Europe : Hope -Endurance est toujours au Maroc. Léonard- Justin a pu retourner voir sa mère au Cameroun.

Hope est un film à  voir pour la réalité qu’il montre, pour la description « de l’intérieur » de cette violence, de l’immense pauvreté de ces groupes : pauvreté matérielle, culturelle et religieuse
Une leçon d’histoires et de vies.

[->http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19550307&cfilm=228466.html]

l’Espace Saint Ignace,

Trois événements proches en deux lieux et un colloque

• Jeudi 29 janvier – 18h30 à  Saint-Marc, 10 rue Sainte-Hélène (Lyon 2e)

«Penser l’humain au temps des technosciences » par Thierry MAGNIN, Recteur de l’Université Catholique de Lyon

Conférence organisée par l’association des anciens élèves de St Joseph/St Marc, 10 rue Ste Hélène

Plus d’informations >>>
[->http://www.centresaintmarc.org/actualites/conference-penser-lhumain-au-temps-des-technosciences]


• Mardi 3 février – 19h15 / 21h15 à  l’Espace Saint Ignace, 20 rue Sala (Lyon 2e)

Mardi d’éthique publique – « L’Islam en France »

M. Fahrad KHOSROKHAVAR, Sociologue, directeur d’études à  l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), spécialiste de l’Islam, vient de publier Radicalisation aux éditions de la Maison des Sciences de l’homme.

M. Jean-Luc POUTHIER, Historien, professeur à  l’Institut d’Etudes Politiques à  Paris (Sciences Po), fondateur du Centre d’Études du Fait Religieux Contemporain (Cefrelco).

Plus d’informations >>> [->http://famille-ignatienne-lyon.fr/2015/01/16/mardi-3-fevrier-19h15-21h/6815]


• Samedi 14 février – 9h30 / 11h30 à  l’Espace Saint Ignace, 20 rue Sala (Lyon 2e)

Samedi d’Etudes La guerre moderne peut-elle être juste ?
à  partir du Hors-Série des Études : La guerre, controverses éthiques et spirituelles 1914-2014.

Avec M. Jean-Dominique DURAND, Professeur des Universités, Adjoint au Maire de Lyon (Patrimoine, Mémoire, Anciens combattants)

Plus d’informations >>> [->http://famille-ignatienne-lyon.fr/2014/12/17/samedi-14-fevrier-9h30-11h30/6788]


• Jeudi 12 mars – 18h30 à  l’ECCLY, 49 Montée Saint-Barthélemy (Lyon 5e)

Dans le cadre du Colloque des 12 et 13 mars ouvert au public :

« PASSION DU CHRIST – DESCENTE AUX ENFERS »

organisé par la Faculté de Théologie et Sources Chrétiennes

« Conférences publiques à  deux voix sur
La Passion du Christ d’après le récit des Martyrs de Lyon
»
– «Les raisons de l’hostilité envers les chrétiens »

François RICHARD, Université de Lorraine, Nancy:

 Comment les chrétiens ont-ils interprété et vécu leur martyre ?

Bernard MEUNIER, Directeur des Sources Chrétiennes (CNRS-HiSoMA), Lyon

Plus d’informations >>> [->http://www.sourceschretiennes.mom.fr/recherche/colloque/colloque-passion-christ-et-descente-aux-enfers-jeu-12032015-0000]


CONTACT : Dominique Gonnet sj. [->famille.ignatienne.lyon@gmail.com ]

Chroniques cinéma – PHOENIX

de Christian Petzold

avec Nina Hoss et Ronald Zehrfeld (Film allemand 1h38).

Chroniques cinéma par Marie-Noëlle Gougeon

Nelly Lenz, juive allemande, vient d’être libérée d’un camp d’extermination. Lourdement blessée au visage, un chirurgien lui remodèle un faciès « autre que le vôtre » lui conseille-t-il. Là  voilà  dotée de nouveaux traits, mais encore bleuie par les suites de l’opération. Elle retrouve la ville de Berlin en ruines, si ce n’est quelques quartiers comme ceux des cabarets où s’amusent des soldats américains. C’est là  qu’elle retrouve son mari, Johnny, ancien pianiste reconnu, qui fait maintenant office d’homme à  tout faire. Le cabaret où il travaille s’appelle Phoenix.

En la voyant, Johnny ne la reconnaît pas mais ébranlé par la ressemblance, il établit un plan machiavélique : que Nelly se fasse passer pour sa femme, qu’il croit morte comme toute sa famille. Ainsi elle héritera et lui aussi de la moitié de la fortune de ses parentsNelly accepte car d’abord elle l’aime, ensuite, elle veut mesurer l’attachement qu’il lui a réellement gardé puisqu’une de ses amies lui a avoué qu’il avait divorcé deux jours après son arrestation : il l’a donc trahie !

Un drôle de jeu se met en place alors. Johnny-Pygmalion façonne Nelly à  l’image de celle dont il a gardé le souvenir et dont on ne verra jamais le portrait d’avant guerre qui restera un fantasme, un souvenir.
Nelly joue le jeu, un jeu redoutable car elle est la « vraie » Nelly et en même temps otage du plan de son mari.

A quel moment et comment la vérité éclatera ?

Christain Petzold
compose un vrai thriller psychologique cernant ces personnages dans des huis-clos sombres et angoissants. Les décors sont minimalistes, dépouillés ou enchâssés dans une nuit éclairée de lumières froides

On sent encore le goût de cendres de la guerre, les soupçons sur chaque voisin (était-il nazi ?), l’impossible retour de ceux qui rentrent des camps, et leur témoignage qu’on ne veut pas entendre. Petit à  petit, Johnny impose à  Nelly de porter les habits de son épouse, (une robe rouge qui symbolise à  la fois la vie qui revient mais aussi le rouge du sang des victimes). Il lui commande de se coiffer, de se maquiller, d’écrire comme elle.

Mais qui donne la vérité d’un être : son aspect physique, sa démarche, son écriture ? Johnny se trompe..

Nelly lui obéit mais lui échappe en même temps, ou plutôt elle construit en elle-même sa résistance à  ce plan pervers, elle sait jusqu’où elle ira.

La dernière séquence du film se déroule dans une gare avec la rencontre de la famille de Johnny donc son « ancienne belle-famille ». Johnny croit avoir réalisé son plan. La séquence est un pur moment de cinéma

Nelly dit enfin sa vérité en dévoilant son numéro de prisonnière tatoué sur le bras et en chantant d’une façon déchirante Speak low, pour montrer son amour, une chanson sur une musique de Kurt Weill, qu’elle chantait avant la guerre avec son mari. Elle va faire tomber les masques, et pétrifier Johnny. Il découvre tout d’un coup la réalité: Nelly était réellement sa femme. Mais c’est trop tard L’image se brouille Sublime dernier plan..

Nina Hoss habite littéralement le rôle de Nelly et elle est formidablement émouvante.

Ronald Zehrfeld mêle avec brio la perversion du personnage et la séduction de l’ancien mari.

A l’heure du 70 ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, Christaian Petzold nous offre avec Phoenix un film grave, brillamment réalisé et à  l’honneur du cinéma allemand.

Chroniques Cinéma – Une merveilleuse histoire du temps

de James March

avec Eddie Redmayne et Felicity Jones
(Film Britannique 2h03).

Chroniques Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

C’est l’un des plus grands astrophysiciens du XXème siècle. Stephen Kawking est connu pour ses travaux sur les trous noirs et la cosmologie. Il a publié un ouvrage qui fit date dans les années 80, vendu à  1O millions d’exemplaires : « Une brève histoire du temps » dans lequel il proposait une explication sur le commencement du monde et le fameux big-bang. Il a occupé la chaire de Newton à  l’Université de Cambridge.

Si le film de James March s’intitule « Une merveilleuse histoire du temps », c’est qu’il raconte la vie de cet homme hors norme, vue à  travers le regard de celle qui fut son épouse pendant trente ans, sans qui sans doute il n’aurait pas été ce qu’il est devenu et qui a raconté leur histoire dans un livre.

Jane a connu Stephen sur les bancs de l’Université à  Cambridge en 1963. Quelques mois de relations avant qu’ils n’apprennent que Stephen est atteint d’une maladie neuro-dégénérative incurable, plus communément appelée Maladie de Charcot. Il ne lui reste, selon les médecins, plus que deux ans à  vivre. Contre toute attente, Jane reste à  ses côtés, mieux elle l’épouse, va le soutenir, le porter littéralement, s’effacer, oublier ses ambitions professionnelles pour se consacrer entièrement au soutien médical et psychologique de son mari bientôt en fauteuil roulant, puis trachéotomisé.

Et c’est le corps déformé, raidi, recroquevillé sur un fauteuil roulant, s’aidant d’un ordinateur à  commande vocale qu’il va continuer à  travailler et regarder grandir ses trois enfants

Il ne faut pas attendre de ce biopic des explications poussées sur la théorie du big-bang mais d’avoir choisi l’adaptation du livre de Jane Hawking ouvre toute une réflexion sur la part des femmes dans la réalisation professionnelle de leur mari, la façon dont un couple vit au quotidien avec le très lourd handicap d’un des conjoints. Et pose la redoutable question : jusqu’où se « sacrifier », s’oublier ?

Jane rencontrera un pasteur et les sentiments qui naissent entre eux seront écartés à  regrets.

Au bout de trente ans de mariage, Stephen et Jane se sépareront mais resteront amis. Lui se liera avec son orthophoniste ; elle, retrouvera le pasteur qu’elle épousera.

C’est un film très « british » qui nous est offert, tout en retenue, en couleurs pastels, en intérieurs cosy qui laisse entrevoir malgré tout les sentiments d’amour infini pour l’époux choisi, de passion non dite pour cet autre homme croisé, la peine pour la carrière que Jane a sacrifiée, l’immense courage de tous les deux pour surmonter les difficultés physiques et morales d’un tel handicap, d’exquises questions sur la vie, l’amour et Dieuposées souvent avec humour !

Eddie Redmayne est bluffant de vérité. Il campe avec humanité l’astrophysicien à  qui il ressemble tant, sans jamais en faire trop. Il EST Stephen Hawking. On gardera longtemps en mémoire son sourire quasi permanent, ses doux yeux bleus derrière ses lunettes. Il est nominé pour l’Oscar du meilleur comédien.

Le film est lui en lice pour l’Oscar du meilleur film.

Stephen Hawking vit toujours en Angleterre. Il a aujourd’hui 72 ans.