Reality

de Matteo Garrone

Italie/France, 2012, 1h55

Sélection officielle Festival de Cannes 2012, Grand prix.

Sortie en France le 3 octobre 2012.

avec Aniello Arena, Loredana Similoni, Nando Paone.

Quand la foi cathodique règne sans partage sur les foules populaires, que reste t-il comme espérance ? Un film bon enfant, à  la morale grinçante.

Jeune réalisateur, Matteo Garrone avait fait sensation en 2008 avec Gomorra qui dénonçait les pratiques banalisées de la mafia en Italie. Avec Reality, il prend le ton de la comédie pour dénoncer un autre travers de ses contemporains, la fascination pour les paillettes éphémères de l’univers médiatique. Toujours très talentueux, il ouvre son film avec une scène époustouflante où le regard du spectateur fait un tour dans les cieux pour redescendre au cœur d’une fête de famille. Nous sommes au spectacle et nous le resterons jusqu’à  bout.

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Le spectacle se déroule en quatre lieux, très différents mais qui se répondent, se complètent et stimulent les personnages qui jouent dans ces lieux. Le mariage a lieu dans un hôtel monumental, les invités sont déguisés et mis en scène pour la photo souvenir qui, seule semble attester de la réussite de cette union. Parmi les invités, on fait connaissance de Luciano et de sa famille.

Luciano, patron d’une petite poissonnerie, est une caricature de l’Italien jovial, drôle et généreux. La place du village où est situé son commerce est comme une scène de théâtre, où chacun joue parfaitement son rôle. Les clients, comme les mendiants, les autres commerçants, comme les nombreux membres de la famille. Pour faire pendant à  ce personnage exubérant, Michele, le commis, plus discret, préfère parler à  la Vierge qu’aux passants. Et tout le monde est heureux jusqu’au jour où Luciano décide de participer à  un jeu de télé-réalité, Grande Fratello. La farce va forcément tourner au cauchemar.

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Quelques actes se joueront dans l’intimité de l’appartement familial, lui-même emboité dans un immeuble entourant une cour, chambre d’échos des péripéties du personnage principal. Un théâtre décrépi de l’Italie en crise économique, où plus personne ne sait vraiment son rôle et improvise au gré des circonstances, espérant toujours un miracle télévisuel. Le dernier acte se joue dans les studios du tournage de l’émission, où Luciano pénètre par effraction, après avoir faussé compagnie à  Michele qui l’avait amené à  Rome pour voir le pape. A la dévotion catholique, Luciano préfère le grand saint médiatique, quitte à  y perdre son âme. Le dernier plan s’inscrit dans l’élan de la scène d’ouverture : on part des lumières de la télévision pour s’enfoncer dans l’obscurité totale. Pour Matteo Garrone, il est clair que le salut ne vient pas du petit écran.

Magali Van Reeth

Signis

Rencontre littéraire de Saint-Bonaventure

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A l’église Saint-Bonaventure

Première rencontre littéraire à  l’église Saint Bonaventure sur le thème :
« Un livre, un témoin ».

Le 15 octobre 2012 à  18 heures 30

nous présenterons le livre de Matthieu Belezi

« C’était notre terre »avec pour témoin une Française d’Algérie.

Lectures par Thierry Pariente directeur de l’ENSATT.

Le Magasin des suicides

de Patrice Leconte

France/Belgique/Canada, 2012, 1h25

Sortie en France le 26 septembre 2012.

film d’animation

Ouvrir la porte de cet étrange magasin, c’est respirer une bouffée de bonheur et goûter aux couleurs de la vie. Patrice Leconte s’empare avec brio du dessin animé.

Dans le cinéma français, Patrice Leconte s’est taillé une place de choix avec de nombreux films à  succès. Plus de 30 films en 40 ans. Comédies franchouillardes comme Les Bronzés (1, 2 et hélas 3), drames comme Monsieur Hire (1989), La Veuve Saint-Pierre (2000) mais aussi Dogora (2004), poème visuel et musical. Tout n’est pas bon chez ce réalisateur prolifique mais c’est l’un des rares cinéastes actuels à  se renouveler autant, à  tourner avec autant d’acteurs différents, dans des registres si éloignés. Et aujourd’hui, il signe son premier film d’animation.

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Adapté d’un roman éponyme de Jean Teulé, Le Magasin des suicides est un conte joyeux et entrainant pour dérider tous les grincheux. Dans une ville sinistre, grise et lugubre, où le taux de suicides est très élevé, Mishima et Lucrèce vendent des articles très mortels, comme d’autres vendent des parfums ou des sacs à  main. Leurs deux enfants, Maryline et Vincent, aussi tristes que possible, attendent sans enthousiasme l’arrivée d’un nouveau bébé. Qui bien sûr, va tout chambouler.

Patrice Leconte prend un vrai plaisir à  dérouler cette histoire, du gris le plus terne aux couleurs éclatantes, qui va à  l’encontre de la sinistrose ambiante. De même, en tant que réalisateur, il s’amuse à  réaliser, grâce au dessin, des plans qu’il n’a jamais pu faire avec de vrais acteurs dans des décors réalistes. Et puisque dans ce monde-là  tout est plus facile, il fait aussi une comédie musicale, avec une succession de mélodies entrainantes qui donnent, dès les premières images, un ton joyeux à  tout le film.

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Comédie pour tout public à  partir de 10 ans

Magali Van Reeth

Signis

Romeo et Juliette, de Shakespeare aux Subsistances

Romeo et Juliette, de Shakespeare aux Subsistances du 15 au 22 septembre.

Si la formule « à  voir et à  manger »affichée sur le portail des Subsistances n’est pas du meilleur goût, elle est explicite et est une invitation à  l’endroit des amateurs de théâtre qui pensent qu’il est nécessaire comme le pain et le vin.
Le nouveau spectacle de David Bobee répond parfaitement à  cette annonce en proposant un spectacle généreux, foisonnant, populaire par la présentation, élitiste par son appartenance aux grands classiques qu’il rend particulièrement lisibles .L’an dernier, il nous avait séduit par une mise en scène très originale d’Hamlet, où l’atmosphère pesante d’Elseneur était merveilleusement transposée dans une morgue où l’évolution dramatique et le texte paradoxalement apparaissaient en pleine lumière.
Il récidive cette année dans la lignée élisabethaine, avec une adaptation de « Romeo et Juliette »,très contemporaine, où l’accent est mis sur la violence de la lutte des deux familles de Vérone ,que l’on peut élargir à  deux sociétés , où les enfants sont les victimes, jusqu’à  la mort des haines ancestrales dont on ne saisit plus les racines et qui se nourrissent à  leur tour des conflits récents. Tout cela est très bien rendu, avec une adaptation du texte dans une langue très actuelle parfois jusqu’à  l’excès par une scénographie traversée de violentes lumières, qui en contraste réserve, pour une très belle scène d’enterrement dans une chapelle traitée dans la pénombre, beaucoup d’émotion. Le spectacle est présenté dans le cadre de la Biennale de la Danse, parce qu’une chorégraphie au service de l’expression de la lutte mortelle est servie par des acteurs dont la mixité ajoute à  la leçon de tolérance que dégage l’ensemble. Le cirque avec d’étonnants acrobates, participe à  l’esthétique soignée de la présentation et est tout à  fait dans l’esprit de Shakespeare.
Par contre le feu de la passion amoureuse, autre forme de violence n’apparait plus que comme prétexte aux affrontements.
Si bien savoir utiliser les différents arts du spectacle pour donner à  voir et à  entendre un grand classique, qui résonne des drames contemporains mérite le déplacement, même si Romeo et Juliette est ici plus l’histoire des Capulet et des Montaigu qu’une tragique histoire d’amour.

Ombline

de Stéphane Cazes

France, 2012, 1h35

Sortie en France le 12 septembre 2012.

avec Mélanie Thierry, Nathalie Becue.

Un film émouvant sur ces femmes qui accouchent et élèvent leur enfant en prison, dans un univers extrêmement violent, dont il est difficile de s’extraire.

Pour son premier film, le jeune réalisateur français Stéphane Cazes n’a pas choisi la facilité. Parler des femmes qui accouchent en prison et y vivent avec leur enfant pendant quelques mois est un sujet dramatique en soi mais qui ne fait sans doute pas rêver le grand public.

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L’actrice Mélanie Thierry interprète Ombline. Cette jeune femme, dont le père est lui-même en prison et qui vient d’un milieu instable, cache derrière la transparence de son visage un tumulte intérieur proche du chaos. Dans son monde, les repères et les codes ne sont pas les mêmes que ceux « des gens riches » et on comprend vite pourquoi, une fois qu’on est entré en prison, le cercle devient vicieux. Il faut une énergie hors du commun pour s’extraire de cet environnement, de la violence quotidienne reçue et donnée.

En dépit des maladresses dans la réalisation, Stéphane Cazes dresse un portrait réussi de ces femmes d’un autre monde qui, entre naïveté, révolte, espérance et désespoir, s’accrochent à  leur enfant pour trouver une raison de vivre. L’univers de la prison est montré avec beaucoup de réalisme, peut être un peu trop au détriment de la fiction. Mais on comprend vite que chaque instant est un combat, autant pour les détenues que pour les surveillantes et les représentants de la justice. La seule générosité vient des intervenants bénévoles, ceux qui sont là  « juste parce qu’ils aiment rendre service », au grand étonnement d’Ombline. C’est à  travers la maternité qu’elle découvrira et comprendra le don de soi.

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La dureté du parcours de la jeune femme pour éviter de sombrer, et de faire sombrer son fils avec elle, est poignante. Aussi la fin, un peu trop naïve, si elle permet à  certains spectateurs de sortir plus apaisés de la projection, est peu crédible. Mais Ombline reste cependant un film courageux et inhabituel et, parce qu’il est par moment très proche du documentaire, nécessaire pour mieux comprendre le comportement de tous ceux qui sont incarcérés ou qui travaillent avec les détenus.

Magali Van Reeth

Signis

Lascols expose ses toiles à  la Galerie Bouchon d’Art

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« Clair obscur » c’est le nom de l’exposition de

Lascols, artiste peintre qui expose ses toiles jusqu’au
28 Septembre 2012 à  la Galerie Bouchon d’Art

Des atmosphères sombres qui appellent à  la lumière,
des rapports aux éléments qui interpellent et renvoient à  notre propre questionnement intérieur

Parmi les créations exposées, voici quelques titres qui témoignent de l’interrogation de l’artiste sur le sens de l’existence, de sa grande sensibilité et d’une profonde quête spirituelle.

« Prisonnier du je »
« Mon bâton de gueux »
« Mémoire cachée »
« Oméga »
« A l’écoute de la terre »
« Vie sans mémoire
»

Galerie Bouchon d’Art est ouverte tous les après-midi,
du lundi au vendredi de 12h à  19h .
49, Avenue du Maréchal Foch 6ème

Festival Lumière blanche à  Tassin

Prendre de l’âge le temps d’un tournage ?

La 10ème édition du festival Lumière blanche se déroule du 9 au 14 octobre 2012 au cinéma Le Lem de Tassin.

Chaque jour, un film, précédé d’un court-métrage et suivi d’un débat, propose un regard sur la vie et les années qui passent.
C’est l’occasion de voir des films récents, comme Indian Palace de John Maden, ou plus rares, comme Conversaciones con mama de Santiago Carlos Ores, ou documentaires comme Le Sens de l’âge de Ludovic Virot.

Le programme complet est à  découvrir sur le site du Lem : http://cinemalelem.free.fr/pages/flat_tab_medium_index.html

Camille redouble

de Noémie Lvovsky

France, 2011, 1h55

Festival de Cannes 2012, Quinzaine des réalisateurs

Sortie en France le 12 septembre 2012.

avec Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Judith Chemla, Yolande Moreau, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès.

Quel plaisir de redoubler avec Camille et de revivre ces instants si éphémères qu’on a gâché autrefois, en compagnie d’acteurs qui répandent la bonne humeur !

Le charme de ce film, c’est avant tout d’éveiller notre capacité à  l’émerveillement. Si Camille redouble pourrait être classé dans la catégorie « films fantastiques » parce que le personnage principal fait un voyage dans le temps, on sent très vite qu’on s’approche plus du conte de fée. On ne saura pas quelle baguette magique ou quel sortilège permet à  Camille, la quarantaine essorée et aussi brouillée que son teint, de revenir dans la chambre de ses 16 ans. Mais, comme elle, quitte à  être là , autant profiter à  fond de ces moments-là .

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Le film s’ouvre avec une scène de film dans le film, un trucage de mauvaise facture, sans doute pour nous rappeler qu’au cinéma, tout est illusion, représentation. On peut donc partir dans cet incroyable voyage, avec pour compagnons des acteurs, dont Noémie Lvovsky elle-même et Samir Guesmi, qui sont aussi crédibles en collégiens de 17 ans qu’en adultes 25 ans plus tard.

On retrouve avec plaisir les années collège, les blousons en tissu synthétique aux couleurs criardes, les blagues des garçons mal dans leur peau, les groupes de filles agglomérées, véritables pestes qui hurlent de rire sans savoir pourquoi mais parce que le spectateur, comme Camille, sait ce qui va advenir, on a un pincement au cœur.

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Notre capacité à  croire, à  nous émerveiller, comme devant le générique d’ouverture, si aérien, si léger et si intriguant, vient aussi de cette tristesse face aux moments passés dont on n’a pas su tirer parti. Envers ceux qui sont partis sans prévenir alors qu’on les pensait éternels. Ici, le retour en arrière n’est pas un éloge de la nostalgie mais une célébration de l’instant présent. Et on quitte Camille dans un paysage urbain apaisé, où les flocons de neige participent jusqu’au bout à  la belle illusion du cinéma.

Magali Van Reeth

Signis